Vu la procédure suivante :
M. D... B... A... a demandé à la Cour nationale du droit d'asile d'annuler la décision du 11 avril 2022 par laquelle le directeur général de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) a rejeté comme irrecevable sa demande d'asile et de lui reconnaître la qualité de réfugié ou, à défaut, de lui accorder le bénéfice de la protection subsidiaire.
Par une ordonnance n° 22024907 du 27 mars 2023, la Cour nationale du droit d'asile a rejeté sa demande.
Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 30 août et 29 novembre 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. B... A... demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler cette ordonnance ;
2°) de mettre à la charge de l'OFPRA la somme de 3 000 euros à verser à la SARL Le Prado-Gilbert, son avocat, au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention de Genève du 28 juillet 1951 et le protocole signé à New York le 31 janvier 1967 relatifs au statut des réfugiés ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Alexandre Trémolière, maître des requêtes en service extraordinaire,
- les conclusions de Mme Dorothée Pradines, rapporteure publique,
La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Le Prado-Gilbert, avocat de M. B... A... et à la SCP Foussard, Froger, avocat de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ;
Considérant ce qui suit :
1. Il ressort des pièces du dossier soumis à la Cour nationale du droit d'asile que, par une décision du 11 avril 2022, le directeur général de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) a rejeté comme irrecevable la demande de M. B... A..., de nationalité somalienne, tendant à ce que lui soit reconnue la qualité de réfugié ou, à défaut, accordé le bénéfice de la protection subsidiaire. M. B... A... se pourvoit en cassation contre l'ordonnance du 27 mars 2023 par laquelle la Cour nationale du droit d'asile a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision.
2. Aux termes de l'article L. 531-32 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'Office français de protection des réfugiés et apatrides peut prendre une décision d'irrecevabilité écrite et motivée, sans vérifier si les conditions d'octroi de l'asile sont réunies, dans les cas suivants : 1° Lorsque le demandeur bénéficie d'une protection effective au titre de l'asile dans un Etat membre de l'Union européenne ; (...) ". Il résulte de ces dispositions que lorsqu'une personne s'est vu reconnaître le bénéfice de la protection subsidiaire dans un Etat membre de l'Union européenne, sur le fondement de persécutions subies dans l'Etat dont elle a la nationalité, elle ne peut plus normalement, aussi longtemps que le bénéfice de cette protection lui est maintenu et effectivement garanti dans l'Etat qui lui a reconnu ce statut, revendiquer auprès d'un autre Etat membre le bénéfice d'une protection conventionnelle ou subsidiaire à raison de ces persécutions dès son entrée sur le territoire de cet Etat.
3. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que le dossier de demande d'asile de M. B... A... comportait différents documents faisant état de la protection accordée par les autorités italiennes à différentes personnes d'origine somalienne, parmi lesquelles ne figure pas M. B... A.... En se fondant sur ces documents pour estimer que l'intéressé avait obtenu en Italie le bénéfice de la protection subsidiaire et un titre de séjour à ce titre, en dépit des incohérences qui en ressortent quant à l'identité des bénéficiaires de cette protection qui y sont mentionnés, la Cour nationale du droit d'asile a dénaturé les pièces du dossier.
4. Si, dans son mémoire en défense, l'OFPRA soutient que M. B... A... bénéficie de la protection effective des autorités allemandes et sollicite la substitution de ce motif à celui retenu par la Cour nationale du droit d'asile, il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond qu'un tel motif, qui comporte en outre une appréciation des circonstances de fait, n'avait pas été invoqué devant eux. Cette circonstance fait obstacle à ce que ce motif soit substitué, par le juge de cassation, à ceux retenus par les juges du fond pour justifier le dispositif de la décision attaquée.
5. Il résulte de tout ce qui précède que la décision du 27 mars 2023 de la Cour nationale du droit d'asile doit être annulée.
6. M. B... A... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle. Par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a donc lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que la SARL Le Prado-Gilbert, avocat de M. B... A..., renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, de mettre à la charge de l'OFPRA la somme de 3 000 euros à verser à cette société.
D E C I D E :
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Article 1er : La décision de la Cour nationale du droit d'asile du 27 mars 2023 est annulée.
Article 2 : L'affaire est renvoyée à la Cour nationale du droit d'asile.
Article 3 : L'OFPRA versera à la SARL Le Prado-Gilbert, avocat de M. B... A..., une somme de 3 000 euros en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve qu'elle renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à M. C... A... et à l'Office français de protection des réfugiés et apatrides.
Délibéré à l'issue de la séance du 26 septembre 2024 où siégeaient : M. Nicolas Boulouis, président de chambre, présidant ; M. Jean-Yves Ollier, conseiller d'Etat et M. Alexandre Trémolière, maître des requêtes en service extraordinaire-rapporteur.
Rendu le 14 octobre 2024.
Le président :
Signé : M. Nicolas Boulouis
Le rapporteur :
Signé : M. Alexandre Trémolière
La secrétaire :
Signé : Mme Sandrine Mendy