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01/10/2024 | FRANCE | N°490044

France | France, Conseil d'État, 2ème - 7ème chambres réunies, 01 octobre 2024, 490044


Vu la procédure suivante :



L'association Mobilité réduite Sud Seine-et-Marne a demandé au tribunal administratif de Melun d'annuler la décision du 22 janvier 2019 par laquelle le syndicat intercommunal des Maisons du Bornage (SIMB) a refusé de rendre la passerelle franchissant le Loing et reliant les communes de Saint-Mammès et de Moret-Loing-et-Orvanne conforme aux prescriptions relatives à l'accès aux personnes handicapées et à mobilité réduite, d'enjoindre au SIMB de prendre, dans le délai de six mois à compter du jugement, sous astreinte de 100 e

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Vu la procédure suivante :

L'association Mobilité réduite Sud Seine-et-Marne a demandé au tribunal administratif de Melun d'annuler la décision du 22 janvier 2019 par laquelle le syndicat intercommunal des Maisons du Bornage (SIMB) a refusé de rendre la passerelle franchissant le Loing et reliant les communes de Saint-Mammès et de Moret-Loing-et-Orvanne conforme aux prescriptions relatives à l'accès aux personnes handicapées et à mobilité réduite, d'enjoindre au SIMB de prendre, dans le délai de six mois à compter du jugement, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, toute mesure utile pour mettre fin à l'aménagement irrégulier de la passerelle et de condamner le SIMB à lui verser la somme de 8 000 euros en réparation du préjudice moral subi.

Par un jugement n° 19902634 du 23 décembre 2022, le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande.

Par un arrêt n° 23PA00771 du 19 octobre 2023, la cour administrative d'appel de Paris, sur appel de l'association Mobilité réduite Sud Seine-et-Marne, a annulé ce jugement et la décision du 22 janvier 2019, enjoint au SIMB de procéder, dans un délai de six mois, aux travaux et aménagements de la passerelle afin de la rendre conforme aux prescriptions en vigueur et condamné le SIMB à verser 500 euros à l'association en réparation du préjudice moral subi.

Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 11 décembre 2023 et 12 février et 4 septembre 2024 au secrétariat du Conseil d'Etat, le SIMB demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) réglant l'affaire au fond, de rejeter l'appel de l'association Mobilité réduite Sud Seine-et-Marne ;

3°) de mettre à la charge de l'association la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de la route ;

- la loi n° 91-663 du 13 juillet 1991 ;

- la loi n° 2005-102 du 11 février 2005 ;

- le décret n° 2006-1657 du 21 décembre 2006 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Christophe Pourreau, conseiller d'Etat,

- les conclusions de Mme Dorothée Pradines, rapporteure publique,

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Marlange, de La Burgade, avocat du syndicat intercommunal des maisons du bornage et à la SCP Sevaux, Mathonnet, avocat de l'association Mobilité réduite Sud Seine-et-Marne ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que le syndicat intercommunal à vocation unique des Maisons du Bornage (SIMB) a fait réaliser une passerelle franchissant le Loing et permettant aux piétons de se déplacer entre la commune de Saint-Mammès et celle de Moret-Loing-et-Orvanne. Par un jugement du 23 décembre 2022, le tribunal administratif de Melun a rejeté la demande de l'association Mobilité réduite Sud Seine-et-Marne tendant à l'annulation de la décision du 22 janvier 2019 du président du SIMB rejetant sa demande de mise en conformité de cette passerelle avec la réglementation relative à l'accès aux personnes handicapées et à mobilité réduite, à ce qu'il soit enjoint, sous astreinte, au syndicat intercommunal de prendre toute mesure utile afin de mettre fin à l'aménagement irrégulier de la passerelle et à ce que ce syndicat soit condamné à l'indemniser du préjudice subi. Par un arrêt du 19 octobre 2023, contre lequel le SIMB se pourvoit en cassation, la cour administrative d'appel de Paris a annulé ce jugement et la décision du 22 janvier 2019, enjoint au SIMB de procéder, dans un délai de six mois, aux travaux et aménagements de la passerelle afin de la rendre conforme aux prescriptions en vigueur et condamné le syndicat à verser 500 euros à l'association Mobilité réduite Sud Seine-et-Marne en réparation de son préjudice moral.

2. D'une part, aux termes de l'article 2 de la loi du 13 juillet 1991 portant diverses mesures destinées à favoriser l'accessibilité aux personnes handicapées des locaux d'habitation, des lieux de travail et des installations recevant du public : " La voirie publique ou privée ouverte à la circulation publique doit être aménagée pour permettre l'accessibilité des personnes handicapées selon des prescriptions techniques fixées par décret conformément aux articles L. 131-2 et L. 141-7 du code de la voirie routière ". Aux termes de l'article 45 de la loi du 11 février 2005 pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées : " I. - La chaîne du déplacement, qui comprend le cadre bâti, la voirie, les aménagements des espaces publics, les systèmes de transport et leur intermodalité, est organisée pour permettre son accessibilité dans sa totalité aux personnes handicapées ou à mobilité réduite (...) ". Aux termes de l'article 1er du décret du 21 décembre 2006 relatif à l'accessibilité de la voirie et des espaces publics : " A compter du 1er juillet 2007, l'aménagement, en agglomération, des espaces publics et de l'ensemble de la voirie ouverte à la circulation publique et, hors agglomération, des zones de stationnement, des emplacements d'arrêt des véhicules de transport en commun et des postes d'appel d'urgence est réalisé de manière à permettre l'accessibilité de ces voiries et espaces publics aux personnes handicapées ou à mobilité réduite avec la plus grande autonomie possible. / Ces dispositions sont applicables à l'occasion de la réalisation de voies nouvelles, d'aménagements ou de travaux ayant pour effet de modifier la structure des voies ou d'en changer l'assiette ou de travaux de réaménagement, de réhabilitation ou de réfection des voies, des cheminements existants ou des espaces publics, que ceux-ci soient ou non réalisés dans le cadre d'un projet de mise en accessibilité de la voirie et des espaces publics ".

3. D'autre part, aux termes de l'article R. 110-2 du code de la route, une agglomération s'entend d'un " espace sur lequel sont groupés des immeubles bâtis rapprochés et dont l'entrée et la sortie sont signalées par des panneaux placés à cet effet le long de la route qui le traverse ou qui le borde ". Aux termes de l'article R. 411-2 du même code : " Les limites des agglomérations sont fixées par arrêté du maire ".

4. Il résulte des dispositions législatives citées au point 2 un objectif d'accessibilité de la voirie, des aménagements des espaces publics et des transports visant notamment à faciliter le déplacement des personnes en situation de handicap. A cet effet, l'article 1er du décret du 21 décembre 2006 impose aux autorités compétentes de procéder, dans les conditions qu'il définit, à la mise en accessibilité, en agglomération, de la voirie ouverte à la circulation publique et des espaces publics et, hors agglomération, des zones de stationnement, des emplacements d'arrêt des véhicules de transport en commun et des postes d'appel d'urgence. Pour l'application de ces dispositions, la notion d'agglomération doit, au regard de leur objet, être déterminée par référence à celle définie par les articles R. 110-2 et R. 411-2 du code de la route. Par suite, en écartant, pour leur mise en œuvre, la définition de l'agglomération résultant du code de la route au profit d'une définition spécifique, inspirée de celle donnée par l'Institut national de la statistique et des études économiques, la cour administrative d'appel de Paris a commis une erreur de droit.

5. Il résulte de ce qui précède que, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens du pourvoi, le SIMB est fondé à demander l'annulation de l'arrêt qu'il attaque.

6. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par le SIMB au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Ces dispositions font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge du SIMB qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Paris du 19 octobre 2023 est annulé.

Article 2 : L'affaire est renvoyée à la cour administrative d'appel de Paris.

Article 3 : Les conclusions présentées par les parties au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : La présente décision sera notifiée au syndicat intercommunal des Maisons du Bornage et à l'association Mobilité réduite Sud Seine-et-Marne.

Copie en sera adressée à la ministre de la transition écologique, de l'énergie, du climat et de la prévention des risques.

Délibéré à l'issue de la séance du 12 septembre 2024 où siégeaient : M. Jacques-Henri Stahl, président adjoint de la section du contentieux, présidant ; M. Nicolas Boulouis, M. Olivier Japiot, présidents de chambre ; Mme Anne Courrèges, M. Géraud Sajust de Bergues, M. Gilles Pellissier, M. Jean-Yves Ollier, M. Frédéric Gueudar Delahaye, conseillers d'Etat et M. Christophe Pourreau, conseiller d'Etat-rapporteur.

Rendu le 1er octobre 2024.

Le président :

Signé : M. Jacques-Henri Stahl

Le rapporteur :

Signé : M. Christophe Pourreau

La secrétaire :

Signé : Mme Eliane Evrard


Synthèse
Formation : 2ème - 7ème chambres réunies
Numéro d'arrêt : 490044
Date de la décision : 01/10/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

71-02-04 VOIRIE. - RÉGIME JURIDIQUE DE LA VOIRIE. - DROITS ET OBLIGATIONS DES RIVERAINS ET USAGERS. - OBJECTIF DE MISE EN ACCESSIBILITÉ EN AGGLOMÉRATION À DESTINATION DES PERSONNES HANDICAPÉES – NOTION « D’AGGLOMÉRATION » – DÉTERMINATION PAR RÉFÉRENCE AU CODE DE LA ROUTE.

71-02-04 Il résulte de l’article 2 de la loi n° 91-663 du 13 juillet 1991 et de l’article 45 de la loi n° 2005-102 du 11 février 2005 un objectif d’accessibilité de la voirie, des aménagements des espaces publics et des transports visant notamment à faciliter le déplacement des personnes en situation de handicap. A cet effet, l’article 1er du décret n° 2006-1657 du 21 décembre 2006 impose aux autorités compétentes de procéder, dans les conditions qu’il définit, à la mise en accessibilité, en agglomération, de la voirie ouverte à la circulation publique et des espaces publics et, hors agglomération, des zones de stationnement, des emplacements d’arrêt des véhicules de transport en commun et des postes d’appel d’urgence. Pour l’application de ces dispositions, la notion d’agglomération doit, au regard de leur objet, être déterminée par référence à celle définie par les articles R. 110-2 et R. 411-2 du code de la route.


Publications
Proposition de citation : CE, 01 oct. 2024, n° 490044
Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Christophe Pourreau
Rapporteur public ?: Mme Dorothée Pradines
Avocat(s) : SCP MARLANGE, DE LA BURGADE ; SCP SEVAUX, MATHONNET

Origine de la décision
Date de l'import : 06/10/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2024:490044.20241001
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