Vu la procédure suivante :
Le préfet des Yvelines a déféré au tribunal administratif de Versailles le permis de construire tacite délivré par le maire d'Aulnay-sur-Mauldre (Yvelines) à Mme B... pour la construction d'une maison d'habitation sur un terrain situé Vieux chemin du Val. Par un jugement n° 1907310 du 24 février 2020, le tribunal administratif a annulé pour excès de pouvoir ce permis de construire.
Par un arrêt n° 20VE01071 du 8 juillet 2022, la cour administrative d'appel de Versailles a rejeté l'appel formé par la commune d'Aulnay-sur-Mauldre contre ce jugement.
Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un nouveau mémoire, enregistrés les 8 septembre, 8 décembre 2022 et 20 mars 2024 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la commune d'Aulnay-sur-Mauldre demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler cet arrêt ;
2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code général des collectivités territoriales ;
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Cyrille Beaufils, maître des requêtes,
- les conclusions de M. Maxime Boutron, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Guérin - Gougeon, avocat de la commune d'Aulnay-sur-Mauldre.
Considérant ce qui suit :
1. Il ressort des énonciations de l'arrêt attaqué que la demande de permis de construire une maison individuelle sur un terrain situé Vieux chemin du Val à Aulnay-sur-Mauldre (Yvelines) présentée par Mme B... a fait l'objet d'une acceptation tacite le 25 mai 2019 à l'expiration du délai d'instruction de deux mois. Par un jugement du 24 février 2020, le tribunal administratif de Versailles a, sur déféré du préfet des Yvelines, annulé ce permis de construire tacite. La commune d'Aulnay-sur-Mauldre demande l'annulation de l'arrêt du 8 juillet 2022 par lequel la cour administrative d'appel de Versailles a rejeté l'appel qu'elle avait formé contre ce jugement.
2. En premier lieu, d'une part, aux termes de l'article L. 2131-6 du code général des collectivités territoriales : " Le représentant de l'Etat dans le département défère au tribunal administratif les actes mentionnés à l'article L. 2131-2 qu'il estime contraires à la légalité dans les deux mois suivant leur transmission. (...) ". Parmi les actes mentionnés par l'article L. 2131-2 de ce code figurent, au 6°, " le permis de construire et les autres autorisations d'utilisation du sol (...) délivrés par le maire ". L'article R. 423-23 du code de l'urbanisme fixe à deux mois le délai d'instruction de droit commun pour les demandes de permis de construire portant sur une maison individuelle. L'article R. 424-1 du même code prévoit que, à défaut d'une décision expresse dans le délai d'instruction, le silence gardé par l'autorité compétente vaut permis de construire. Aux termes de l'article L. 424-8 du code de l'urbanisme : " Le permis tacite et la décision de non-opposition à une déclaration préalable sont exécutoires à compter de la date à laquelle ils sont acquis. " Le premier alinéa de l'article R. 423-7 du même code, dans sa rédaction applicable au litige, dispose que : " Lorsque l'autorité compétente pour délivrer le permis ou pour se prononcer sur un projet faisant l'objet d'une déclaration préalable est le maire au nom de la commune, celui-ci transmet un exemplaire de la demande ou de la déclaration préalable au préfet dans la semaine qui suit le dépôt ". D'autre part, aux termes de l'article L. 422-5 du même code : " Lorsque le maire ou le président de l'établissement public de coopération intercommunale est compétent, il recueille l'avis conforme du préfet si le projet est situé : / a) Sur une partie du territoire communal non couverte par une carte communale, un plan local d'urbanisme ou un document d'urbanisme en tenant lieu (...) ".
3. S'il résulte des dispositions de l'article L. 424-8 du code de l'urbanisme rappelées ci-dessus qu'un permis de construire tacite est exécutoire dès qu'il est acquis, sans qu'il y ait lieu de rechercher s'il a été transmis au représentant de l'Etat, les dispositions de cet article ne dérogent pas à celles de l'article L. 2131-6 du code général des collectivités territoriales, en vertu desquelles le préfet défère au tribunal administratif les actes mentionnés à l'article L. 2131-2 qu'il estime contraires à la légalité dans les deux mois suivant leur transmission. Figurent au nombre de ces actes les permis de construire tacites. Dans l'état des textes applicables au litige, une commune est réputée avoir satisfait à l'obligation de transmission, dans le cas d'un permis de construire tacite, si elle a transmis au préfet, en application des dispositions citées ci-dessus de l'article R. 423-7 du code de l'urbanisme, l'entier dossier de la demande au moment de l'enregistrement de celle-ci. Le délai du déféré court alors à compter de la date à laquelle le permis est acquis ou, dans l'hypothèse où la commune ne satisfait à l'obligation de transmission au préfet que postérieurement à cette date, à compter de la date de cette transmission. Toutefois, lorsqu'une commune a consulté les services de l'Etat pour recueillir leur avis sur le fondement des dispositions de l'article L. 422-5 du code de l'urbanisme, cette demande ne constitue ni une transmission faite aux services de l'Etat en application des articles L. 2131-1 et L. 2131-2 du code général des collectivités territoriales, ni une transmission au préfet au titre de l'obligation posée par l'article R. 423-7 du code de l'urbanisme, et n'est donc pas de nature à faire courir le délai du déféré préfectoral.
4. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la commune d'Aulnay-sur-Mauldre a transmis à la direction départementale des territoires des Yvelines, le 27 mars 2019, le dossier de la demande de permis de construire déposée le 25 mars 2019 par Mme B..., aux fins de recueillir l'avis du préfet sur ce permis de construire en application de l'article L. 422-5 du code de l'urbanisme. Malgré l'avis défavorable émis le 26 avril 2019 par le préfet, le maire n'a pas pris de décision de refus et un permis de construire tacite est né le 25 mai suivant. La commune d'Aulnay-sur-Mauldre a transmis le 17 juin 2019 au contrôle de légalité de la préfecture des Yvelines copie du certificat de permis de construire tacite qu'elle avait délivré à Mme B.... Il résulte de ce qui a été dit au point 3 qu'en l'absence de transmission antérieure, sur le fondement de l'article R. 423-7 du code de l'urbanisme, de la demande de permis de construire, le délai de recours de deux mois dont disposait le préfet pour déférer au tribunal administratif, en application des dispositions de l'article L. 2131-6 du code général des collectivités territoriales, a commencé à courir de la date de cette transmission. En jugeant que la demande adressée à la commune le 18 juillet 2019 de transmission du formulaire CERFA de demande de permis de construire, qui était une pièce utile à l'exercice du contrôle de légalité, avait prolongé le délai de recours, la cour n'a pas commis d'erreur de droit, alors même que les services préfectoraux avaient pu avoir préalablement communication de cette pièce dans le cadre de la procédure mentionnée à l'article L. 422-5 du code de l'urbanisme. En jugeant en conséquence que le déféré enregistré le 23 septembre 2019, deux mois après réception de cette pièce le 23 juillet 2019, n'était pas tardif, la cour n'a pas inexactement qualifié les faits de l'espèce.
5. En second lieu, l'article L. 111-3 du code de l'urbanisme dispose : " En l'absence de plan local d'urbanisme, de tout document d'urbanisme en tenant lieu ou de carte communale, les constructions ne peuvent être autorisées que dans les parties urbanisées de la commune. " Les parties urbanisées de la commune sont les parties du territoire communal qui comportent déjà un nombre et une densité significatifs de constructions.
6. En estimant que le terrain d'assiette du projet, qui est situé dans un vaste espace non bâti entre le hameau du Val d'Aulnay, à l'ouest, et le bourg d'Aulnay-sur-Mauldre, à l'est, se trouve dans les parties non urbanisées de la commune, alors même que ce terrain est desservi par une voie goudronnée comportant l'ensemble des réseaux et que quelques constructions éparses ont été autorisées à proximité, la cour a porté sur les faits de l'espèce une appréciation souveraine dénuée de dénaturation.
7. Il résulte de ce qui précède que la commune requérante n'est pas fondée à demander l'annulation de l'arrêt de la cour administrative d'appel de Versailles qu'elle attaque.
8. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise, à ce titre, à la charge de l'Etat, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante.
D E C I D E :
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Article 1er : Le pourvoi de la commune d'Aulnay-sur-Mauldre est rejeté.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à la commune d'Aulnay-sur-Mauldre, à la ministre du logement et de la rénovation urbaine et à Mme A... B....
Délibéré à l'issue de la séance du 7 octobre 2024 où siégeaient : Mme Laurence Helmlinger, assesseure, présidant ; M. Alain Seban, conseiller d'Etat et M. Cyrille Beaufils, maître des requêtes-rapporteur.
Rendu le 22 octobre 2024.
La présidente :
Signé : Mme Laurence Helmlinger
Le rapporteur :
Signé : M. Cyrille Beaufils
La secrétaire :
Signé : Mme Nathalie Pilet