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28/10/2024 | FRANCE | N°491057

France | France, Conseil d'État, 2ème - 7ème chambres réunies, 28 octobre 2024, 491057


Vu la procédure suivante :



Par une requête sommaire, un mémoire complémentaire et un nouveau mémoire, enregistrés les 22 janvier, 22 avril et 10 septembre 2024 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la commune du Rove (Bouches-du-Rhône) demande au Conseil d'Etat :



1°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision implicite par laquelle le ministre délégué auprès du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargé des transports, a rejeté sa demande tendant à ce qu'il prenne un ar

rêté prévenant les nuisances sonores occasionnées par l'exploitation de l'aérodrome de Mars...

Vu la procédure suivante :

Par une requête sommaire, un mémoire complémentaire et un nouveau mémoire, enregistrés les 22 janvier, 22 avril et 10 septembre 2024 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la commune du Rove (Bouches-du-Rhône) demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision implicite par laquelle le ministre délégué auprès du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargé des transports, a rejeté sa demande tendant à ce qu'il prenne un arrêté prévenant les nuisances sonores occasionnées par l'exploitation de l'aérodrome de Marseille-Provence en modifiant les trajectoires de vol applicables en les décalant de 5 degrés vers l'est et en augmentant la pente d'ascension des aéronefs, ainsi qu'en créant un volume de protection environnementale applicable à cet aérodrome ;

2°) d'enjoindre au ministre chargé des transports de prendre cet arrêté ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le règlement (UE) n° 598/2014 du Parlement européen et du Conseil du 16 avril 2014 ;

- le code de l'environnement ;

- le code des transports ;

- l'arrêté modifié du 24 janvier 1956 relatif aux conditions d'établissement et de perception des redevances d'atterrissage et d'usage des dispositifs d'éclairage sur les aérodromes publics ;

- l'arrêté modifié du 3 mai 2012 portant restriction d'exploitation de l'aérodrome de Marseille-Provence ;

- l'arrêté du 21 mars 2022 relatif à la classification acoustique des aéronefs mentionnée à l'article L. 422-56 du code des impositions sur les biens et services à prendre en compte pour le calcul de la taxe sur les nuisances sonores aériennes ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Alexandre Trémolière, maître des requêtes en service extraordinaire,

- les conclusions de Mme Dorothée Pradines, rapporteure publique,

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Buk Lament - Robillot avocat de la commune du Rove ;

Considérant ce qui suit :

Sur le cadre juridique :

1. Le règlement (UE) n° 598/2014 relatif à l'établissement de règles et de procédures concernant l'introduction de restrictions d'exploitation liées au bruit dans les aéroports de l'Union, dans le cadre d'une approche équilibrée, et abrogeant la directive 2002/30/CE a pour objet, selon le paragraphe 1 de son article 1er, de fixer, " lorsqu'un problème de bruit a été identifié, des règles concernant la procédure à suivre pour introduire, de façon cohérente, des restrictions d'exploitation liées au bruit, aéroport par aéroport, (...) conformément à l'approche équilibrée ". L'approche équilibrée est définie par le paragraphe 3 de l'article 2 de ce règlement comme " la procédure élaborée par l'Organisation de l'aviation civile internationale en vertu de laquelle sont examinées de façon cohérente les diverses mesures disponibles, à savoir la réduction à la source des nuisances sonores liées au trafic aérien, l'aménagement et la gestion du territoire, les procédures d'exploitation dites "à moindre bruit" et les restrictions d'exploitation, en vue de traiter le problème du bruit de manière économiquement efficiente, aéroport par aéroport ". Aux termes du paragraphe 3 de l'article 5 du même règlement : " Les États membres veillent à ce que, lorsque des mesures sont prises en matière de bruit, l'association suivante des mesures envisageables soit examinée, en vue de déterminer la mesure ou la combinaison de mesures présentant le meilleur rapport coût-efficacité : / a) l'effet prévisible d'une réduction à la source des nuisances sonores liées au trafic aérien ; / b) la planification et la gestion de l'utilisation des terrains ; c) des procédures opérationnelles de réduction du bruit ; d) des restrictions d'exploitation ne sont pas appliquées en première intention, mais seulement après examen des autres mesures de l'approche équilibrée (...) ".

2. Aux termes de l'article R. 6312-11 du code des transports : " L'utilisation d'un aérodrome ouvert à la circulation aérienne publique peut être soumise à certaines restrictions ou temporairement interdite, si les conditions de la circulation aérienne sur l'aérodrome ou dans l'espace aérien environnant, ou des raisons d'ordre public le justifient. / Ces restrictions d'utilisation ou fermetures temporaires sont prononcées par le ministre chargé de l'aviation civile, le cas échéant conjointement avec les ministres intéressés (...) ".

3. Selon l'article R. 6360-3 du même code : " Sans préjudice de l'application des dispositions de l'article R. 6312-11, le ministre chargé de l'aviation civile et le ministre chargé de l'environnement peuvent, en se fondant sur les conclusions de l'étude d'impact selon l'approche équilibrée (...), imposer, par arrêté conjoint, des restrictions d'exploitation sur les aérodromes visés à l'article L. 6360-1. (...) ".

4. Il résulte des dispositions énoncées aux points 1 à 3 que, lorsque les autorités nationales envisagent de prendre des mesures afin de réduire les nuisances sonores liées à l'exploitation d'un aérodrome, elles doivent agir conformément à l'approche équilibrée définie par l'article 2 du règlement (UE) n° 598/2014 du 16 avril 2014, en recourant aux quatre types de mesures qui y sont énoncés. A cette fin, le ministre chargé de l'aviation civile peut prendre notamment, dans le cadre de cette approche équilibrée, des mesures limitant l'utilisation d'un aérodrome ainsi que, le cas échéant, des mesures de restriction d'exploitation. Au titre de ces mesures de restriction d'exploitation, l'article L. 6362-1 du même code lui permet de créer un volume de protection environnementale associé à une procédure de départ ou une procédure d'arrivée.

Sur les conclusions présentées par la commune du Rove :

5. La commune du Rove demande l'annulation de la décision implicite par laquelle le ministre délégué auprès du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargé des transports a rejeté sa demande du 15 septembre 2023 tendant à ce qu'il prenne un arrêté prévenant les nuisances sonores occasionnées par l'exploitation de l'aérodrome de Marseille-Provence en modifiant les trajectoires de vol applicables en les décalant de 5 degrés vers l'est et en augmentant la pente d'ascension des aéronefs, ainsi qu'en créant un volume de protection environnementale applicable à cet aérodrome.

6. Il ressort des pièces du dossier que des mesures destinées à limiter les nuisances sonores émises par les aéronefs ont été prises par le ministre chargé de l'aviation civile, notamment en modifiant les groupes acoustiques de référence pour le calcul de la taxe sur les nuisances sonores aériennes et la modulation des redevances aéroportuaires. De plus, les nuisances sonores engendrées par l'exploitation de l'aérodrome Marseille-Provence, y compris sur le territoire de la commune du Rove, ont été prises en compte dans le cadre d'un plan de gêne sonore révisé en 2004, d'un plan d'exposition au bruit approuvé le 4 août 2006 ainsi que d'un plan de prévention du bruit dans l'environnement, arrêté par le préfet des Bouches-du-Rhône le 19 juillet 2023 pour la période 2020-2024. En outre, les procédures de décollage en direction du sud ont été modifiées afin d'optimiser les profils d'ascension et éviter le survol des zones habitées, en particulier par l'instauration de l'obligation de recourir, sur cette seule trajectoire de décollage, à la procédure de pilotage aux instruments jusqu'à 5 000 pieds. Enfin, l'aérodrome de Marseille-Provence fait l'objet de mesures de restriction d'exploitation modifiées en dernier lieu par un arrêté du ministre chargé de l'aviation civile du 12 février 2018.

7. Si la commune du Rove fait valoir que des aéronefs survolent des zones habitées de son territoire et qu'il en résulterait des nuisances sonores supérieures à celles envisagées par le plan d'exposition au bruit pour une partie de sa population, les données sur lesquelles elle s'appuie pour démontrer l'existence de ces nuisances ne sont de nature à établir ni l'existence de survols ne respectant pas de manière répétée la trajectoire de décollage prévue par les procédures de départ en direction du sud, ni le volume sonore en résultant sur les zones habitées de son territoire qui sont concernées. Elles sont en outre contemporaines des mesures mentionnées au point précédent ou antérieures à celles-ci, alors qu'il ressort du plan de prévention du bruit dans l'environnement pour la période 2020-2024 que les modifications apportées antérieurement aux procédures d'approche et de décollage ont sensiblement réduit l'impact environnemental au sud de l'aérodrome de Marseille-Provence et qu'en particulier, la commune du Rove ne devrait plus être concernée à long terme par les nuisances sonores générées par l'exploitation de cet aérodrome.

8. Il résulte de ce qui précède que la commune du Rove ne démontre pas l'existence de nuisances susceptibles de caractériser une carence du ministre chargé des transports afin de limiter sur son territoire les nuisances sonores liées à l'exploitation de l'aérodrome de Marseille-Provence. Dès lors, elle n'est pas fondée à soutenir qu'en refusant de prendre les mesures sollicitées en vue de réduire ces nuisances sur son territoire, dont il n'est au demeurant pas établi qu'elles seraient de nature à répondre aux difficultés alléguées, le ministre des transports se serait abstenu illégalement de faire usage de ses pouvoirs en matière de police de la circulation aérienne et de restriction d'exploitation. Par suite, et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la fin de non-recevoir soulevée par le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, la requête présentée par la commune du Rove ne peut qu'être rejetée, y compris ses conclusions à fin d'injonction.

9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante.

D E C I D E :

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Article 1er : La requête de la commune du Rove est rejetée.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à la commune du Rove et à la ministre du partenariat avec les territoires et de la décentralisation.

Délibéré à l'issue de la séance du 9 octobre 2024 où siégeaient : M. Rémy Schwartz, président adjoint de la section du contentieux, présidant ; M. Nicolas Boulouis, M. Olivier Japiot, présidents de chambre ; Mme Anne Courrèges, M. Géraud Sajust de Bergues, M. Gilles Pellissier, M. Jean-Yves Ollier, M. Frédéric Gueudar Delahaye, conseillers d'Etat et M. Alexandre Trémolière, maître des requêtes en service extraordinaire-rapporteur.

Rendu le 28 octobre 2024.

Le président :

Signé : M. Rémy Schwartz

Le rapporteur :

Signé : M. Alexandre Trémolière

Le secrétaire :

Signé : M. Guillaume Auge


Synthèse
Formation : 2ème - 7ème chambres réunies
Numéro d'arrêt : 491057
Date de la décision : 28/10/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 28 oct. 2024, n° 491057
Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Alexandre Trémolière
Rapporteur public ?: Mme Dorothée Pradines
Avocat(s) : SCP BUK LAMENT - ROBILLOT

Origine de la décision
Date de l'import : 31/10/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2024:491057.20241028
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