Vu la procédure suivante :
L'association " Centre médico-dentaire Sainte-Catherine " a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Bordeaux, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, de suspendre l'exécution de la décision du 15 avril 2024 par laquelle le directeur de la caisse primaire d'assurance maladie de la Gironde a suspendu pour une durée de trois ans à compter du 13 mai 2024, sans sursis, la possibilité pour elle d'exercer dans le cadre conventionnel. Par une ordonnance n° 2402961 du 27 mai 2024, le juge des référés du tribunal administratif de Bordeaux a fait droit à cette demande.
Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 11 et 26 juin 2024 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la caisse primaire d'assurance maladie de la Gironde demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler cette ordonnance ;
2°) statuant en référé, de rejeter la demande de l'association " Centre médico-dentaire Sainte-Catherine " ;
3°) de mettre à la charge de l'association " Centre médico-dentaire Sainte-Catherine " la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de la sécurité sociale ;
- l'accord national destiné à organiser les relations entre les centres de santé et les caisses d'assurance maladie du 8 juillet 2015 ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Isabelle Tison, conseillère d'Etat,
- les conclusions de M. Thomas Janicot, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Foussard, Froger, avocat de la caisse primaire d'assurance maladie de la Gironde et à la SCP Sevaux, Mathonnet, avocat de l'association " Centre médico-dentaire Sainte-Catherine " ;
Considérant ce qui suit :
1. Aux termes du premier alinéa de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : " Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision ".
2. Il ressort des pièces du dossier soumis au juge des référés du tribunal administratif de Bordeaux que, par une décision du 15 avril 2024, le directeur de la caisse primaire d'assurance maladie de la Gironde a, à la suite d'un contrôle réalisé le 10 mars 2023, suspendu pour une durée de trois ans à compter du 13 mai 2024, sans sursis, la possibilité pour l'association " Centre médico-dentaire Sainte-Catherine " d'exercer dans le cadre conventionnel. La caisse primaire d'assurance maladie de la Gironde se pourvoit en cassation contre l'ordonnance du 27 mai 2024 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Bordeaux a suspendu l'exécution de cette décision.
3. Aux termes de l'article L. 162-32-1 du code de la sécurité sociale : " Les rapports entre les organismes d'assurance maladie et les centres de santé sont définis par un accord national conclu pour une durée au plus égale à cinq ans par l'Union nationale des caisses d'assurance maladie et une ou plusieurs organisations représentatives des centres de soins infirmiers, ainsi qu'une ou plusieurs organisations représentatives des centres de soins médicaux, dentaires et polyvalents / Cet accord détermine notamment : /1° Les obligations respectives des caisses primaires d'assurance maladie et des centres de santé (...) ". L'article L. 162-32-3 du même code prévoit que : " La caisse primaire d'assurance maladie peut décider de placer un centre de santé hors de la convention pour violation des engagements prévus par l'accord national ; cette décision doit être prononcée selon les conditions prévues par cet accord et permettre au centre de présenter ses observations (...) ".
4. Les articles 59 et 60 de l'accord national destiné à organiser les relations entre les centres de santé et les caisses d'assurance maladie du 8 juillet 2015 précisent la procédure applicable et les sanctions encourues en cas de constatation, par une caisse d'assurance maladie, du non-respect des dispositions de l'accord national par un centre de santé. En vertu de l'article 59 de cet accord, toute sanction doit ainsi être précédée d'une procédure contradictoire mettant à même le centre de santé de présenter des observations écrites et, le cas échéant, orales, et ne peut être prise qu'après consultation de la commission paritaire régionale devant laquelle le centre peut également présenter des observations ou être entendu. L'article 60 de cet accord prévoit qu'un centre de santé qui ne respecte pas les dispositions de l'accord encourt notamment une suspension de la possibilité d'exercer dans le cadre conventionnel avec ou sans sursis " pour une durée ne pouvant excéder 5 ans, selon l'importance des griefs ".
5. Si les dispositions mentionnées aux points 3 et 4 imposent que les faits reprochés soient établis et caractérisent un manquement, elles n'interdisent pas, par elles-mêmes, que la caisse puisse, lorsque la nature du manquement en cause le permet, dresser le relevé de ces faits, dont le constat motivé est adressé au centre de santé et sur lesquels ce dernier doit en toute hypothèse pouvoir faire valoir ses observations, en se fondant, pour déterminer l'ampleur des manquements, sur une extrapolation des résultats obtenus sur un échantillon d'actes représentatif. Il en va notamment ainsi dans le cas où, opérant un contrôle sur un très grand nombre d'actes, elle a été conduite à identifier sur cet échantillon un nombre significatif d'anomalies récurrentes.
6. Par suite, en jugeant, après avoir relevé que les manquements reprochés reposaient sur les constatations de la caisse primaire d'assurance maladie résultant d'un contrôle de l'activité du centre de santé sur la période de soins du 23 août 2019 au 13 juin 2022, par extrapolation des résultats de l'examen d'un échantillon de dossiers, constitué au vu d'anomalies récurrentes de facturations sur la période et représentant un tiers des actes retenus comme irréguliers à l'issue du contrôle, qu'étaient propres à créer un doute sérieux quant à la légalité de la sanction prononcée les moyens tirés de ce que l'utilisation d'une telle méthode de contrôle était dépourvue de base légale et ne permettait ni d'attester de la matérialité des faits reprochés ni de s'assurer de la proportionnalité de la sanction, le juge des référés du tribunal administratif a commis une erreur de droit.
7. Il s'ensuit que la caisse primaire d'assurance maladie de la Gironde est fondée à demander l'annulation de l'ordonnance qu'elle attaque, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de son pourvoi.
8. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler l'affaire au titre de la procédure de référé engagée, en application des dispositions de l'article L. 821-1 du code de justice administrative.
9. Les moyens invoqués par l'association " Centre médico-dentaire Sainte-Catherine " à l'appui de sa demande de suspension et tirés de ce que cette décision est insuffisamment motivée, qu'elle méconnaît le principe des droits de la défense, qu'elle est entachée d'erreur de droit et d'erreur de fait en ce qu'elle est fondée sur une extrapolation réalisée à partir d'un échantillonnage non représentatif de dossiers de patients, qu'elle procède par extrapolation des irrégularités constatées à l'ensemble de l'activité sur la période contrôlée alors qu'aucun texte ne permet de fonder ainsi une sanction, qu'elle est entachée d'erreurs de fait dès lors que la méthode d'extrapolation qui a été mise en œuvre est elle-même erronée sur de nombreuses variables, qu'elle méconnaît la présomption d'innocence, le principe d'impartialité, le principe de responsabilité personnelle et d'individualisation des sanctions et le principe de proportionnalité des sanctions ne sont pas, en l'état de l'instruction, propres à créer un doute sérieux quant à la légalité de la décision en litige.
10. Par suite, l'une des conditions posées par l'article L. 521-1 du code de justice administrative n'étant pas remplie, la demande présentée par l'association " Centre médico-dentaire Sainte-Catherine " tendant à ce que soit ordonnée la suspension de la décision du 15 avril 2024 doit être rejetée.
11. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'association " Centre médico-dentaire Sainte-Catherine " une somme de 3 000 euros à verser à la caisse primaire d'assurance maladie de la Gironde au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Les dispositions de ce même article font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de la caisse primaire d'assurance maladie de la Gironde, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante.
D E C I D E :
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Article 1er : L'ordonnance du 27 mai 2024 du juge des référés du tribunal administratif de Bordeaux est annulée.
Article 2 : La demande présentée par l'association " Centre médico-dentaire Sainte-Catherine " devant le juge des référés du tribunal administratif de Bordeaux est rejetée.
Article 3 : L'association " Centre médico-dentaire Sainte-Catherine " versera une somme de 3 000 euros à la caisse primaire d'assurance maladie de la Gironde.
Article 4 : Les conclusions présentées par l'association " Centre médico-dentaire Sainte-Catherine " au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 5 : La présente décision sera notifiée à la caisse primaire d'assurance maladie de la Gironde et à l'association " Centre médico-dentaire Sainte-Catherine ".
Délibéré à l'issue de la séance du 23 octobre 2024 où siégeaient : M. Pierre Collin, président adjoint de la section du contentieux, présidant ; Mme Maud Vialettes, Mme Gaëlle Dumortier, présidentes de chambre ; M. Jean-Luc Nevache, M. Vincent Mazauric, M. Edouard Geffray et Mme Marie-Astrid Nicolazo de Barmon, conseillers d'Etat ; Mme Catherine Brouard Gallet, conseillère d'Etat en service extraordinaire et Mme Isabelle Tison, conseillère d'Etat-rapporteure.
Rendu le 18 novembre 2024.
Le président :
Signé : M. Pierre Collin
La rapporteure :
Signé : Mme Isabelle Tison
Le secrétaire :
Signé : M. Hervé Herber