Vu la procédure suivante :
L'association " Centre de santé médico-dentaire de Vénissieux " a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Lyon, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, de suspendre l'exécution de la décision du 17 avril 2024 par laquelle la directrice de la caisse primaire d'assurance maladie du Rhône a suspendu pour une durée d'un an à compter du 13 mai 2024, sans sursis, la possibilité pour elle d'exercer dans le cadre conventionnel. Par une ordonnance n° 2404562 du 30 mai 2024, le juge des référés du tribunal administratif de Lyon a rejeté cette demande.
Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et deux nouveaux mémoires, enregistrés le 14 juin, les 1er et 26 juillet et le 18 octobre 2024 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, l'association " Centre de santé médico-dentaire de Vénissieux " demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler cette ordonnance ;
2°) statuant en référé, de faire droit à sa demande ;
3°) de mettre à la charge de la caisse primaire d'assurance maladie du Rhône la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de la sécurité sociale ;
- l'accord national destiné à organiser les relations entre les centres de santé et les caisses d'assurance maladie du 8 juillet 2015 ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Isabelle Tison, conseillère d'Etat,
- les conclusions de M. Thomas Janicot, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Sevaux, Mathonnet, avocat de l'association " Centre de santé médico-dentaire de Vénissieux " et à la SCP Foussard, Froger, avocat de la caisse primaire d'assurance maladie du Rhône ;
Considérant ce qui suit :
1. Aux termes du premier alinéa de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : " Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision ".
2. Il ressort des pièces du dossier soumis au juge des référés du tribunal administratif de Lyon que, par une décision du 17 avril 2024, la directrice de la caisse primaire d'assurance maladie du Rhône a, à la suite d'un contrôle réalisé le 10 mars 2023, suspendu pour une durée d'un an à compter du 13 mai 2024, sans sursis, la possibilité pour l'association " Centre de santé médico-dentaire de Vénissieux " d'exercer dans le cadre conventionnel. L'association " Centre de santé médico-dentaire de Vénissieux " se pourvoit en cassation contre l'ordonnance du 30 mai 2024 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à la suspension de l'exécution de cette décision.
3. Aux termes de l'article L. 162-32-1 code de la sécurité sociale : " Les rapports entre les organismes d'assurance maladie et les centres de santé sont définis par un accord national conclu pour une durée au plus égale à cinq ans par l'Union nationale des caisses d'assurance maladie et une ou plusieurs organisations représentatives des centres de soins infirmiers, ainsi qu'une ou plusieurs organisations représentatives des centres de soins médicaux, dentaires et polyvalents / Cet accord détermine notamment : /1° Les obligations respectives des caisses primaires d'assurance maladie et des centres de santé (...) ". L'article L. 162-32-3 du même code dispose que : " La caisse primaire d'assurance maladie peut décider de placer un centre de santé hors de la convention pour violation des engagements prévus par l'accord national ; cette décision doit être prononcée selon les conditions prévues par cet accord et permettre au centre de présenter ses observations (...) ".
4. Les articles 59 et 60 de l'accord national destiné à organiser les relations entre les centres de santé et les caisses d'assurance maladie du 8 juillet 2015 précisent la procédure applicable et les sanctions encourues en cas de constatation, par une caisse d'assurance maladie, du non-respect des dispositions de l'accord national par un centre de santé. En vertu de l'article 59 de cet accord, toute sanction doit être précédée d'une procédure contradictoire mettant à même le centre de santé de présenter des observations écrites et, le cas échéant, orales, et ne peut être prise qu'après consultation de la commission paritaire régionale devant laquelle le centre peut également présenter des observations ou être entendu. L'article 60 de cet accord prévoit qu'un centre de santé qui ne respecte pas les dispositions de l'accord encourt une suspension de la possibilité d'exercer dans le cadre conventionnel avec ou sans sursis " pour une durée ne pouvant excéder 5 ans, selon l'importance des griefs ".
5. En premier lieu, si les dispositions mentionnées aux points 3 et 4 imposent que les faits reprochés soient établis et caractérisent un manquement, elles n'interdisent pas, par elles-mêmes, que la caisse puisse, lorsque la nature du manquement en cause le permet, dresser le relevé de ces faits, dont le constat motivé est adressé au centre de santé et sur lesquels ce dernier doit en toute hypothèse pouvoir faire valoir ses observations, en se fondant, pour déterminer l'ampleur des manquements, sur une extrapolation des résultats obtenus sur un échantillon d'actes représentatif. Il en va notamment ainsi dans le cas où, opérant un contrôle sur un très grand nombre d'actes, elle a été conduite à identifier sur cet échantillon un nombre significatif d'anomalies récurrentes.
6. Par suite, en jugeant, après avoir relevé que les manquements reprochés reposaient sur les constatations de la caisse primaire d'assurance maladie résultant d'un contrôle de l'activité du centre de santé sur la période de soins du 2 juin 2020 au 15 juin 2022, par extrapolation des résultats de l'examen d'un échantillon de dossiers, constitué au vu d'anomalies récurrentes de facturations sur la période et représentant un huitième des actes retenus comme irréguliers à l'issue du contrôle, que n'étaient pas propres à créer un doute sérieux quant à la légalité de la sanction prononcée les moyens tirés de ce que l'utilisation d'une telle méthode de contrôle était dépourvue de base légale et ne permettait ni d'attester de la matérialité des faits reprochés ni de s'assurer de la proportionnalité de la sanction, le juge des référés du tribunal administratif n'a pas commis d'erreur de droit et n'a pas dénaturé les pièces du dossier qui lui était soumis.
7. En second lieu, le respect du principe général des droits de la défense suppose, s'agissant des mesures à caractère de sanction, que la personne en cause soit informée, avec une précision suffisante et dans un délai raisonnable avant le prononcé de la sanction, des griefs formulés à son encontre et qu'elle soit mise à même de demander la communication des pièces au vu desquelles les manquements ont été retenus.
8. Il ressort des pièces du dossier soumis au juge des référés du tribunal administratif et il n'est d'ailleurs pas contesté que le centre de santé requérant s'est vu notifier les griefs formulés à son encontre à l'issue du contrôle réalisé le 10 mars 2023, par un courrier du 22 janvier 2024 l'informant de la méthode selon laquelle il a été mené ainsi que des sanctions susceptibles d'être prononcées et l'invitant à présenter ses observations écrites ou orales dans un délai de trente jours, ce qu'il a fait le 23 février 2024, tout comme il a présenté ses observations devant la commission paritaire régionale le 18 mars 2024, sans au demeurant contester ni la réalité des anomalies constatées sur l'échantillon, ni celle des anomalies retenues par extrapolation.
9. En déduisant de ces éléments que le moyen tiré de la méconnaissance des droits de la défense n'était pas propre à créer un doute sérieux quant à la légalité de la décision litigieuse, le juge des référés du tribunal administratif n'a pas commis d'erreur de droit et n'a pas dénaturé les pièces du dossier qui lui était soumis.
10. Il suit de là que l'association " Centre de santé médico-dentaire de Vénissieux " n'est pas fondée à demander l'annulation de l'ordonnance qu'elle attaque.
11. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'association " Centre de santé médico-dentaire de Vénissieux " une somme de 3 000 euros à verser à la caisse primaire d'assurance maladie du Rhône au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Les dispositions de ce même article font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de la caisse primaire d'assurance maladie du Rhône qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante.
D E C I D E :
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Article 1er : Le pourvoi de l'association " Centre de santé médico-dentaire de Vénissieux " est rejeté.
Article 2 : L'association " Centre de santé médico-dentaire de Vénissieux " versera une somme de 3 000 euros à la caisse primaire d'assurance maladie du Rhône.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à l'association " Centre de santé médico-dentaire de Vénissieux" et à la caisse primaire d'assurance maladie du Rhône.
Délibéré à l'issue de la séance du 23 octobre 2024 où siégeaient : M. Pierre Collin, président adjoint de la section du contentieux, présidant ; Mme Maud Vialettes, Mme Gaëlle Dumortier, présidentes de chambre ; M. Jean-Luc Nevache, M. Vincent Mazauric, M. Edouard Geffray et Mme Marie-Astrid Nicolazo de Barmon, conseillers d'Etat ; Mme Catherine Brouard Gallet, conseillère d'Etat en service extraordinaire et Mme Isabelle Tison, conseillère d'Etat-rapporteure.
Rendu le 18 novembre 2024.
Le président :
Signé : M. Pierre Collin
La rapporteure :
Signé : Mme Isabelle Tison
Le secrétaire :
Signé : M. Hervé Herber