La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

14/10/2024 | FRANCE | N°488923

France | France, Conseil d'État, 2ème chambre, 14 octobre 2024, 488923


Vu la procédure suivante :



Par une requête sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 18 octobre 2023 et 5 janvier 2024 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. C... demande au Conseil d'Etat :



1°) d'annuler pour excès de pouvoir le décret du 22 août 2023 rapportant le décret du 30 avril 2021 lui accordant la nationalité française ;



2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.


<

br>



Vu les autres pièces du dossier ;



Vu :

- le code civil ...

Vu la procédure suivante :

Par une requête sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 18 octobre 2023 et 5 janvier 2024 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. C... demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir le décret du 22 août 2023 rapportant le décret du 30 avril 2021 lui accordant la nationalité française ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code civil ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Alexandre Trémolière, maître des requêtes en service extraordinaire,

- les conclusions de Mme Dorothée Pradines, rapporteure publique,

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Melka-Prigent-Drusch, avocat de M. A... ;

Considérant ce qui suit :

1. Aux termes de l'article 27-2 du code civil, dans leur rédaction applicable au présent litige : " Les décrets portant acquisition, naturalisation ou réintégration peuvent être rapportés sur avis conforme du Conseil d'Etat dans le délai de deux ans à compter de leur publication au Journal officiel si le requérant ne satisfait pas aux conditions légales ; si la décision a été obtenue par mensonge ou fraude, ces décrets peuvent être rapportés dans le délai de deux ans à partir de la découverte de la fraude ".

2. M. A..., ressortissant ivoirien, a déposé une demande de naturalisation, le 6 octobre 2019, par laquelle il a indiqué être célibataire et s'est engagé sur l'honneur à signaler tout changement dans sa situation personnelle et familiale. Au vu de ses déclarations, il a été naturalisé par décret du 30 avril 2021, publié au Journal officiel de la République française du 28 mai2021. Toutefois, par bordereau reçu le 15 septembre 2021, le ministre de l'Europe et des affaires étrangères a informé le ministre chargé des naturalisations que M. A... s'était marié le 12 janvier 2021 à Man (Côte d'Ivoire) avec Mme D... B..., ressortissante ivoirienne résidant habituellement dans son pays d'origine. Par décret du 22 août 2023, publié au Journal officiel du 24 août 2023, la Première ministre a rapporté le décret du 30 avril 2021 prononçant la naturalisation de M. A... au motif qu'il avait été pris sur la base d'informations mensongères délivrées par l'intéressé quant à sa situation familiale. M. A... demande l'annulation pour excès de pouvoir de ce décret.

3. En premier lieu, le délai de deux ans imparti par l'article 27-2 du code civil pour rapporter le décret de naturalisation a commencé à courir à la date à laquelle la réalité de la situation familiale de l'intéressé a été portée à la connaissance du ministre chargé des naturalisations. A cet égard, il ressort des pièces du dossier que les services du ministre chargé des naturalisations n'ont été informés de la réalité de la situation familiale du requérant que le 15 septembre 2021, date à laquelle ils ont reçu les documents relatifs au mariage de l'intéressé transmis par bordereau du ministère de l'Europe et des affaires étrangères, ainsi que l'atteste le tampon apposé sur ce bordereau. Dans ces conditions, le décret attaqué, qui a été signé le 22 août 2023, a été pris avant l'expiration du délai de deux ans prévu par les dispositions de l'article 27-2 du code civil.

4. En second lieu, l'article 21-16 du code civil dispose que : " Nul ne peut être naturalisé s'il n'a en France sa résidence au moment de la signature du décret de naturalisation ". Il résulte de ces dispositions que la demande de naturalisation n'est pas recevable lorsque l'intéressé n'a pas fixé en France de manière durable le centre de ses intérêts. Pour apprécier si cette condition est remplie, l'autorité administrative prend notamment en compte, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, la situation personnelle et familiale en France de l'intéressé à la date du décret lui accordant la nationalité française.

5. Il ressort des pièces du dossier que M. A... s'est uni avec Mme B..., ressortissante ivoirienne résidant habituellement en Côte d'ivoire, le 12 janvier 2021 à Man (Côte d'Ivoire). Cette union aurait dû être portée à la connaissance des services instruisant sa demande de naturalisation, comme l'intéressé s'y était engagé lors du dépôt de sa demande. La circonstance que le requérant ait adressé à l'Office français de l'immigration et de l'intégration une demande de regroupement familial pendant l'instruction de sa demande de naturalisation est sans incidence sur la qualification de fraude. L'intéressé, dont la maîtrise de la langue française est attestée par le compte-rendu d'assimilation du 20 août 2020 et par l'obtention de son certificat d'aptitude professionnelle de peintre en carrosserie en 2018, ne pouvait se méprendre ni sur la teneur des indications devant être portées à la connaissance de l'administration chargée d'instruire sa demande, ni sur la portée de la déclaration sur l'honneur qu'il a signée. Dans ces conditions, M. A... doit être regardé comme ayant volontairement dissimulé sa situation familiale. Par suite, en rapportant sa naturalisation, dans le délai de deux ans à compter de la découverte de la fraude, la Première ministre n'a pas fait une inexacte application des dispositions de l'article 27-2 du code civil.

6. Il résulte de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à demander l'annulation pour excès de pouvoir du décret du 22 août 2023 par lequel la Première ministre a rapporté le décret du 30 avril 2021. Ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent, en conséquence, qu'être rejetées.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. C... et au ministre de l'intérieur.

Délibéré à l'issue de la séance du 26 septembre 2024 où siégeaient : M. Nicolas Boulouis, président de chambre, présidant ; M. Jean-Yves Ollier, conseiller d'Etat et M. Alexandre Trémolière, maître des requêtes en service extraordinaire-rapporteur.

Rendu le 14 octobre 2024.

Le président :

Signé : M. Nicolas Boulouis

Le rapporteur :

Signé : M. Alexandre Trémolière

La secrétaire :

Signé : Mme Sandrine Mendy


Synthèse
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 488923
Date de la décision : 14/10/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 14 oct. 2024, n° 488923
Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Alexandre Trémolière
Rapporteur public ?: Mme Dorothée Pradines
Avocat(s) : SCP MELKA-PRIGENT-DRUSCH

Origine de la décision
Date de l'import : 17/10/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2024:488923.20241014
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award