Vu la procédure suivante :
L'association Protection de l'environnement et du citoyen 94100 a demandé au tribunal administratif de Melun d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 22 septembre 2015 par lequel le maire de Saint-Maur-des-Fossés a délivré à la société anonyme Gély un permis de construire en vue d'agrandir et de surélever un bâtiment à usage de commerce et d'habitation, ainsi que la décision implicite rejetant son recours gracieux. Par un jugement n° 1602415 du 4 décembre 2019, le tribunal administratif de Melun a fait droit à cette demande.
Par un premier arrêt n° 20PA00344 du 22 avril 2021, la cour administrative d'appel de Paris a, sur l'appel de la société Gély, imparti à cette société, en application de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme, un délai de quatre mois pour régulariser les vices tenant à l'irrégularité de la consultation de la commission communale d'accessibilité des personnes à mobilité réduite et à l'absence d'accord de l'architecte des Bâtiments de France au titre de la législation sur les monuments historiques.
Par un second arrêt n° 20PA00344 du 17 novembre 2022, la cour administrative d'appel de Paris a rejeté la requête de la société Gély.
1° Sous le n° 470578, par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistré les 17 janvier et 17 avril 2023 et le 20 août 2024 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société Gély demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler l'arrêt du 22 avril 2021 de la cour administrative d'appel de Paris ;
2°) de mettre à la charge de l'association Protection de l'environnement et du citoyen 94100 la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
2° Sous le n° 470583, par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 17 janvier et 17 avril 2023 et le 20 août 2024 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société Gély demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler l'arrêt du 17 novembre 2022 de la cour administrative d'appel de Paris ;
2°) de mettre à la charge conjointe et solidaire de l'association Protection de l'environnement et du citoyen 94100 et de la commune de Saint-Maur-des-Fossés la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de la construction et de l'habitation ;
- le code du patrimoine ;
- le code de l'urbanisme ;
- le décret n° 95-260 du 8 mars 1995 ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Pierre Boussaroque, conseiller d'Etat,
- les conclusions de M. Mathieu Le Coq, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SARL cabinet Briard, Bonichot et associés, avocat de la Societe Gély et à la SCP Foussard, Froger, avocat de l'association Protection de l'environnement et du citoyen 94100;
Considérant ce qui suit :
1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, par un arrêté du 22 septembre 2015, le maire de Saint-Maur-des-Fossés a délivré à la société Gély un permis de construire en vue d'agrandir et de surélever un immeuble à usage de commerce et d'habitation. Par un jugement du 4 décembre 2019, le tribunal administratif de Melun a annulé cet arrêté pour excès de pouvoir à la demande de l'association Protection de l'environnement et du citoyen 94100. Sur l'appel de la société Gély, la cour administrative d'appel de Paris a, par un premier arrêt du 22 avril 2021, sursis à statuer en application des dispositions de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme, pour permettre la régularisation de deux vices entachant le permis de construire litigieux. Par un second arrêt du 17 novembre 2022 mettant fin à l'instance, la cour, après avoir constaté que le maire de Saint-Maur-des-Fossés avait refusé à la société Gély, par un arrêté du 22 avril 2022, la délivrance du permis modificatif qu'elle sollicitait, a rejeté l'appel de la société Gély. Cette société se pourvoit en cassation contre ces deux arrêts, par deux pourvois respectifs qu'il y a lieu de joindre pour y statuer par une seule décision.
Sur le pourvoi dirigé contre l'arrêt du 22 avril 2021 :
2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme : " Sans préjudice de la mise en œuvre de l'article L. 600-5, le juge administratif qui, saisi de conclusions dirigées contre un permis de construire, de démolir ou d'aménager ou contre une décision de non-opposition à déclaration préalable estime, après avoir constaté que les autres moyens ne sont pas fondés, qu'un vice entraînant l'illégalité de cet acte est susceptible d'être régularisé, sursoit à statuer, après avoir invité les parties à présenter leurs observations, jusqu'à l'expiration du délai qu'il fixe pour cette régularisation, même après l'achèvement des travaux. Si une mesure de régularisation est notifiée dans ce délai au juge, celui-ci statue après avoir invité les parties à présenter leurs observations. Le refus par le juge de faire droit à une demande de sursis à statuer est motivé ".
3. Lorsqu'une autorisation d'urbanisme est entachée d'incompétence, qu'elle a été délivrée en méconnaissance des dispositions législatives ou réglementaires relatives à l'utilisation du sol ou sans que soient respectées des formes ou formalités préalables à la délivrance de l'autorisation, l'illégalité qui en résulte peut être régularisée par la délivrance d'une autorisation modificative dès lors que celle-ci est compétemment accordée pour le projet en cause, qu'elle assure le respect des règles de fond applicables à ce projet, répond aux exigences de forme ou a été précédée de l'exécution régulière de la ou des formalités qui avaient été omises. Elle peut, de même, être régularisée par une autorisation modificative si la règle relative à l'utilisation du sol qui était méconnue par l'autorisation initiale a été entretemps modifiée ou si cette règle ne peut plus être regardée comme méconnue par l'effet d'un changement dans les circonstances de fait de l'espèce. Il en va de même dans le cas où le bénéficiaire de l'autorisation initiale notifie en temps utile au juge une décision individuelle de l'autorité administrative compétente valant mesure de régularisation à la suite d'un jugement décidant, en application de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme, de surseoir à statuer sur une demande tendant à l'annulation de l'autorisation initiale. Dès lors que cette nouvelle autorisation assure la régularisation de l'autorisation initiale, les conclusions tendant à l'annulation de l'autorisation initialement délivrée doivent être rejetées. En revanche, la seule circonstance que le vice dont est affectée l'autorisation initiale et qui a justifié le sursis à statuer résulte de l'omission ou de l'irrégularité de formalités qui, à la date à laquelle le juge statue à nouveau sur la demande d'annulation, après l'expiration du délai imparti aux intéressés pour notifier la mesure de régularisation, ont été désormais satisfaites, est insusceptible, par elle-même, d'entraîner une telle régularisation en l'absence de toute délivrance d'une autorisation modificative.
4. Par suite, en jugeant que les vices tenant à l'absence d'accord de l'architecte des Bâtiments de France au titre de la législation sur les monuments historiques et à l'irrégularité de la consultation de la commission communale d'accessibilité, qu'elle avait identifiés par son arrêt, étaient susceptibles de régularisation par la délivrance d'un permis de construire modificatif intervenant après que les formalités nécessaires auraient été réalisées, la cour n'a pas commis d'erreur de droit.
5. En second lieu, aux termes du troisième alinéa de l'article L. 621-30 du code du patrimoine, dans sa rédaction applicable à la date du permis de construire en litige : " Est considéré, pour l'application du présent titre, comme étant situé dans le champ de visibilité d'un immeuble classé ou inscrit au titre des monuments historiques tout autre immeuble, nu ou bâti, visible du premier ou visible en même temps que lui et situé dans un périmètre déterminé par une distance de 500 mètres du monument. " et aux termes de l'article L. 621-31 du même code alors applicable : " Lorsqu'un immeuble est (...) situé dans le champ de visibilité d'un édifice classé ou inscrit au titre des monuments historiques, il ne peut faire l'objet, tant de la part des propriétaires privés que des collectivités et établissements publics, d'aucune construction nouvelle (...) d'aucune transformation ou modification de nature à en affecter l'aspect, sans une autorisation préalable. (...) Si les travaux concernent un immeuble qui n'est ni classé, ni inscrit au titre des monuments historiques, l'autorisation est délivrée conformément au même article L. 621-32. " Le premier alinéa du I de l'article L. 621-32 de ce code, dans sa rédaction alors applicable, prévoit à ce titre que : " Le permis de construire (...) tient lieu de l'autorisation prévue au premier alinéa de l'article L. 621-31 si l'architecte des Bâtiments de France a donné son accord. " Le premier alinéa de l'article R. 425-1 du code de l'urbanisme dispose de même que : " Lorsque le projet est situé dans le champ de visibilité d'un édifice classé ou inscrit au titre des monuments historiques (...), le permis de construire (...) tient lieu de l'autorisation prévue à l'article L. 621-31 du code du patrimoine dès lors que la décision a fait l'objet de l'accord de l'architecte des Bâtiments de France. "
6. En jugeant que la commune de Saint-Maur-des-Fossés était tenue de soumettre le projet litigieux à l'architecte des Bâtiments de France dès lors qu'il s'implantait à moins de 500 mètres du centre historique et de l'église Saint-Nicolas, inscrits au titre de la législation relative aux monuments historiques, aux fins notamment qu'il détermine, sous le contrôle du juge, s'il existait une covisibilité entre le projet et ces sites, la cour n'a ni manqué à son office ni commis d'erreur de droit. L'omission de cette formalité, laquelle affecte la compétence de l'architecte des Bâtiments de France, entachant nécessairement d'illégalité le permis de construire délivré, elle n'a pas davantage commis d'erreur de droit en ne recherchant pas si cette omission avait privé le public d'une garantie ou avait été de nature à avoir une incidence sur le sens de la décision prise.
7. En troisième lieu, aux termes de l'article 35 du décret du 8 mars 1995 relatif à la commission consultative départementale de sécurité et d'accessibilité, applicable aux commissions communales créées sur le fondement de l'article R. 111-19-30 du code de la construction et de l'habitation alors en vigueur : " La convocation écrite comportant l'ordre du jour est adressée aux membres de la commission, dix jours au moins avant la date de chaque réunion. / Ce délai ne s'applique pas lorsque la commission souhaite tenir une seconde réunion ayant le même objet ". Aux termes de l'article 38 de ce décret : " Sans préjudice des dispositions du deuxième alinéa de l'article 4 du décret du 27 mars 1993 susvisé, les commissions émettent un avis favorable ou un avis défavorable ". L'article 39 du même décret dispose que : " L'avis est obtenu par le résultat du vote à la majorité des membres présents ayant voix délibérative. En cas de partage des voix, celle du président est prépondérante. Les avis écrits motivés, favorables ou défavorables, prévus à l'article 12 sont pris en compte lors de ce vote ".
8. En jugeant, d'une part, sans dénaturation, qu'il ne résultait pas de la production d'une liste d'émargement annotée ne comportant aucune signature et du procès-verbal de séance que les membres de la commission communale d'accessibilité avaient été régulièrement convoqués à la séance tenue le 29 mai 2015, alors qu'il ressortait par ailleurs des pièces du dossier que seuls trois de ses douze membres étaient présents, et, d'autre part, que le vice affectant la convocation des membres de cette commission était susceptible d'avoir exercé une influence sur le sens de la décision attaquée, notamment en ce qui concerne les prescriptions dont le permis litigieux pouvait être assorti, la cour n'a pas commis d'erreur de droit.
Sur le pourvoi dirigé contre l'arrêt du 17 novembre 2022 :
9. En premier lieu, ainsi qu'il a été dit au point 3, la seule satisfaction aux formalités qui avaient, lors de la délivrance du permis de construire, été omises ou irrégulièrement réalisées, est insusceptible, par elle-même, d'entraîner sa régularisation en l'absence de toute délivrance d'une autorisation modificative. Dès lors, la société Gély n'est pas fondée à soutenir que la cour aurait entaché son arrêt d'insuffisance de motivation ou d'erreur de droit faute d'avoir recherché si, en l'absence même de toute autorisation modificative délivrée par le maire, les avis émis par l'architecte des Bâtiments de France et la commission communale d'accessibilité, saisis dans le cadre de la demande de permis modificatif qu'elle avait présentée, avaient eu pour effet de purger les vices dont était entaché le permis de construire initial.
10. En second lieu, à compter de la décision par laquelle le juge recourt à l'article L. 600-5-1, seuls des moyens dirigés contre la mesure de régularisation notifiée, le cas échéant, au juge peuvent être invoqués devant ce dernier. A ce titre, les parties peuvent contester la légalité d'un permis de régularisation par des moyens propres et au motif qu'il ne permet pas de régulariser le permis initial. En revanche, si aucune mesure de régularisation ne lui est notifiée, il appartient au juge de prononcer l'annulation de l'autorisation de construire litigieuse, sans que puisse être contestée devant lui la légalité du refus opposé, le cas échéant, à la demande de régularisation présentée par le bénéficiaire de l'autorisation. Une telle contestation ne peut intervenir que dans le cadre d'une nouvelle instance, qui doit être regardée comme dirigée contre le refus d'autoriser le projet dans son ensemble, y compris les modifications qu'il était envisagé d'y apporter.
11. En jugeant que, dès lors que le maire de Saint-Maur-des-Fossés avait, par arrêté du 22 avril 2022, refusé d'accorder à la société Gély le permis modificatif qu'elle sollicitait, les vices dont était entaché le permis de construire attaqué du 22 septembre 2015 ne pouvaient être regardés comme régularisés, pour en déduire qu'il y avait lieu d'annuler ce permis de construire, alors même que la consistance du projet litigieux, tel qu'il était résultait de la nouvelle demande de permis, n'avait pas évolué, la cour n'a pas commis d'erreur de droit.
12. Il résulte de tout ce qui précède que la société Gély n'est pas fondée à demander l'annulation des arrêts qu'elle attaque.
Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
13. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que les sommes réclamées par la société Gély au titre des frais exposés soient mises à la charge de la commune de Saint-Maur-des Fossés, qui n'est pas la partie perdante dans les présentes instances. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre une somme de 3 000 euros à la charge de la société Gély à verser à l'association Protection de l'environnement et du citoyen 94100 au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D E C I D E :
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Article 1er : Les pourvois de la société Gély sont rejetés.
Article 2 : La société Gély versera une somme de 3 000 euros à l'association Protection de l'environnement et du citoyen 94100 au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à la société anonyme Gély et à l'association Protection de l'environnement et du citoyen 94100.
Copie en sera adressée à la commune de Saint-Maur-des Fossés.
Délibéré à l'issue de la séance du 10 octobre 2024 où siégeaient : Mme Gaëlle Dumortier, présidente de chambre, présidant ; M. Jean-Luc Nevache, conseiller d'Etat et M. Pierre Boussaroque, conseiller d'Etat-rapporteur.
Rendu le 5 novembre 2024.
La présidente :
Signé : Mme Gaëlle Dumortier
Le rapporteur :
Signé : M. Pierre Boussaroque
La secrétaire :
Signé : Mme Paule Troly