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21/10/2024 | FRANCE | N°487799

France | France, Conseil d'État, 7ème - 2ème chambres réunies, 21 octobre 2024, 487799


Vu la procédure suivante :



M. A... C... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 10 février 2022 par lequel la préfète de la Gironde lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour. Par un jugement n° 2203187 du 14 décembre 2022 le tribunal administratif de Bordeaux a annulé cet arrêté et enjoint à la préfète de délivrer à M. C... un titre de séjour mention " vie privée et familiale " dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement.



Par un arrêt n° 23BX00030 du

4 mai 2023, la cour administrative d'appel de Bordeaux, sur appel de la préfète de la Gironde, a ...

Vu la procédure suivante :

M. A... C... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 10 février 2022 par lequel la préfète de la Gironde lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour. Par un jugement n° 2203187 du 14 décembre 2022 le tribunal administratif de Bordeaux a annulé cet arrêté et enjoint à la préfète de délivrer à M. C... un titre de séjour mention " vie privée et familiale " dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement.

Par un arrêt n° 23BX00030 du 4 mai 2023, la cour administrative d'appel de Bordeaux, sur appel de la préfète de la Gironde, a annulé ce jugement et rejeté la demande présentée devant le tribunal administratif ainsi que les conclusions d'appel de M. C....

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 29 août et 30 novembre 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. C... demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros à verser à la SCP Zribi et Texier, son avocat, au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Céline Boniface, maîtresse des requêtes en service extraordinaire,

- les conclusions de M. Nicolas Labrune, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Zribi et Texier, avocat de M. C... ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des énonciations de l'arrêt attaqué que M. C..., de nationalité géorgienne, né en 1979, qui déclare être entré en France le 15 avril 2019 avec son épouse et leur enfant mineur, a sollicité la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par une décision du 10 février 2022, la préfète de la Gironde a refusé de lui délivrer ce titre de séjour et lui a délivré une autorisation provisoire de séjour d'une durée identique à celle du titre de séjour pour raison de santé dont bénéficiait son épouse. M. C... se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 4 mai 2023 par lequel la cour administrative d'appel de Bordeaux, sur appel de la préfète de la Gironde, a annulé le jugement du 14 décembre 2022 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux avait annulé la décision de refus de titre de séjour et lui avait enjoint de lui délivrer un titre de séjour et a rejeté sa demande.

2. En premier lieu, M. C... ne peut utilement soutenir que la cour, après avoir relevé que le signataire de la décision attaquée bénéficiait d'une délégation pour signer, notamment, " toutes décisions concernant l'instruction des demandes de titres de séjour en cas d'absence ou d'empêchement de Marc Douchin ", a indiqué à tort qu'il n'alléguait pas que ce dernier fût absent ou empêché, ce motif étant surabondant, la cour ayant principalement estimé que l'absence ou l'empêchement de cet agent n'était pas établi.

3. En deuxième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Aux termes de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui n'entre pas dans les catégories prévues aux articles L. 423-1, L. 423-7, L. 423-14, L. 423-15, L. 423-21 et L. 423-22 ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, et qui dispose de liens personnels et familiaux en France tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. Les liens mentionnés au premier alinéa sont appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'étranger, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec sa famille restée dans son pays d'origine. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République ".

4. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M. C... s'est vu délivrer une autorisation provisoire de séjour d'une durée identique au titre de séjour détenu par son épouse. En jugeant que, dès lors qu'il pouvait ainsi demeurer auprès d'elle et de son fils pour le temps nécessaire aux soins que l'état de santé de son épouse rend indispensable, le refus de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " lui permettant d'exercer une activité professionnelle n'était pas, de ce seul fait, de nature à porter atteinte à son droit au respect de sa vie privée et familiale, la cour administrative d'appel n'a pas commis d'erreur de droit.

5. En troisième lieu, la cour a souverainement constaté que le séjour en France de M. C... et de sa famille était récent, que son épouse ne disposait d'un titre de séjour que pour la durée des soins dont elle bénéficie, que M. C... ne faisait état d'aucun élément d'intégration dans la société française, ni de liens familiaux et personnels en dehors de sa femme et de son fils et que la préfète lui avait accordé dans la même décision du 10 février 2022 une autorisation provisoire de séjour d'une durée identique à celle du titre de séjour détenu par son épouse. Contrairement à ce que soutient le requérant, en déduisant de ces constatations exemptes de dénaturation que le refus litigieux de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " ne portait pas une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale, la cour administrative d'appel, dont l'arrêt est suffisamment motivé, n'a pas inexactement qualifié les faits.

6. En quatrième et dernier lieu, aux termes du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant du 26 janvier 1990 : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale. ". Il résulte de ces stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant. Elles sont applicables non seulement aux décisions qui ont pour objet de régler la situation personnelle d'enfants mineurs mais aussi à celles qui ont pour effet d'affecter, de manière suffisamment directe et certaine, leur situation.

7. Contrairement à ce que soutient M. C..., la cour, en jugeant que la décision litigieuse, qui n'avait pas pour effet de séparer le requérant de son fils, n'affectait pas de manière certaine et directe la situation de ce dernier et ne méconnaissait donc pas l'intérêt supérieur de son enfant mineur, n'a pas commis d'erreur de droit.

8. Il résulte de ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à demander l'annulation de l'arrêt qu'il attaque. Ses conclusions présentées au titre des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent, en conséquence, qu'être rejetées.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Le pourvoi de M. C... est rejeté.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. A... C... et au ministre de l'intérieur.


Synthèse
Formation : 7ème - 2ème chambres réunies
Numéro d'arrêt : 487799
Date de la décision : 21/10/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 21 oct. 2024, n° 487799
Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Céline Boniface
Rapporteur public ?: M. Nicolas Labrune
Avocat(s) : SCP ZRIBI, TEXIER

Origine de la décision
Date de l'import : 27/10/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2024:487799.20241021
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