Vu la procédure suivante :
Par une requête enregistrée le 14 mars 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. B... A... demande au Conseil d'Etat d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 23 janvier 2023 par laquelle le Conseil national de l'ordre des pharmaciens a refusé de l'inscrire au tableau de la section D de l'ordre.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la directive 2004/38/CE du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2004 relative au droit des citoyens de l'Union et des membres de leurs familles de circuler et de séjourner librement sur le territoire des Etats membres ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de la santé publique ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Amel Hafid, maîtresse des requêtes en service extraordinaire,
- les conclusions de M. Maxime Boutron, rapporteur public.
La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Célice, Texidor, Perier, avocat du Conseil national de l'ordre des pharmaciens.
Considérant ce qui suit :
1. Il ressort des pièces du dossier que M. A..., ressortissant algérien, titulaire d'un diplôme en pharmacie délivré en décembre 2021 par une université roumaine, a sollicité son inscription au tableau de la section D de l'ordre des pharmaciens pour exercer en qualité de pharmacien adjoint au sein d'une officine. Par une décision du 16 septembre 2022, le bureau du conseil central de la section D a rejeté sa demande. Sur recours formé par M. A..., le Conseil national de l'ordre des pharmaciens, par une décision du 23 janvier 2023 dont M. A... demande l'annulation pour excès de pouvoir, a refusé de l'inscrire au tableau de la section D de l'ordre.
2. D'une part, aux termes de l'article L. 4221-1 du code de la santé publique : " Nul ne peut exercer la profession de pharmacien (...) s'il ne réunit les conditions suivantes:/ 1° Etre titulaire d'un diplôme, certificat ou autre titre mentionnés aux articles L. 4221-2 à L. 4221-5 ;/ 2° Etre de nationalité française, citoyen andorran, ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne ou partie à l'accord sur l'Espace économique européen, ou ressortissant d'un pays dans lequel les Français peuvent exercer la pharmacie lorsqu'ils sont titulaires du diplôme qui en ouvre l'exercice aux nationaux de ce pays ;/ 3° Etre inscrit à l'ordre des pharmaciens. " Aux termes de l'article L. 4221-4 du même code : " Ouvre droit à l'exercice de la profession de pharmacien aux ressortissants d'un Etat membre de l'Union européenne ou d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen : /1° Un titre de formation de pharmacien délivré par l'un de ces Etats conformément aux obligations communautaires et figurant sur une liste établie par arrêté des ministres chargés de l'enseignement supérieur et de la santé ".
3. D'autre part, aux termes de l'article 3 de la directive 2004/38/CE du Parlement et du Conseil du 29 avril 2004 relative au droit des citoyens de l'Union et des membres de leur famille de circuler et de séjourner librement sur le territoire : " La présente directive s'applique à tout citoyen de l'Union qui se rend ou séjourne dans un Etat membre autre que celui dont il a la nationalité, ainsi qu'aux membres de sa famille (...) qui l'accompagnent ou le rejoignent. (...) ". Aux termes de l'article 2 de cette même directive, transposé à l'article L. 200-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, : " (...) on entend par : (...) / 2) " membre de la famille " : / (...) / c) les descendants directs qui sont âgés de moins de vingt-et-un an ou qui sont à charge (...) ". Aux termes de l'article 23 de cette même directive : " Les membres de la famille du citoyen de l'Union, quelle que soit leur nationalité, qui bénéficient du droit de séjour ou du droit de séjour permanent dans un Etat membre, ont le droit d'y entamer une activité lucrative à titre de travailleur salarié ou de non salarié ". Enfin, aux termes de l'article 24 de cette directive : " Sous réserve des dispositions spécifiques expressément prévues par le traité et le droit dérivé, tout citoyen de l'Union qui séjourne sur le territoire de l'État membre d'accueil en vertu de la présente directive bénéficie de l'égalité de traitement avec les ressortissants de cet État membre dans le domaine d'application du traité. Le bénéfice de ce droit s'étend aux membres de la famille, qui n'ont pas la nationalité d'un État membre et qui bénéficient du droit de séjour ou du droit de séjour permanent. (...) ".
4. Il résulte des dispositions de l'article 3 de la directive 2004/38/CE cité au point précédent que celle-ci ne s'applique qu'aux seuls citoyens de l'Union européenne qui, faisant usage de leur droit de libre circulation, se rendent ou séjournent dans un Etat membre autre que celui dont ils ont la nationalité ainsi qu'aux membres de leur famille, au sens de l'article 2 de cette directive, qui les accompagnent ou les rejoignent, et non aux citoyens d'un état membre séjournant dans l'Etat dont ils possèdent la nationalité.
5. Il ressort des termes de la décision attaquée que pour refuser d'inscrire M. A... au tableau de l'ordre des pharmaciens, le Conseil national de l'ordre des pharmaciens s'est fondé sur ce que l'intéressé ne remplissait pas la condition de nationalité prévue par le 2° de l'article L. 4221-1 du code de la santé publique. Pour retenir que l'intéressé ne pouvait se prévaloir, pour être dispensé du respect de cette condition, du principe d'égalité de traitement prévu au bénéfice des membres de la famille des citoyens de l'Union par l'article 24 de la directive 2004/38/CE, le Conseil national de l'ordre de pharmaciens a relevé qu'il n'était pas âgé de moins de vingt-et-un ans et n'était pas à la charge de ses parents.
6. Il ressort des indications de M. A..., non contestées en défense, que ses parents sont de nationalité française et résident en France. Ils ne peuvent ainsi être regardés comme des citoyens de l'Union européenne ayant fait exercice du droit de libre circulation ouvert par la directive 2004/38/CE. Dès lors M. A... ne pouvait utilement se prévaloir de sa qualité de membre de la famille de citoyens de l'Union européenne à l'appui de sa demande d'inscription au tableau de la section D de l'ordre des pharmaciens. M. A... n'est par suite pas fondé à soutenir que le Conseil national de l'ordre des pharmaciens aurait commis une erreur de droit en lui opposant le non-respect de la condition de nationalité prévue par le 2° de l'article L. 4221-1 du code de la santé publique, la circonstance que, par des motifs surabondants, la décision attaquée relèverait de manière inexacte qu'il n'est pas à la charge de ses parents étant dépourvue d'incidence à cet égard.
7. Il résulte de ce qui précède que la requête de M. A... doit être rejetée. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. A... le versement d'une somme au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D E C I D E :
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Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : Les conclusions présentées par le Conseil national de l'ordre des pharmaciens au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à M. B... A... et au Conseil national de l'ordre des pharmaciens.
Délibéré à l'issue de la séance du 12 juillet 2024 où siégeaient : M. Pierre Collin, président adjoint de la section du contentieux, présidant ; M. Jean-Philippe Mochon, président de chambre ; Mme Sophie-Caroline de Margerie, conseillère d'Etat, M. Cyril Roger-Lacan, M. Stéphane Hoynck, M. Alain Seban, conseillers d'Etat et Mme Amel Hafid, maîtresse des requêtes en service extraordinaire-rapporteure.
Rendu le 30 juillet 2024.
Le président :
Signé : M. Pierre Collin
La rapporteure :
Signé : Mme Amel Hafid
La secrétaire :
Signé : Mme Anne-Lise Calvaire