Vu la procédure suivante :
M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 30 mars 2022 par lequel le préfet de police de Paris l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.
Par un jugement n° 2206255 du 11 octobre 2022, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté cette demande.
Par une ordonnance n° 23PA00436 du 20 février 2023, le président de la 8ème chambre de la cour administrative d'appel de Paris a rejeté comme tardif l'appel formé par M. A... contre ce jugement.
Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 26 juillet et 23 octobre 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. A... demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler cette ordonnance ;
2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros à verser à la SCP Fabiani, Luc-Thaler, Pinatel, au titre des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Antoine Berger, auditeur,
- les conclusions de M. Nicolas Agnoux, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Fabiani, Luc-Thaler, Pinatel, avocat de M. A... ;
Considérant ce qui suit :
1. Par un arrêté du 30 mars 2022, le préfet de police a prononcé à l'encontre de M. A..., de nationalité ivoirienne, une obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. Par un jugement du 11 octobre 2022, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté la demande de M. A... tendant à l'annulation pour excès de pouvoir de cet arrêté et à ce qu'il soit enjoint au préfet de police de réexaminer sa situation dans un délai de deux mois sous astreinte de 100 euros par jour de retard et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour lui permettant de travailler pendant la durée de ce réexamen. Par une ordonnance du 20 février 2023, prise sur le fondement de l'article R. 222-1 du code de justice administrative, le président de la 8ème chambre de la cour administrative d'appel de Paris a rejeté sa requête comme tardive. M. A... demande l'annulation de cette ordonnance.
2. Aux termes de l'article R. 776-9 du code de justice administrative, relatif aux appels dirigés contre les jugements statuant sur les demandes tendant à l'annulation des obligations de quitter le territoire français et aux décisions relatives au séjour qu'elles accompagnent : " Le délai d'appel est d'un mois. Il court à compter du jour où le jugement a été notifié à la partie intéressée. Cette notification mentionne la possibilité de faire appel et le délai dans lequel cette voie de recours peut être exercée ".
3. Il ressort des pièces du dossier que pour rejeter comme tardive la requête d'appel formée par M. A... le 31 janvier 2023, le président de la 8ème chambre de la cour administrative d'appel de Paris s'est fondé sur la circonstance que la demande d'aide juridictionnelle qu'il avait présentée le 22 novembre 2022 n'avait pu interrompre le délai de recours, dès lors qu'elle était intervenue plus d'un mois après la date du 13 octobre 2022, regardée comme celle à laquelle M. A... avait reçu notification du jugement.
4. En cas de notification par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, lorsque le pli, présenté au domicile du destinataire en l'absence de celui-ci puis mis en instance au bureau de poste, y est retiré par le destinataire avant l'expiration du délai au terme duquel un pli non réclamé est renvoyé à l'expéditeur, la notification est réputée accomplie à la date de ce retrait.
5. Il ressort des pièces du dossier soumis au président de la 8ème chambre de la cour administrative d'appel de Paris que l'ordonnance attaquée a été prise au vu d'un accusé de réception signé par M. A..., mentionnant que le pli recommandé avait été présenté à son domicile le 13 octobre 2022 mais ne précisant pas la date à laquelle il lui avait été remis. Pour rejeter comme tardive la requête dont il était saisi, l'auteur de l'ordonnance attaquée a implicitement estimé que le pli avait été remis le jour de sa présentation, ce que contestait M. A... dans ses écritures devant la cour. En statuant ainsi, le président de la 8ème chambre de la cour administrative d'appel de Paris a commis une erreur de droit. L'ordonnance attaquée doit, par suite, être annulée.
6. M. A... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle. Par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que la SCP Fabiani, Luc-Thaler, Pinatel, avocat de M. A..., renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros à verser à cette société.
D E C I D E :
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Article 1er : L'ordonnance du 20 février 2023 du président de la 8ème chambre de la cour administrative d'appel de Paris est annulée.
Article 2 : L'affaire est renvoyée à la cour administrative d'appel de Paris.
Article 3 : L'Etat versera à la SCP Fabiani, Luc-Thaler, Pinatel, avocat de M. A..., une somme de 3 000 euros, en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que cette société renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à M. B... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Délibéré à l'issue de la séance du 15 juillet 2024 où siégeaient : Mme Isabelle de Silva, présidente de chambre, présidant ; M. Cyril Roger-Lacan, conseiller d'Etat et M. Antoine Berger, auditeur-rapporteur.
Rendu le 9 septembre 2024.
La présidente :
Signé : Mme Isabelle de Silva
Le rapporteur :
Signé : M. Antoine Berger
La secrétaire :
Signé : Mme Angélique Rajaonarivelo