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21/11/2024 | FRANCE | N°493871

France | France, Conseil d'État, 4ème chambre, 21 novembre 2024, 493871


Vu la procédure suivante :



Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 29 avril et 29 août 2024 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. A... C... demande au Conseil d'Etat :



1°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 13 mars 2024 par laquelle la formation restreinte du Conseil national de l'ordre des médecins l'a suspendu du droit d'exercer la médecine générale pendant une durée de trois mois et a subordonné la reprise de son activité professionnelle aux résultats d'une expertise ; r>


2°) de mettre à la charge du Conseil national de l'ordre des médecins la ...

Vu la procédure suivante :

Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 29 avril et 29 août 2024 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. A... C... demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 13 mars 2024 par laquelle la formation restreinte du Conseil national de l'ordre des médecins l'a suspendu du droit d'exercer la médecine générale pendant une durée de trois mois et a subordonné la reprise de son activité professionnelle aux résultats d'une expertise ;

2°) de mettre à la charge du Conseil national de l'ordre des médecins la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de la santé publique ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Camille Belloc, auditrice-rapporteure,

- les conclusions de M. Raphaël Chambon, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à Me Bardoul, avocat de M. C... et à la SARL Matuchansky, Poupot, Valdelièvre, Rameix, avocat du Conseil national de l'ordre des médecins ;

Considérant ce qui suit :

1. Aux termes de l'article L. 4124-11 du code de la santé publique : " I. - Le conseil régional ou interrégional (...) peut décider (...) la suspension temporaire, totale ou partielle, du droit d'exercer en cas d'insuffisance professionnelle rendant dangereux l'exercice de sa profession. / (...) ". Aux termes de l'article R. 4124-3-5 du même code : " I. En cas d'insuffisance professionnelle rendant dangereux l'exercice de la profession, la suspension temporaire, totale ou partielle, du droit d'exercer est prononcée par le conseil régional ou interrégional pour une période déterminée, qui peut, s'il y a lieu, être renouvelée. / Le conseil régional ou interrégional est saisi à cet effet soit par le directeur général de l'agence régionale de santé, soit par une délibération du conseil départemental ou du conseil national. (...) / II. La suspension ne peut être ordonnée que sur un rapport motivé établi à la demande du conseil régional ou interrégional dans les conditions suivantes : / 1° Pour les médecins, le rapport est établi par trois médecins qualifiés dans la même spécialité que celle du praticien concerné désignés comme experts, le premier par l'intéressé, le deuxième par le conseil régional ou interrégional et le troisième par les deux premiers experts. (...) / III.- En cas de carence de l'intéressé lors de la désignation du premier expert ou de désaccord des deux experts lors de la désignation du troisième, la désignation est faite, à la demande du conseil régional ou interrégional, par ordonnance du président du tribunal judiciaire dans le ressort duquel se trouve la résidence professionnelle de l'intéressé. (...) / IV. Les experts procèdent ensemble, sauf impossibilité manifeste, à l'examen des connaissances théoriques et pratiques du praticien. Le rapport d'expertise est déposé au plus tard dans le délai de six semaines à compter de la saisine du conseil. Il indique les insuffisances relevées au cours de l'expertise, leur dangerosité et préconise les moyens de les pallier par une formation théorique et, si nécessaire, pratique. / (...) Si l'intéressé ne se présente pas à la convocation fixée par les experts, une seconde convocation lui est adressée. En cas d'absence de l'intéressé aux deux convocations, les experts établissent un rapport de carence à l'intention du conseil régional ou interrégional, qui peut alors suspendre le praticien pour présomption d'insuffisance professionnelle rendant dangereux l'exercice de la profession. / V. Avant de se prononcer, le conseil régional ou interrégional peut, par une décision non susceptible de recours, décider de faire procéder à une expertise complémentaire dans les conditions prévues aux II, III et IV du présent article. / VI. Si le conseil régional ou interrégional n'a pas statué dans le délai de deux mois à compter de la réception de la demande dont il est saisi, l'affaire est portée devant le Conseil national de l'ordre. / VII. La décision de suspension temporaire du droit d'exercer pour insuffisance professionnelle définit les obligations de formation du praticien. / La notification de la décision mentionne que la reprise de l'exercice professionnel par le praticien ne pourra avoir lieu sans qu'il ait au préalable justifié auprès du conseil régional ou interrégional avoir rempli les obligations de formation fixées par la décision. / (...) ".

2. Il ressort des pièces du dossier que le conseil régional des Pays de la Loire de l'ordre des médecins a été saisi par le conseil départemental de la Loire-Atlantique de l'ordre des médecins, le 8 novembre 2018, sur le fondement des dispositions de l'article R. 4124-3-5 du code de la santé publique citées au point 1, de la situation de M. C..., médecin généraliste. Par la décision attaquée du 13 mars 2024, la formation restreinte du Conseil national de l'ordre des médecins a suspendu M. C... du droit d'exercer la médecine pour une durée de trois mois et subordonné la reprise de son activité professionnelle aux résultats d'une expertise effectuée dans les conditions prévues par l'article R. 4124-3-5 du code de la santé publique.

3. En premier lieu, il résulte des dispositions citées au point 1 que la formation restreinte du Conseil national de l'ordre des médecins, qui n'a pas le caractère d'une juridiction, en se prononçant par la décision attaquée sur la situation de M. C... dont le Conseil national de l'ordre des médecins avait été saisi le 25 mars 2019 faute pour le conseil régional des Pays de la Loire de l'ordre des médecins de s'être prononcé dans le délai de deux mois qui lui était imparti en application de l'article R. 4124-3-5 du code de la santé publique, a pris une décision administrative, de sorte que le requérant ne peut utilement soutenir que la décision serait entachée d'irrégularité faute d'avoir été adoptée dans un délai raisonnable.

4. En deuxième lieu, il ressort des pièces du dossier qu'à la suite d'une part de la décision du 16 avril 2019 de la formation restreinte du Conseil national de l'ordre des médecins de faire procéder à une nouvelle expertise de M. C... au motif qu'un précédent rapport d'expertise n'avait pas été signé par l'expert désigné par M. C... et de surseoir à statuer sur la demande du conseil départemental de la Loire Atlantique et d'autre part du désistement de l'expert désigné par M. C... suite à cette décision, le Conseil national de l'ordre des médecins a demandé à celui-ci de désigner un nouvel expert. A défaut de cette désignation par l'intéressé, le président du tribunal judiciaire de Nantes, saisi par le Conseil national de l'ordre des médecins, a nommé un premier expert par une ordonnance du 16 août 2021, puis un second par une ordonnance du 3 octobre 2023 suite au désistement du premier, porté à la connaissance du Conseil national de l'ordre des médecins au cours du mois de septembre 2023, en application du III précité de l'article R. 4124-3-5 du code de la santé publique. Il ressort également des pièces du dossier que M. C... ne s'est rendu à aucune des deux réunions d'expertise auxquelles il avait été régulièrement convoqué les 28 novembre 2023 et 9 janvier 2024, alors qu'il avait au demeurant, pour la première, annoncé dans un premier temps sa présence et n'avait, s'agissant de la seconde, pas répondu à un courriel " de relance " du 13 décembre 2023 adressé par le Conseil national de l'ordre des médecins. Il ressort également de ces pièces qu'il a justifié son absence à la première réunion du 28 novembre 2023 par des motifs médicaux, un certificat médical ayant été établi le même jour, et son absence à la seconde réunion du 9 janvier 2024 par les mêmes motifs, un certificat médical ayant été établi le 5 janvier 2024, tout en justifiant également ce dernier empêchement au regard de problèmes familiaux.

5. Dans ces circonstances, faute pour M. C... de s'être présenté devant les experts après avoir été convoqué à deux reprises, celui-ci n'est pas fondé à soutenir que la formation restreinte du Conseil national de l'ordre des médecins a entaché sa décision d'irrégularité en se fondant sur le rapport de carence du 15 janvier 2024, régulièrement établi en application des dispositions précitées du IV de l'article R. 4124-3-5 du code de la santé publique par des experts valablement désignés ayant constaté son absence aux deux convocations qui lui avaient été adressées, peu important que la signature de l'un d'entre eux ne soit pas clairement identifiable, pour se prononcer au titre de la présomption d'insuffisance professionnelle rendant dangereux l'exercice de la profession.

6. En quatrième et dernier lieu, le Conseil national de l'ordre des médecins, dont la décision est suffisamment motivée sur ce point, n'a pas fait une inexacte application des dispositions du IV de l'article R. 4124-3-5 du code de la santé publique, ni entaché sa décision d'irrégularité, d'inexactitude matérielle ou d'inexacte qualification juridique des faits, en prononçant, au vu des seuls éléments du dossier transmis par le conseil départemental de la Loire Atlantique de l'ordre des médecins, qui n'étaient pas de nature à infirmer la présomption d'insuffisance professionnelle rendant dangereux l'exercice de la profession mentionnée par ces mêmes dispositions, la suspension du droit de M. C... d'exercer la médecine pendant une durée de trois mois en subordonnant la reprise de son activité professionnelle aux résultats d'une expertise.

7. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par le Conseil national de l'ordre des médecins au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Ces mêmes dispositions font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge du Conseil national de l'ordre des médecins qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante.

D E C I D E :

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Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.

Article 2 : Les conclusions présentées par le Conseil national de l'ordre des médecins au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à M. A... C... et au Conseil national de l'ordre des médecins.


Synthèse
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 493871
Date de la décision : 21/11/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 21 nov. 2024, n° 493871
Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Camille Belloc
Rapporteur public ?: M. Raphaël Chambon
Avocat(s) : BARDOUL ; SARL MATUCHANSKY, POUPOT, VALDELIEVRE, RAMEIX

Origine de la décision
Date de l'import : 01/12/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2024:493871.20241121
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