La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

29/10/2024 | FRANCE | N°471567

France | France, Conseil d'État, 9ème chambre, 29 octobre 2024, 471567


Vu la procédure suivante :



M. et Mme C... et B... A... ont demandé au tribunal administratif de Strasbourg de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre de l'année 2016 ainsi que des pénalités correspondantes. Par un jugement n° 2000392 du 13 octobre 2020, ce tribunal a rejeté leur demande.



Par un arrêt n° 20NC03105 du 22 décembre 2022, la cour administrative d'appel de Nancy a, sur l'appel formé par M. et Mme A... co

ntre ce jugement, prononcé un non-lieu partiel à statuer à hauteur d'un dégrèvement int...

Vu la procédure suivante :

M. et Mme C... et B... A... ont demandé au tribunal administratif de Strasbourg de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre de l'année 2016 ainsi que des pénalités correspondantes. Par un jugement n° 2000392 du 13 octobre 2020, ce tribunal a rejeté leur demande.

Par un arrêt n° 20NC03105 du 22 décembre 2022, la cour administrative d'appel de Nancy a, sur l'appel formé par M. et Mme A... contre ce jugement, prononcé un non-lieu partiel à statuer à hauteur d'un dégrèvement intervenu en cours d'instance et, par son article 2, rejeté le surplus des conclusions de la requête.

Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 22 février et 23 mai 2023 et le 3 septembre 2024 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. et Mme A... demandent au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'article 2 de cet arrêt ;

2°) réglant l'affaire au fond dans cette mesure, de faire droit à leur appel ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 6 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Lionel Ferreira, maître des requêtes en service extraordinaire,

- les conclusions de Mme Céline Guibé, rapporteure publique ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Buk Lament - Robillot, avocat de M. et de Mme A... ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que

M. et Mme A... ont fait l'objet d'un contrôle sur pièces à l'issue duquel l'administration fiscale les a assujettis à des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales au titre de l'année 2016, à raison d'un avantage occulte que leur aurait consenti la société Bati Services dans le cadre de l'acquisition d'un bien immobilier situé à Metz (Moselle). Par un jugement du 13 octobre 2020, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté leur demande tendant à la décharge de ces suppléments d'impôts. M. et Mme A... se pourvoient en cassation contre l'article 2 de l'arrêt du 22 décembre 2022 par lequel la cour administrative d'appel de Nancy, après avoir prononcé un non-lieu partiel à statuer à hauteur d'un dégrèvement intervenu en cours d'instance, a rejeté le surplus des conclusions de l'appel qu'ils avaient formé contre ce jugement.

2. Aux termes du c de l'article 111 du code général des impôts : " Sont notamment considérés comme revenus distribués : (...) c. Les rémunérations et avantages occultes ". Lorsqu'une société a pris en charge des dépenses incombant normalement à un tiers sans que la comptabilisation de cette opération ne révèle, par elle-même, l'octroi d'un avantage, il appartient à l'administration, si elle entend faire application des dispositions précitées du c de l'article 111 du code général des impôts pour imposer, dans les mains du tiers, cette somme, d'établir, d'une part, que la prise en charge de cette dépense ne comportait pas de contrepartie pour la société, et d'autre part, qu'il existait une intention, pour celle-ci, d'octroyer, et pour le tiers, de recevoir, une libéralité.

3. Il ressort des énonciations de l'arrêt attaqué que, pour retenir que l'administration fiscale établissait l'intention de M. et Mme A... de recevoir une libéralité de la part de la société Bati Services, la cour administrative d'appel de Nancy a relevé, d'une part, que cette société avait pris à sa charge, sans contrepartie, la dépense liée à l'acquisition de leur appartement et, d'autre part, que M. et Mme A... n'établissaient pas, faute notamment de se prévaloir d'une convention ayant cet objet, que l'intervention de la société Bati Services s'était bornée à recevoir des fonds remis par la mère, résidant au Maroc, de Mme A..., afin de permettre l'acquisition de l'appartement sans s'exposer à la réglementation fiscale et des changes du Maroc. La cour a, par ailleurs, regardé comme inopérante la circonstance que le gérant de la société Bati Services et un intermédiaire auraient conservé les fonds remis par la mère de Mme A... au motif que la société Bati Services avait bien procédé aux virements ayant servi au paiement de l'appartement.

4. En écartant par principe comme inopérante, au soutien d'un moyen contestant l'octroi d'une libéralité à leur profit, l'invocation, par les contribuables, de leur intention de financer l'acquisition de l'appartement au moyen de fonds que souhaitait leur remettre leur famille domiciliée au Maroc par l'intermédiaire de la société Bati Services et en se fondant sur la seule circonstance que les virements avaient été réalisés par cette société, alors que cette circonstance n'était ni de nature à établir l'existence d'une relation d'intérêts avec la société, ni à démontrer l'intention de M. et de Mme A... de recevoir une libéralité de la part de cette société, la cour a commis une erreur de droit.

5. Il résulte de ce qui précède que, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens du pourvoi, M. et Mme A... sont fondés à demander l'annulation de l'article 2 de l'arrêt qu'ils attaquent.

6. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros à verser à M. et Mme A... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'article 2 de l'arrêt de la cour administrative d'appel de Nancy du 22 décembre 2022 est annulé.

Article 2 : L'affaire est renvoyée, dans la mesure de la cassation décidée à l'article 1er, à la cour administrative d'appel de Nancy.

Article 3 : L'Etat versa la somme de 3 000 euros à M. et Mme A... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à M. et Mme C... et B... A... et au ministre auprès du Premier ministre, chargé du budget et des comptes publics.

Délibéré à l'issue de la séance du 4 octobre 2024 où siégeaient : Mme Anne Egerszegi, présidente de chambre, présidant ; M. Nicolas Polge, conseiller d'Etat et M. Lionel Ferreira, maître des requêtes-rapporteur.

Rendu le 29 octobre 2024.

La présidente :

Signé : Mme Anne Egerszegi

Le rapporteur :

Signé : M. Lionel Ferreira

Le secrétaire :

Signé : M. Brian Bouquet

La République mande et ordonne au ministre auprès du Premier ministre, chargé du budget et des comptes publics en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

Pour la secrétaire du contentieux, par délégation :


Synthèse
Formation : 9ème chambre
Numéro d'arrêt : 471567
Date de la décision : 29/10/2024
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 29 oct. 2024, n° 471567
Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Lionel Ferreira
Rapporteur public ?: Mme Céline Guibé
Avocat(s) : SCP BUK LAMENT - ROBILLOT

Origine de la décision
Date de l'import : 03/11/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2024:471567.20241029
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award