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18/10/2024 | FRANCE | N°474903

France | France, Conseil d'État, 10ème - 9ème chambres réunies, 18 octobre 2024, 474903


Vu la procédure suivante :



La collectivité de Saint-Martin a demandé au tribunal administratif de Saint-Martin de condamner l'Etat à lui verser une somme de 71 233 713 euros, assortie des intérêts et de la capitalisation des intérêts, en réparation du préjudice qu'elle estime avoir subi à raison d'erreurs dans le calcul des dotations globales de compensation qui lui sont dues en application de l'article LO 6371-4 du code général des collectivités territoriales. Par un jugement n° 1700095 du 9 mars 2020, ce tribunal a rejeté sa demande.


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Vu la procédure suivante :

La collectivité de Saint-Martin a demandé au tribunal administratif de Saint-Martin de condamner l'Etat à lui verser une somme de 71 233 713 euros, assortie des intérêts et de la capitalisation des intérêts, en réparation du préjudice qu'elle estime avoir subi à raison d'erreurs dans le calcul des dotations globales de compensation qui lui sont dues en application de l'article LO 6371-4 du code général des collectivités territoriales. Par un jugement n° 1700095 du 9 mars 2020, ce tribunal a rejeté sa demande.

Par un arrêt n° 20BX01832 du 6 avril 2023, la cour administrative d'appel de Bordeaux a rejeté l'appel formé par la collectivité de Saint-Martin contre ce jugement.

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 7 juin et 7 septembre 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la collectivité de Saint-Martin demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la Constitution ;

- la loi organique n° 2007-223 du 21 février 2007 ;

- le code général des collectivités territoriales ;

- l'arrêté du 22 avril 2011 fixant le montant des charges et le droit à compensation des compétences transférées à la collectivité de Saint-Martin ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Alexandra Bratos, auditrice,

- les conclusions de M. Laurent Domingo, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Foussard, Froger, avocat de la collectivité de Saint-Martin ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, par une requête introduite le 4 juillet 2011, la collectivité de Saint-Martin a demandé l'annulation pour excès de pouvoir de l'arrêté interministériel du 22 avril 2011 fixant le montant des charges et le droit à compensation des compétences transférées à la collectivité de Saint-Martin. Par une ordonnance du 1er décembre 2016, le tribunal administratif de Paris a pris acte de son désistement d'instance. Par une nouvelle requête, introduite le 8 août 2017, la collectivité de Saint-Martin a demandé au tribunal administratif de Saint-Martin de condamner l'Etat à lui verser une indemnité en réparation du préjudice qu'elle estimait avoir subi à raison de de la sous-évaluation du montant de la dotation globale de compensation qui lui était due entre 2008 et 2016. Par un jugement du 9 mars 2020, le tribunal administratif a rejeté cette demande comme irrecevable. La collectivité de Saint-Martin se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 6 avril 2023 par lequel la cour administrative d'appel de Bordeaux a rejeté l'appel qu'elle avait formé contre ce jugement.

Sur le cadre juridique applicable :

2. Aux termes de l'article 5 de la loi organique du 21 février 2007 portant dispositions statutaires et institutionnelles relatives à l'outre-mer, la commune de Saint-Martin, jusqu'alors rattachée au département et à la région de la Guadeloupe, est devenue une collectivité d'outre-mer autonome régie par l'article 74 de la Constitution à compter du 15 juillet 2007. Son statut est codifié au livre III de la sixième partie de la partie législative du code général des collectivités territoriales. La création de la collectivité de Saint-Martin s'est accompagnée d'un transfert de compétences de la commune de Saint-Martin, du département de la Guadeloupe et de la région de la Guadeloupe et d'un transfert partiel des compétences de l'Etat. Le régime de compensation des charges résultant des compétences ainsi transférées est précisé par les articles LO 6371-1 à LO 6371-8 et D. 6371-1 à D. 6371-8 de ce même code.

3. Aux termes de l'article LO 6371-4 du code général des collectivités territoriales : " Tout accroissement net de charges résultant des transferts de compétences effectués entre l'Etat, la région ou le département de la Guadeloupe ou la commune de Saint-Martin et la collectivité de Saint-Martin est accompagné du transfert concomitant à la collectivité de Saint-Martin des ressources nécessaires à l'exercice normal de ces compétences ". Aux termes du premier alinéa de l'article LO 6371-5 du même code : " Les charges mentionnées à l'article LO 6371-4 sont compensées par le transfert d'impôts, la dotation globale de fonctionnement instituée par l'article L. 6364-3, la dotation globale de construction et d'équipement scolaire instituée par l'article L. 6364-5 et, pour le solde, par l'attribution d'une dotation globale de compensation inscrite au budget de l'Etat. La loi de finances précise chaque année le montant de cette dotation. Dès la première année, elle évolue comme la dotation globale de fonctionnement dans les conditions prévues à l'article L. 1613-1 ". Aux termes du premier alinéa de l'article D. 6371-2 du même code : " Le montant des charges transférées, selon la compétence, par l'Etat, le conseil régional de la Guadeloupe, le conseil général de la Guadeloupe ou la commune de Saint-Martin en application des dispositions de l'article D. 6371-1 est constaté pour chaque compétence transférée par arrêté conjoint du ministre chargé de l'outre-mer et du ministre chargé du budget, après avis de la commission consultative d'évaluation des charges de Saint-Martin ". Le montant des charges et le droit à compensation des compétences transférées à la collectivité de Saint-Martin ont été fixés par un arrêté interministériel du 22 avril 2011.

Sur le pourvoi :

4. Dès lors qu'une décision ayant un objet exclusivement pécuniaire est devenue définitive avec toutes les conséquences pécuniaires qui en sont inséparables, toute demande ultérieure présentée devant la juridiction administrative qui, fondée sur la seule illégalité de cette décision, tend à l'octroi d'une indemnité correspondant aux montants non versés ou illégalement réclamés est irrecevable.

5. Il ressort des écritures de la collectivité de Saint-Martin devant les juges du fond que celle-ci demandait l'indemnisation du préjudice né de la sous-évaluation alléguée du montant de la dotation globale de compensation mentionnée à l'article LO 6371-5 du code général des collectivités territoriales pour les années 2008 à 2016, résultant elle-même de la sous-évaluation des charges correspondant aux compétences transférées au titre de l'action sanitaire et sociale. En relevant que ces conclusions indemnitaires n'étaient pas fondées sur une faute de l'Etat indépendante de l'illégalité fautive de l'arrêté interministériel du 22 avril 2011 fixant le montant de cette dotation et que ce recours avait, par suite, la même cause et les mêmes effets que le recours pour excès de pouvoir formé en 2016 contre cet arrêté par la collectivité requérante et dont elle s'était désistée, la cour, qui ne s'est pas méprise sur la portée des écritures qui lui étaient soumises et a suffisamment motivé son arrêt, n'a pas commis d'erreur de droit. Sont sans incidence, à cet égard, d'une part, la circonstance que la collectivité n'aurait eu connaissance de la sous-évaluation des charges transférées au titre de l'action sanitaire et sociale que postérieurement à l'expiration du délai de recours en annulation contre l'arrêté du 22 avril 2011, à l'occasion de la réception d'un rapport d'observations provisoires établi le 17 janvier 2017 par la chambre territoriale des comptes de Saint-Martin, et, d'autre part, le fait que la collectivité se soit désistée du recours en annulation qu'elle avait introduit.

6. Il résulte de ce qui précède que le pourvoi de la collectivité de Saint-Martin doit être rejeté, y compris ses conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Le pourvoi de la collectivité de Saint-Martin est rejeté.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à la collectivité de Saint-Martin et au ministre de l'intérieur.


Synthèse
Formation : 10ème - 9ème chambres réunies
Numéro d'arrêt : 474903
Date de la décision : 18/10/2024
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

PROCÉDURE - INTRODUCTION DE L'INSTANCE - DÉLAIS - EXPIRATION DES DÉLAIS - ACTION EN RESPONSABILITÉ FONDÉE SUR L'ILLÉGALITÉ D’UNE DÉCISION À OBJET PUREMENT PÉCUNIAIRE DEVENUE DÉFINITIVE – ILLUSTRATION – ABSENCE DE FAUTE INDÉPENDANTE DE L’ILLÉGALITÉ DE CETTE DÉCISION – CONSÉQUENCE – IRRECEVABILITÉ [RJ1].

54-01-07-05 Collectivité ayant, dans un premier temps, demandé l’annulation pour excès de pouvoir d’un arrêté fixant le montant des charges et le droit à compensation des compétences qui lui étaient transférées, devenu définitif à la suite de son désistement....Collectivité demandant, dans un second temps, l’indemnisation du préjudice né de la sous-évaluation alléguée d’une dotation de l’Etat, résultant elle-même la sous-évaluation des charges correspondant à des compétences transférées....Ces conclusions indemnitaires n’étant pas fondées sur une faute de l’Etat indépendante de l’illégalité fautive de l’arrêté fixant le montant de cette dotation, ce second recours a la même cause et les mêmes effets que le recours pour excès de pouvoir formé contre cet arrêté par la collectivité. Elles sont par suite irrecevables.

RESPONSABILITÉ DE LA PUISSANCE PUBLIQUE - FAITS SUSCEPTIBLES OU NON D'OUVRIR UNE ACTION EN RESPONSABILITÉ - RESPONSABILITÉ ET ILLÉGALITÉ - ILLÉGALITÉ ENGAGEANT LA RESPONSABILITÉ DE LA PUISSANCE PUBLIQUE - ACTION EN RESPONSABILITÉ FONDÉE SUR L'ILLÉGALITÉ D’UNE DÉCISION À OBJET PUREMENT PÉCUNIAIRE DEVENUE DÉFINITIVE – ILLUSTRATION – ABSENCE DE FAUTE INDÉPENDANTE DE L’ILLÉGALITÉ DE CETTE DÉCISION – CONSÉQUENCE – IRRECEVABILITÉ [RJ1].

60-01-04-01 Collectivité ayant, dans un premier temps, demandé l’annulation pour excès de pouvoir d’un arrêté fixant le montant des charges et le droit à compensation des compétences qui lui étaient transférées, devenu définitif à la suite de son désistement....Collectivité demandant, dans un second temps, l’indemnisation du préjudice né de la sous-évaluation alléguée d’une dotation de l’Etat, résultant elle-même la sous-évaluation des charges correspondant à des compétences transférées....Ces conclusions indemnitaires n’étant pas fondées sur une faute de l’Etat indépendante de l’illégalité fautive de l’arrêté fixant le montant de cette dotation, ce second recours a la même cause et les mêmes effets que le recours pour excès de pouvoir formé contre cet arrêté par la collectivité. Elles sont par suite irrecevables.


Publications
Proposition de citation : CE, 18 oct. 2024, n° 474903
Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Alexandra Bratos
Rapporteur public ?: M. Laurent Domingo
Avocat(s) : SCP FOUSSARD, FROGER

Origine de la décision
Date de l'import : 20/10/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2024:474903.20241018
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