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16/10/2024 | FRANCE | N°488953

France | France, Conseil d'État, 1ère - 4ème chambres réunies, 16 octobre 2024, 488953


Vu la procédure suivante :



M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Lyon :

- d'annuler la décision implicite par laquelle le président de la Métropole de Lyon a, sur son recours administratif préalable, confirmé les décisions de la caisse d'allocations familiales du Rhône mettant fin à ses droits au revenu de solidarité active et mettant à sa charge une somme de 13 839,60 euros correspondant à un indu de revenu de solidarité active constitué sur la période du 1er février 2019 au 31 août 2021, de prononcer la déchar

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Vu la procédure suivante :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Lyon :

- d'annuler la décision implicite par laquelle le président de la Métropole de Lyon a, sur son recours administratif préalable, confirmé les décisions de la caisse d'allocations familiales du Rhône mettant fin à ses droits au revenu de solidarité active et mettant à sa charge une somme de 13 839,60 euros correspondant à un indu de revenu de solidarité active constitué sur la période du 1er février 2019 au 31 août 2021, de prononcer la décharge de l'obligation de payer cet indu et d'enjoindre à la Métropole de Lyon de procéder à la restitution des sommes déjà recouvrées et de le rétablir dans ses droits au revenu de solidarité active ;

- d'annuler la décision implicite par laquelle la caisse d'allocations familiales du Rhône a confirmé sa décision mettant à sa charge une somme de 538 euros correspondant à un indu d'allocation de logement sociale constitué sur la période de janvier à mars 2019, de prononcer la décharge de l'obligation de payer cet indu et d'enjoindre à la caisse d'allocations familiales du Rhône de procéder à la restitution des sommes déjà recouvrées ;

- d'annuler les décisions par lesquelles la caisse d'allocations familiales du Rhône a mis à sa charge une somme de 304,90 euros correspondant à deux indus d'aide exceptionnelle de fin d'année constitués au titre des années 2019 et 2020, ainsi qu'une somme de 300 euros correspondant à deux indus d'aide exceptionnelle de solidarité constitués aux mois de mai et de décembre 2020, de prononcer la décharge de l'obligation de payer ces indus et d'enjoindre à la caisse d'allocations familiales du Rhône de procéder à la restitution des sommes déjà recouvrées.

Par un jugement nos 2201924, 2203309, 2203311 du 25 avril 2023, le tribunal administratif de Lyon a, d'une part, annulé les décisions de la caisse d'allocations familiales du Rhône ayant mis à la charge de M. B... deux indus d'aide exceptionnelle de fin d'année pour un montant de 304,90 euros et deux indus d'aide exceptionnelle de solidarité d'un montant de 300 euros et enjoint à la caisse de lui rembourser les sommes éventuellement déjà recouvrées à ce titre dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement si elle n'avait pas, dans ce délai, pris une nouvelle décision de récupération d'indu et, d'autre part, rejeté le surplus des conclusions des demandes de M. B....

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés le 20 octobre 2023 et 28 décembre 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. B... demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler ce jugement en tant qu'il n'a pas fait droit à ses demandes ;

2°) réglant l'affaire au fond dans cette mesure, de faire entièrement droit à ses demandes ;

3°) de mettre à la charge de la caisse d'allocations familiales du Rhône la somme de 3 500 euros à verser à la SCP Delamarre, Jéhannin, son avocat, au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de l'action sociale et des familles ;

- le code de la construction et de l'habitation ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de la sécurité sociale ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le décret n° 2020-1717 du 28 décembre 2020 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Jean-Luc Matt, maître des requêtes,

- les conclusions de M. Mathieu Le Coq, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Delamarre, Jéhannin, avocat de M. B... et à la SARL Le Prado, Gilbert, avocat de Métropole de Lyon ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la caisse d'allocations familiales du Rhône, estimant à la suite d'un contrôle que M. B... n'avait pas résidé en France de février à mars 2019 puis de juillet 2019 à mai 2021 et retenant le caractère frauduleux de ses déclarations trimestrielles de ressources effectuées depuis l'étranger, a notamment décidé, le 14 octobre 2021, de récupérer un indu de revenu de solidarité active d'un montant de 13 839,60 euros pour la période du 1er février 2019 au 31 août 2021 et un indu d'allocation de logement sociale d'un montant de 538 euros pour la période de janvier à mars 2019. M. B... se pourvoit en cassation contre le jugement du 25 avril 2023 du tribunal administratif de Lyon en tant qu'il a rejeté ses demandes tendant à l'annulation des deux décisions implicites, d'une part, du président de la Métropole de Lyon, d'autre part, de la directrice de la caisse d'allocations familiales, ayant, sur son recours administratif préalable du 20 octobre 2021, confirmé la récupération, pour le premier, de l'indu de revenu de solidarité active et, pour la seconde, de l'indu d'allocation de logement sociale.

Sur le jugement attaqué, en tant qu'il porte sur l'indu de revenu de solidarité active :

2. L'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration dispose que : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : / (...) 3° (...) imposent des sujétions ; / (...) 8° Rejettent un recours administratif dont la présentation est obligatoire préalablement à tout recours contentieux en application d'une disposition législative ou réglementaire ". Aux termes de l'article L. 232-4 du même code : " Une décision implicite intervenue dans les cas où la décision explicite aurait dû être motivée n'est pas illégale du seul fait qu'elle n'est pas assortie de cette motivation. Toutefois, à la demande de l'intéressé, formulée dans les délais du recours contentieux, les motifs de toute décision implicite de rejet devront lui être communiqués dans le mois suivant cette demande. Dans ce cas, le délai du recours contentieux contre ladite décision est prorogé jusqu'à l'expiration de deux mois suivant le jour où les motifs lui auront été communiqués ".

3. Aux termes de la première phrase de l'article L. 262-47 du code de l'action sociale et des familles : " Toute réclamation dirigée contre une décision relative au revenu de solidarité active fait l'objet, préalablement à l'exercice d'un recours contentieux, d'un recours administratif auprès du président du conseil départemental ". Le second alinéa de l'article R. 262-89 du même code et le troisième alinéa de l'article R. 262-90 de ce code précisent que la décision par laquelle le président du conseil départemental statue, dans le délai de deux mois qui lui est imparti, sur le recours administratif qui lui a été adressé, est motivée, que la commission de recours amiable doive ou non en être saisie. En vertu de l'article L. 231-4 du code des relations entre le public et l'administration : " (...) le silence gardé par l'administration pendant deux mois vaut décision de rejet : / (...) 3° Si la demande présente un caractère financier sauf, en matière de sécurité sociale, dans les cas prévus par décret (...) ".

4. La décision par laquelle l'autorité administrative procède à la récupération des sommes indûment versées au titre de l'allocation de revenu de solidarité active est au nombre des décisions imposant une sujétion et doit, par suite, être motivée en application de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration. Il en va de même pour la décision par laquelle le président du conseil départemental rejette un recours administratif préalable obligatoire formé contre une telle décision.

5. Il résulte des dispositions citées au point 2 que, lorsqu'un tel recours préalable obligatoire fait l'objet d'une décision implicite de rejet, qui confirme la décision initiale et s'y substitue, cette décision se trouve entachée d'illégalité si son auteur n'en communique pas les motifs à l'intéressé dans le délai d'un mois qui suit la demande formée par ce dernier à cette fin dans le délai de recours contentieux.

6. Toutefois, si le silence gardé par le président du conseil départemental fait naître une décision implicite de rejet qui peut être déférée au juge administratif, une décision explicite de rejet intervenue postérieurement, y compris le cas échéant en cours d'instance et qu'elle fasse suite ou non à une demande de communication des motifs de la décision implicite présentée en application de l'article L. 232-4 du code des relations entre le public et l'administration, se substitue à la première décision prise implicitement par le président du conseil départemental sur le recours administratif qui lui a été adressé. Il en résulte que, dans une telle hypothèse, des conclusions contestant cette première décision doivent être regardées comme dirigées contre la seconde et que, dès lors, celle-ci ne peut être utilement contestée au motif que l'administration aurait méconnu ces dispositions en ne communiquant pas au requérant les motifs de sa décision implicite dans le délai d'un mois qu'elles lui impartissent.

7. Pour juger que M. B... ne pouvait en l'espèce utilement invoquer le moyen tiré du défaut de motivation de la décision implicite du président de la Métropole de Lyon ayant rejeté son recours préalable contre la décision d'indu de revenu de solidarité active, le tribunal s'est fondé sur la circonstance qu'il avait demandé les motifs de cette décision implicite au président de la Métropole de Lyon postérieurement à l'introduction de sa requête. M. B... est fondé à soutenir qu'en se fondant sur cette circonstance, qui était inopérante, sans rechercher si, à cette date, le délai de recours contentieux était expiré, et alors en outre que tel n'était pas le cas dès lors que ce délai avait été interrompu dans les conditions prévues par l'article 43 du décret du 28 décembre 2020 par la demande d'aide juridictionnelle présentée par l'intéressé au bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Lyon, le tribunal administratif de Lyon a commis une erreur de droit.

8. Par suite, M. B... est fondé à demander l'annulation du jugement qu'il attaque en tant qu'il porte sur l'indu de revenu de solidarité active.

Sur le jugement attaqué, en tant qu'il porte sur l'indu d'allocation de logement sociale :

9. L'article L. 825-2 du code de la construction et de l'habitation dispose que : " Les contestations des décisions prises en matière d'aides personnelles au logement (...) par les organismes payeurs doivent faire l'objet d'un recours administratif préalable devant l'organisme payeur qui en est l'auteur, selon des modalités fixés par voie réglementaire. " et l'article L. 825-3 de ce code que : " Le directeur de l'organisme payeur statue, dans des conditions fixées par voie réglementaire, sur : / 1° Les contestations des décisions prises par l'organisme payeur au titre des aides personnelles au logement (...) ". En application de ces dispositions, l'article R. 825-1 du même code subordonne l'introduction d'un recours contentieux dirigé contre des décisions prises par un organisme payeur en matière d'aides personnelles au logement à l'exercice préalable d'un recours administratif auprès de la commission de recours amiable prévue à l'article R. 142-1 du code de la sécurité sociale constituée auprès du conseil d'administration de l'organisme auteur de la décision contestée et l'article R. 825-2 prévoit que : " Le directeur de l'organisme payeur statue sur les recours administratifs mentionnés à l'article R. 825-1, après l'avis de la commission de recours amiable. Ses décisions sont motivées ".

10. Il résulte de ces dispositions que le recours administratif préalable de M. B... devait être soumis pour avis à la commission de recours amiable avant que la directrice de la caisse d'allocations familiales n'y statue. Par suite, en rejetant la demande de M. B... sans répondre au moyen opérant tiré de ce que son recours n'avait pas été soumis à la commission de recours amiable de la caisse d'allocations familiales du Rhône, le tribunal administratif de Lyon a entaché son jugement d'irrégularité.

11. Il en résulte que M. B... est fondé à demander pour ce motif l'annulation du jugement attaqué en tant qu'il se prononce sur l'indu d'allocation de logement sociale.

Sur les conclusions présentées au titre des frais de l'instance :

12. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de la caisse d'allocations familiales du Rhône, laquelle n'a été appelée à la cause, en application de l'article R. 825-4 du code de la construction et de l'habitation, que pour présenter, au nom de l'Etat, la défense de ce dernier dans la mesure où le pourvoi est dirigé contre le jugement en tant qu'il porte sur l'indu d'allocation de logement sociale et n'est présente à la cause, en tant qu'elle porte sur l'indu de revenu de solidarité active, qu'en qualité d'observateur.

D E C I D E :

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Article 1er : Le jugement du 25 avril 2023 du tribunal administratif de Lyon est annulé en tant qu'il porte sur les indus de revenu de solidarité active et d'allocation de logement sociale mis à la charge de M. B....

Article 2 : L'affaire est renvoyée dans cette mesure au tribunal administratif de Lyon.

Article 3 : Le surplus des conclusions du pourvoi est rejeté.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à M. A... B..., à la Métropole de Lyon et à la caisse d'allocations familiales du Rhône.

Délibéré à l'issue de la séance du 2 octobre 2024 où siégeaient : M. Jacques-Henri Stahl, président adjoint de la section du contentieux, présidant ; Mme Maud Vialettes, Mme Gaëlle Dumortier, présidentes de chambre ; M. Jean-Luc Nevache, M. Vincent Mazauric, M. Edouard Geffray, Mme Marie-Astrid Nicolazo de Barmon, conseillers d'Etat ; Mme Catherine Brouard Gallet, conseillère d'Etat en service extraordinaire et M. Jean-Luc Matt, maître des requêtes-rapporteur

Rendu le 16 octobre 2024.

Le président :

Signé : M. Jacques-Henri Stahl

Le rapporteur :

Signé : M. Jean-Luc Matt

La secrétaire :

Signé : Mme Paule Troly


Synthèse
Formation : 1ère - 4ème chambres réunies
Numéro d'arrêt : 488953
Date de la décision : 16/10/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 16 oct. 2024, n° 488953
Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Jean-Luc Matt
Rapporteur public ?: M. Mathieu Le Coq
Avocat(s) : SCP DELAMARRE, JEHANNIN ; SARL LE PRADO – GILBERT

Origine de la décision
Date de l'import : 20/10/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2024:488953.20241016
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