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08/11/2024 | FRANCE | N°470887

France | France, Conseil d'État, 9ème - 10ème chambres réunies, 08 novembre 2024, 470887


Vu la procédure suivante :



La société ADG Immo a demandé au tribunal administratif de Melun de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2013 et 2014 ainsi que des pénalités correspondantes. Par un jugement n° 1710030 du 15 juillet 2021, ce tribunal a rejeté sa demande.



Par un arrêt n° 21PA05099 du 28 novembre 2022, la cour administrative d'appel de Paris a rejeté l'appel formé par la société ADG Immo contre ce jugem

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Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés le...

Vu la procédure suivante :

La société ADG Immo a demandé au tribunal administratif de Melun de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2013 et 2014 ainsi que des pénalités correspondantes. Par un jugement n° 1710030 du 15 juillet 2021, ce tribunal a rejeté sa demande.

Par un arrêt n° 21PA05099 du 28 novembre 2022, la cour administrative d'appel de Paris a rejeté l'appel formé par la société ADG Immo contre ce jugement.

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 30 janvier et 2 mai 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société ADG Immo demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Olivier Pau, auditeur,

- les conclusions de Mme Emilie Bokdam-Tognetti, rapporteure publique ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Gury et Maître, avocat de la société ADG Immo ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond qu'à l'occasion d'une vérification de comptabilité de la société AD Services, l'administration fiscale a constaté que des sommes avaient été portées au débit du compte courant ouvert dans ses écritures au nom de sa filiale, la société ADG Immo, au titre des exercices clos en 2013 et 2014. Par une proposition de rectification du 4 août 2016 adressée à cette dernière société, l'administration fiscale a regardé ces sommes comme des avantages occultes octroyés par la société AD Services à la société ADG Immo, constitutifs de revenus distribués imposables sur le fondement du c de l'article 111 du code général des impôts. La société ADG Immo a, en conséquence, été assujettie à des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés, assorties de pénalités, au titre des exercices clos en 2013 et 2014. Par un jugement du 15 juillet 2021, le tribunal administratif de Melun a rejeté la demande de la société ADG Immo tendant à la décharge de ces cotisations supplémentaires et des pénalités correspondantes. Par un arrêt du 28 novembre 2022, la cour administrative d'appel de Paris a rejeté l'appel formé par la société ADG Immo contre ce jugement. La société ADG Immo se pourvoit en cassation contre cet arrêt.

Sur l'étendue du litige :

2. Par une décision du 23 janvier 2024, postérieure à l'introduction du pourvoi, l'administration fiscale a prononcé le dégrèvement total de la cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés à laquelle la société requérante a été assujettie au titre de l'exercice clos en 2013 ainsi que des pénalités correspondantes. Dès lors, les conclusions du pourvoi sont, dans cette mesure, devenues sans objet.

Sur les conclusions du pourvoi relatives à la cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés établie au titre de l'exercice clos en 2014 :

3. D'une part, aux termes de l'article 111 du code général des impôts, rendu applicable en matière d'impôt sur les sociétés par l'article 209 du même code dans sa rédaction applicable au 31 décembre 2014 : " Sont notamment considérés comme revenus distribués : / (...) / c. Les rémunérations et avantages occultes (...) ".

4. D'autre part, eu égard à la nature et au fonctionnement du compte courant d'associé, les sommes inscrites au crédit d'un tel compte présentent la caractéristique essentielle, en l'absence de convention particulière ou statutaire régissant ce compte, d'être remboursables à tout moment. Par suite, l'inscription d'une somme, dans les comptes d'une société mère, au débit du compte courant ouvert au nom de sa filiale doit en principe, lorsqu'elle donne lieu réciproquement, dans les comptes de cette filiale, à l'inscription de la même somme au crédit du compte courant d'associé ouvert au nom de la mère, être regardée comme traduisant, sauf preuve contraire, l'octroi de la mère à sa filiale d'une avance et non d'une libéralité.

5. Il ressort des énonciations de l'arrêt attaqué que, pour juger que l'administration fiscale avait pu regarder les sommes portées au débit du compte courant ouvert dans les écritures de la société AD Services au nom de sa filiale, la société ADG Immo, comme des avantages occultes octroyés à cette dernière, constitutifs de revenus distribués imposables sur le fondement du c de l'article 111 du code général des impôts, la cour administrative d'appel de Paris a notamment relevé que l'inscription des sommes en litige dans les bilans respectifs de ces deux sociétés ne permettait pas, en raison de l'imprécision des écritures comptables et en l'absence de convention de trésorerie, d'établir que les sommes dont la société ADG Immo avait été bénéficiaire étaient constitutives d'une avance de trésorerie. En statuant ainsi, alors qu'il ressortait des pièces du dossier qui lui était soumis, et plus particulièrement des écritures comptables des deux sociétés, qui n'étaient pas imprécises, que les sommes en litige, inscrites ainsi qu'il a été dit au débit du compte courant ouvert au nom de la société ADG Immo dans les écritures de la société AD Services, avaient réciproquement été inscrites au crédit du compte courant d'associé ouvert au nom de la société AD Services dans les écritures de la société ADG Immo, de sorte que, comme il a été dit au point 4, elles ne pouvaient, en l'absence de preuve contraire et nonobstant l'absence de convention de trésorerie conclue entre les deux sociétés, être regardées comme ayant le caractère d'une libéralité octroyée à la société ADG Immo, la cour administrative d'appel a dénaturé les pièces du dossier et, par suite, commis une erreur de droit.

6. Il résulte de ce qui précède que la société ADG Immo est fondée à demander l'annulation de l'arrêt qu'elle attaque, en tant qu'il a statué sur la cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés établie au titre de l'exercice clos en 2014.

7. Il y a lieu, dans les circonstances de 1'espèce, de régler l'affaire au fond, dans la mesure de la cassation prononcée, en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative.

8. Il résulte de ce qui a été dit au point 5 que les sommes en litige doivent être regardées, en l'absence de preuve contraire apportée par l'administration fiscale, comme ayant le caractère d'avances consenties par la société AD Services à la société ADG Immo. Elles ne peuvent, dès lors, être qualifiées de libéralités susceptibles d'être regardées comme des avantages occultes octroyés par la société AD Services à la société ADG Immo, constitutifs de revenus distribués imposables sur le fondement du c de l'article 111 du code général des impôts. Par suite, et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de sa requête, la société ADG Immo est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande tendant à la décharge de la cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés à laquelle elle a été assujettie au titre de l'exercice clos en 2014, ainsi que des pénalités correspondantes.

9. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat, pour l'ensemble de la procédure, la somme de 6 000 euros à verser à la société ADG Immo au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions du pourvoi de la société ADG Immo dirigées contre l'arrêt de la cour administrative d'appel de Paris du 28 novembre 2022 en tant qu'il a statué sur la cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés établie au titre de l'exercice clos en 2013.

Article 2 : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Paris du 28 novembre 2022 et le jugement du tribunal administratif de Melun du 15 juillet 2021 sont annulés en tant qu'ils ont statué sur la cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés établie au titre de l'exercice clos en 2014.

Article 3 : La société ADG Immo est déchargée de la cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés à laquelle elle a été assujettie au titre de l'exercice clos en 2014, ainsi que des pénalités correspondantes.

Article 4 : L'Etat versera à la société ADG Immo la somme de 6 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : La présente décision sera notifiée à la société ADG Immo et au ministre auprès du Premier ministre, chargé du budget et des comptes publics.

Délibéré à l'issue de la séance du 25 septembre 2024 où siégeaient : M. Pierre Collin, président adjoint de la section du contentieux, présidant ; M. Bertrand Dacosta, Mme Anne Egerszegi, présidents de chambre ; M. Nicolas Polge, M. Vincent Daumas, M. Olivier Yeznikian, Mme Rozen Noguellou, M. Didier Ribes, conseillers d'Etat et M. Olivier Pau, maître des requêtes-rapporteur.

Rendu le 8 novembre 2024.

Le président :

Signé : M. Pierre Collin

Le rapporteur :

Signé : M. Olivier Pau

La secrétaire :

Signé : Mme Fehmida Ghulam

La République mande et ordonne au ministre auprès du Premier ministre, chargé du budget et des comptes publics en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

Pour la secrétaire du contentieux, par délégation :


Synthèse
Formation : 9ème - 10ème chambres réunies
Numéro d'arrêt : 470887
Date de la décision : 08/11/2024
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-04-02-03-01 CONTRIBUTIONS ET TAXES. - IMPÔTS SUR LES REVENUS ET BÉNÉFICES. - REVENUS ET BÉNÉFICES IMPOSABLES - RÈGLES PARTICULIÈRES. - REVENUS DES CAPITAUX MOBILIERS ET ASSIMILABLES. - REVENUS DISTRIBUÉS. - PRÉSOMPTION DE DISTRIBUTION DES SOMMES MISES À DISPOSITION DES ASSOCIÉS (A DE L’ART. 111 DU CGI) – EXCLUSION – SOMMES INSCRITES, DANS LES COMPTES D’UNE FILIALE, AU CRÉDIT DU COMPTE COURANT D’ASSOCIÉ OUVERT AU NOM DE SA MÈRE [RJ1].

19-04-02-03-01 Eu égard à la nature et au fonctionnement du compte courant d’associé, les sommes inscrites au crédit d’un tel compte présentent la caractéristique essentielle, en l’absence de convention particulière ou statutaire régissant ce compte, d’être remboursables à tout moment. Par suite, l’inscription d’une somme, dans les comptes d’une société mère, au débit du compte courant ouvert au nom de sa filiale doit en principe, lorsqu’elle donne lieu réciproquement, dans les comptes de cette filiale, à l’inscription de la même somme au crédit du compte courant d’associé ouvert au nom de la mère, être regardée comme traduisant, sauf preuve contraire, l’octroi de la mère à sa filiale d’une avance et non d’une libéralité.


Publications
Proposition de citation : CE, 08 nov. 2024, n° 470887
Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Olivier Pau
Rapporteur public ?: Mme Emilie Bokdam-Tognetti
Avocat(s) : SCP GURY & MAITRE

Origine de la décision
Date de l'import : 21/11/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2024:470887.20241108
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