Vu la procédure suivante :
Par une requête sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 14 septembre et 13 décembre 2023 et 10 septembre 2024 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la commune de Sausset-les-Pins (Bouches-du-Rhône) demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler pour excès de pouvoir le décret n° 2023-601 du 13 juillet 2023 pris pour l'application du III de l'article L. 302-5 du code de la construction et de l'habitation, en tant qu'il ne la fait pas figurer au nombre des communes exemptées, au titre de la période triennale 2023 à 2025, des obligations en matière de logements sociaux, résultant du code de la construction et de l'habitation ;
2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de la construction et de l'habitation ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Carole Hentzgen, auditrice,
- les conclusions de M. Florian Roussel, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Boré, Salve de Bruneton, Mégret, avocat de la commune de Sausset-les-Pins.
Considérant ce qui suit :
1. La section 2 du chapitre II du titre préliminaire du livre III du code de la construction et de l'habitation précise les obligations relatives aux logements sociaux applicables aux communes qu'il détermine. Aux termes du III de l'article L. 302-5 de ce code, dans sa rédaction issue de la loi du 21 février 2022 relative à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l'action publique locale : " Un décret fixe, au moins au début de chacune des périodes triennales mentionnées au I de l'article L. 302-8, la liste des communes appartenant aux agglomérations ou aux établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre mentionnés au I du présent article, pour lesquelles la présente section n'est pas applicable. " La commune de Sausset-les-Pins demande l'annulation pour excès de pouvoir du décret du 13 juillet 2023 pris en application de ces dispositions en tant qu'il ne la mentionne pas dans la liste des communes exemptées.
Sur la légalité externe :
2. Aux termes du deuxième alinéa du III de l'article L. 302-5 du code de la construction et de l'habitation, la liste des communes exemptées de leurs obligations relatives aux logements sociaux " est arrêtée sur proposition des établissements publics de coopération intercommunale dont elles sont membres, après avis du représentant de l'Etat dans le département et dans la région et de la commission nationale mentionnée à l'article L. 302-9-1-1 ". Il ressort des pièces du dossier, contrairement à ce qui est soutenu, que le préfet du département des Bouches-du-Rhône, préfet de la région Provence-Alpes-Côte d'Azur, a émis un avis sur la situation de la commune de Sausset-les-Pins. Ainsi, le moyen tiré du défaut de recueil de cet avis manque en fait.
Sur la légalité interne :
3. Aux termes du IV de l'article R. 302-14 du code de la construction et de l'habitation : " Pour l'application du III de l'article L. 302-5, la liste des communes exemptées de l'application de la section II du chapitre II du titre préliminaire du livre III de la partie législative ne peut porter que sur : / 1° Les communes qui ne sont pas situées dans une agglomération de plus de 30 000 habitants et dont l'isolement ou les difficultés d'accès aux bassins de vie et d'emplois environnants les rendent faiblement attractives, définies dans les conditions précisées à l'article R. 302-14-1 ; (...) ". Les dispositions de l'article R. 302-14-1 du même code précisent les notions d'isolement et de difficultés d'accès aux bassins de vie et d'emplois, ainsi que les indicateurs permettant d'apprécier la faible attractivité en résultant : " (...) La situation d'isolement et les difficultés d'accès d'une commune aux bassins de vie et d'emplois environnants sont établies au vu des temps de transport nécessaires pour atteindre, depuis cette commune, l'un des pôles de centralité définis à l'alinéa précédent. Ces temps de transport sont appréciés en tenant compte, notamment, des services de transports en commun. / La faible attractivité d'une commune résultant de son isolement ou de ses difficultés d'accès aux bassins de vie et d'emplois environnants est appréciée au regard des indicateurs suivants : / 1° Le taux d'évolution de la population sur une période de cinq ans calculé à partir de la population municipale, au sens de l'article R. 2151-1 du code général des collectivités territoriales ; / 2° Le taux de tension sur le logement locatif social, tel que défini au 2° du III de l'article L. 302-5 ; / 3° Le taux de vacance structurelle, entendu comme le nombre de logements du parc privé vacants depuis deux ans ou plus dans une commune, rapporté au nombre de logements du parc privé dans la commune ; / 4° Le dynamisme de la construction, apprécié en fonction de la moyenne des logements autorisés pour 1000 habitants de la commune au cours, au minimum, des trois dernières années ; / 5° L'indice de concentration de l'emploi, entendu comme le nombre total d'emplois proposés sur un territoire par rapport au nombre d'actifs occupés qui y résident. (...) "
4. En premier lieu, en vertu des dispositions du 1° du IV de l'article R. 302-14 du code de la construction et de l'habitation précédemment citées, peuvent être exemptées des obligations en matière de logements sociaux les communes qui remplissent certaines conditions, notamment celles qui sont situées hors d'une agglomération de plus de 30 000 habitants et qui sont faiblement attractives et insuffisamment reliées aux bassins d'activités et d'emplois par le réseau de transports en commun. Ces dispositions se bornent à définir les conditions auxquelles doivent répondre les communes susceptibles d'être exemptées des obligations, sans prévoir l'application de plein droit de cette exemption aux communes éligibles. Parmi les communes ainsi éligibles, il appartenait à l'auteur du décret attaqué de déterminer celles qu'il entendait exempter des obligations en matière de logement social au regard de l'ensemble des intérêts publics en cause et en tenant compte des circonstances locales relevées par les représentants de l'Etat dans les régions. Parmi les critères susceptibles d'être pris en compte figurent, comme précisé par les dispositions de l'article R. 302-14-1 du code de la construction et de l'habitation citées au point précédent et rappelé par la commission nationale compétente dans son avis rendu le 26 juin 2023, le taux de tension sur le logement locatif social, le dynamisme de la construction, le taux de vacance structurelle des logements du parc privé, l'indice de concentration de l'emploi, le taux d'évolution de la population municipale et le temps de transport nécessaire pour atteindre la commune du territoire concentrant l'essentiel de l'activité, des emplois ou des services.
5. La commune de Sausset-les-Pins soutient remplir les deux conditions d'éligibilité relatives à l'isolement et à la faible attractivité auxquelles les dispositions du III de l'article L. 302-5 subordonnent l'application de l'exemption prévue à l'article L. 302-5 du code de la construction et de l'habitation. Il résulte toutefois de ce qui a été dit ci-dessus que la seule circonstance que la commune remplirait ces deux conditions n'imposait pas son exemption. S'il n'est pas contesté que la commune requérante présente une évolution démographique légèrement négative, une concentration contenue de l'emploi et un temps de trajet en transport en commun compris entre quarante minutes et une heure pour accéder à Marseille, l'une des principales zones d'emploi du territoire, ces seules circonstances ne sont pas de nature à démontrer un déficit d'attractivité de la commune qui par ailleurs fait état de très peu de logements vacants. Il ne ressort pas davantage des pièces du dossier que l'auteur du décret attaqué qui a, ainsi qu'il résulte en particulier de l'avis rendu par la commission nationale compétente, pris en considération les éléments mentionnés au point précédent, notamment la forte demande de logement social et le dynamisme observé de la construction sur son territoire, aurait entaché son appréciation d'une erreur manifeste en s'abstenant de retenir la commune de Sausset-les-Pins parmi les communes exemptées.
6. En second lieu, aux termes du III bis de l'article L. 302-5 du code de la construction et de l'habitation, peuvent être exemptées les communes " dont plus de la moitié du territoire urbanisé est soumise à une interdiction de construire des bâtiments à usage d'habitation ". Or, ces dispositions ne sauraient être utilement invoquées par la requérante dès lors qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que plus de la moitié de son territoire urbanisé est soumise à une interdiction de construire des bâtiments à usage d'habitation.
7. Il résulte de ce qui précède que la commune de Sausset-les-Pins n'est pas fondée à demander l'annulation du décret qu'elle attaque en tant qu'il n'a pas fait application de l'article L. 302-5 du code de la construction et de l'habitation pour l'exempter des obligations en matière de logement social. Sa requête doit, par suite, être rejetée, y compris les conclusions qu'elle présente au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D E C I D E :
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Article 1er : La requête de la commune de Sausset-les-Pins est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à la commune de Sausset-les-Pins, au Premier ministre et à la ministre du logement et de la rénovation urbaine.
Délibéré à l'issue de la séance du 12 septembre 2024 où siégeaient : M. Jean-Philippe Mochon, président de chambre, présidant ; M. Alain Seban, conseiller d'Etat et Mme Carole Hentzgen, auditrice-rapporteure.
Rendu le 8 octobre 2024.
Le président :
Signé : M. Jean-Philippe Mochon
La rapporteure :
Signé : Mme Carole Hentzgen
La secrétaire :
Signé : Mme Nathalie Pilet