Vu la procédure suivante :
M. A... C... a demandé au tribunal administratif de Besançon d'annuler la décision du 15 juin 2018 par laquelle le président directeur général du Centre national de la recherche scientifique (CNRS) a refusé de reconnaître l'imputabilité au service de sa maladie, ainsi que la décision implicite de rejet de son recours gracieux, et d'enjoindre au président directeur général du CNRS de reconnaître le caractère professionnel de sa maladie. Par un jugement n° 1802058 du 25 juin 2020, le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa requête.
Par un arrêt n° 20NC02192 du 9 juin 2022, la cour administrative d'appel de Nancy a rejeté l'appel formé par M. C... contre ce jugement.
Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 4 août et 20 octobre 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. C... demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler cet arrêt ;
2°) de mettre à la charge du CNRS une somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;
- le décret n° 86-442 du 14 mars 1986 ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Nicolas Jau, auditeur,
- les conclusions de Mme Marie-Gabrielle Merloz, rapporteure publique ;
La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SARL Le Prado - Gilbert, avocat de M. A... C... et à la SARL Meier-Bourdeau, Lecuyer et associés, avocat du Centre national de la recherche scientifique ;
Considérant ce qui suit :
1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M. A... C..., ingénieur de recherche affecté au laboratoire de mathématiques du centre national de la recherche scientifique (CNRS) de Besançon, a été placé en arrêt de travail à compter du 9 février 2017. Le 1er juin 2017, il a demandé que son état dépressif soit reconnu imputable au service. Le 1er juin 2018, la commission de réforme a émis un avis défavorable à cette demande. Par une décision du 15 juin 2018, le président directeur général du CNRS a rejeté la demande d'imputabilité au service présentée par M. C.... Ce dernier a formé, le 24 juillet 2018, un recours gracieux contre cette décision, qui a été implicitement rejeté. Par un jugement du 25 juin 2020, le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces décisions. M. C... se pourvoit en cassation contre l'arrêt de la cour administrative d'appel de Nancy du 9 juin 2022 rejetant son appel formé contre ce jugement.
2. D'une part, aux termes de l'article 34 de la loi du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat, dans sa rédaction applicable au litige : " Le fonctionnaire en activité a droit : (...) 2° A des congés de maladie dont la durée totale peut atteindre un an pendant une période de douze mois consécutifs en cas de maladie dûment constatée mettant l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions (...) Toutefois, si la maladie provient de l'une des causes exceptionnelles prévues à l'article L. 27 du code des pensions civiles et militaires de retraite ou d'un accident survenu dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions, le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre son service ou jusqu'à mise à la retraite. (...) / 3° A des congés de longue maladie d'une durée maximale de trois ans dans les cas où il est constaté que la maladie met l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions, rend nécessaire un traitement et des soins prolongés et qu'elle présente un caractère invalidant et de gravité confirmée. (...) / Les dispositions du deuxième alinéa du 2° du présent article sont applicables au congé de longue maladie. (...) / 4° A un congé de longue durée, en cas de tuberculose, maladie mentale, affection cancéreuse, poliomyélite ou déficit immunitaire grave et acquis, de trois ans à plein traitement et de deux ans à demi-traitement. (...) ". D'autre part, aux termes de l'article 10 du décret du 14 mars 1986 relatif à la désignation des médecins agréés, à l'organisation des comités médicaux et des commissions de réforme, aux conditions d'aptitude physique pour l'admission aux emplois publics et au régime de congés de maladie des fonctionnaires, qui régit la situation des fonctionnaires de l'Etat, dans sa rédaction applicable au litige : " Il est institué auprès de l'administration centrale de chaque département ministériel, une commission de réforme ministérielle (...) composée comme suit : / (...) / 4. Les membres du comité médical prévu à l'article 5 du présent décret. / (...) ". Le deuxième alinéa de l'article 5 de ce même décret, qui précise la composition du comité médical ministériel, prévoit que celui-ci comprend " deux praticiens de médecine générale, auxquels est adjoint, pour l'examen des cas relevant de sa qualification, un spécialiste de l'affection pour laquelle est demandé le bénéfice du congé de longue maladie ou de longue durée prévu à l'article 34 (3e et 4e) de la loi du 11 janvier 1984 susvisée ". Aux termes de l'article 11 de ce même décret : " Par décision du ministre compétent, un comité médical et une commission de réforme peuvent être institués auprès d'un établissement public si l'importance des effectifs le justifie ". Aux termes de son article 13 : " La commission de réforme est consultée notamment sur : / 1. L'application des dispositions du deuxième alinéa des 2° et 3° de l'article 34 de la loi du 11 janvier 1984 susvisée ; / (...) ". Enfin, aux termes de l'article 19 de ce même décret, dans sa rédaction applicable au litige : " La commission de réforme ne peut délibérer valablement que si la majorité absolue des membres en exercice assiste à la séance ; un praticien de médecine générale ou le spécialiste compétent pour l'affection considérée doit participer à la délibération. / Les avis sont émis à la majorité des membres présents. / Lorsqu'un médecin spécialiste participe à la délibération conjointement avec les deux praticiens de médecine générale, l'un de ces deux derniers s'abstient en cas de vote. / La commission de réforme doit être saisie de tous témoignages rapports et constatations propres à éclairer son avis. / Elle peut faire procéder à toutes mesures d'instruction, enquêtes et expertises qu'elle estime nécessaires. / (...) ".
3. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la commission de réforme, qui s'est prononcée le 1er juin 2018 sur la situation de M. C..., n'était pas saisie d'une demande tendant au bénéficie d'un congé de longue maladie ou de longue durée. Dès lors, ainsi qu'il résulte de la combinaison des dispositions citées au point précédent, alors en vigueur, elle pouvait légalement délibérer sans que participe à la délibération un médecin spécialiste de l'affection en cause. Ce motif, qui repose sur des faits constants, suffit pour écarter le moyen d'appel tiré de ce que, faute de cette participation, l'avis de la commission de réforme était irrégulier. Il y a lieu, en tout état de cause, de le substituer à celui retenu par la cour sur ce point. Par suite, le moyen tiré de ce que la cour aurait commis une erreur de droit en jugeant que M. C... n'avait été privé d'aucune garantie de ce fait doit être écarté.
4. En deuxième lieu, si le requérant soutient que la cour administrative d'appel a commis une erreur de droit en jugeant que l'absence de communication à la commission de réforme du rapport d'expertise réalisé par le docteur B... le 25 avril 2018 ne l'avait pas privé de la garantie tenant à ce que la commission de réforme soit suffisamment éclairée sur sa pathologie, il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la commission de réforme disposait, à cette fin, d'un certificat médical rédigé par le médecin psychiatre qu'il consulte régulièrement et d'un rapport d'expertise récent établi par un psychiatre l'ayant examiné en février 2018. En en déduisant que la commission était suffisamment éclairée pour se prononcer, la cour n'a pas commis d'erreur de droit.
5. En dernier lieu, une maladie contractée par un fonctionnaire, ou son aggravation, doit être regardée comme imputable au service si elle présente un lien direct avec l'exercice des fonctions ou avec des conditions de travail de nature à susciter le développement de la maladie en cause, sauf à ce qu'un fait personnel de l'agent ou toute autre circonstance particulière conduisent à détacher la survenance ou l'aggravation de la maladie du service.
6. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, d'une part, si les méthodes d'encadrement du directeur du laboratoire de mathématiques où le requérant était affecté ont pu entraîner des tensions relationnelles au sein de ce laboratoire au cours de l'année 2013, ce directeur a démissionné en janvier 2014, d'autre part, les conditions de travail de M. C... au cours des années suivantes n'étaient pas de nature à susciter le développement d'un syndrome dépressif, enfin, la maladie du requérant est apparue le lendemain de l'entretien du 8 février 2017 au cours duquel il a été informé qu'une procédure disciplinaire allait être engagée à son encontre, sans qu'il ne soit établi ni même allégué que la directrice régionale aurait alors tenu des propos excédant l'exercice normal de son pouvoir hiérarchique. En en déduisant que cette maladie n'était pas imputable au service, la cour n'a pas inexactement qualifié les faits.
7. Il résulte de ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à demander l'annulation de l'arrêt qu'il attaque. Ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent, par suite, qu'être rejetées. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre à la charge de M. C... la somme que le CNRS demande au titre de ce même article.
D E C I D E :
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Article 1er : Le pourvoi de M. C... est rejeté.
Article 2 : Les conclusions présentées par le CNRS au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à M. A... C... et au Centre national de la recherche scientifique (CNRS).
Délibéré à l'issue de la séance du 13 septembre 2024 où siégeaient : M. Stéphane Verclytte, président de chambre, présidant ; M. Philippe Ranquet, conseiller d'Etat et M. Nicolas Jau, auditeur-rapporteur.
Rendu le 25 septembre 2024.
Le président :
Signé : M. Stéphane Verclytte
Le rapporteur :
Signé : M. Nicolas Jau
La secrétaire :
Signé : Mme Nathalie Martinez-Casanova