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25/07/2024 | FRANCE | N°489678

France | France, Conseil d'État, 5ème chambre, 25 juillet 2024, 489678


Vu la procédure suivante :



Madame A... B... a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Bordeaux d'ordonner, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, la suspension de l'exécution de la décision du 5 septembre 2023 par laquelle le préfet de la région Nouvelle Aquitaine a refusé de lui délivrer une autorisation d'exercer en France la profession d'audioprothésiste et en a conditionné la délivrance à la réalisation d'une mesure de compensation. Par une ordonnance n° 2305780 du 10 novembre 2023, le juge de

s référés a rejeté sa demande.



Par un pourvoi sommaire, un ...

Vu la procédure suivante :

Madame A... B... a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Bordeaux d'ordonner, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, la suspension de l'exécution de la décision du 5 septembre 2023 par laquelle le préfet de la région Nouvelle Aquitaine a refusé de lui délivrer une autorisation d'exercer en France la profession d'audioprothésiste et en a conditionné la délivrance à la réalisation d'une mesure de compensation. Par une ordonnance n° 2305780 du 10 novembre 2023, le juge des référés a rejeté sa demande.

Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 27 novembre 2023, le 8 décembre et le 6 juin 2024 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, Mme B... demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cette ordonnance ;

2°) statuant en référé, de faire droit à sa demande ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la directive 2005/36/CE du Parlement européen et du Conseil du 7 septembre 2005 ;

- le code de la santé publique ;

- le décret n° 2008-34 du 10 janvier 2008 ;

- l'arrêté du 30 mars 2010 fixant les modalités d'organisation de l'épreuve d'aptitude et du stage d'adaptation pour l'exercice en France des professions de psychomotricien, orthophoniste, orthoptiste, audioprothésiste, opticien-lunetier par des ressortissants des Etats membres de l'Union européenne ou parties à l'accord sur l'Espace économique européen ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Coralie Albumazard, maîtresse des requêtes,

- les conclusions de M. Maxime Boutron, rapporteur public.

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SARL Meier-Bourdeau, Lecuyer et associés, avocat de Mme B....

Considérant ce qui suit :

1. Aux termes de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : " Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision ".

2. Il ressort des pièces du dossier soumis au juge des référés du tribunal administratif de Bordeaux que, par une décision du 5 septembre 2023, le préfet de la région Nouvelle-Aquitaine a refusé d'accorder à Mme A... B... l'autorisation d'exercer la profession d'audioprothésiste sollicitée au motif que le stage de 24 semaines en laboratoire d'audioprothèse qui lui a été imposé à titre de mesure de compensation a été effectué dans une entreprise dans laquelle elle avait déjà exercé une activité professionnelle, et a conditionné la délivrance de cette autorisation à la réalisation d'un nouveau stage dans une entreprise différente et sans lien de dépendance avec ses précédents lieux de stage ou d'exercice professionnel. Mme B... se pourvoit en cassation contre l'ordonnance du 10 novembre 2023 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif a refusé de suspendre l'exécution de cette décision.

3. Aux termes de l'article L. 4361-4 du code de la santé publique : " L'autorité compétente peut, après avis d'une commission composée notamment de professionnels, autoriser individuellement à exercer la profession d'audioprothésiste les ressortissants d'un Etat membre de l'Union européenne ou d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen qui, sans posséder l'un des diplômes, certificats ou titres prévus à l'article L. 4361-3, sont titulaires : /1° De titres de formation délivrés par un ou plusieurs Etats, membres ou parties, et requis par l'autorité compétente de ces Etats, membres ou parties, qui réglementent l'accès à cette profession ou son exercice, et permettant d'exercer légalement ces fonctions dans ces Etats ; (...)/ Dans ces cas, lorsque l'examen des qualifications professionnelles attestées par l'ensemble des titres de formation initiale, de l'expérience professionnelle pertinente et de la formation tout au long de la vie ayant fait l'objet d'une validation par un organisme compétent fait apparaître des différences substantielles au regard des qualifications requises pour l'accès et l'exercice de la profession en France, l'autorité compétente exige que l'intéressé se soumette à une mesure de compensation. / Selon le niveau de qualification exigé en France et celui détenu par l'intéressé, l'autorité compétente peut soit proposer au demandeur de choisir entre un stage d'adaptation ou une épreuve d'aptitude, soit imposer un stage d'adaptation ou une épreuve d'aptitude, soit imposer un stage d'adaptation et une épreuve d'aptitude (...) ". Aux termes de l'article R. 4311-36 du même code : " L'épreuve d'aptitude a pour objet de vérifier au moyen d'épreuves écrites ou orales que l'intéressé fait preuve d'une connaissance appropriée des matières figurant au programme du titre de formation permettant l'exercice de la profession en France, qui ne lui ont pas été enseignées initialement ou qu'il n'a pas acquises au cours de son expérience professionnelle. / Le stage d'adaptation a pour objet de permettre aux intéressés d'acquérir les connaissances définies à l'alinéa précédent (...) ". Aux termes de l'article R. 4361-15 du même code : " Sont fixées par arrêté du ministre chargé de l'enseignement supérieur et du ministre chargé de la santé : (...)/ 3° Les modalités et les conditions dans lesquelles un stage d'adaptation, une épreuve d'aptitude ou les deux sont imposés ; / 4° Les modalités d'organisation et d'évaluation du stage d'adaptation (...) ". Aux termes de l'arrêté du 30 mars 2010 fixant les modalités d'organisation de l'épreuve d'aptitude et du stage d'adaptation pour l'exercice en France des professions de psychomotricien, orthophoniste, orthoptiste, audioprothésiste, opticien-lunetier par des ressortissants des Etats membres de l'Union européenne ou parties à l'accord sur l'Espace économique européen : " Le stage d'adaptation s'effectue dans un établissement de santé public ou privé. S'agissant des audioprothésistes, des orthophonistes et des opticiens-lunetiers, il peut également s'effectuer chez un professionnel. Les lieux de stage sont agréés par l'agence régionale de santé. Le stagiaire est placé sous la responsabilité pédagogique d'un professionnel qualifié exerçant la profession concernée depuis au moins trois ans. Ce dernier établit un rapport d'évaluation conformément au modèle figurant en annexe. / Le stage, qui comprend éventuellement une formation théorique complémentaire, est validé par le responsable de la structure d'accueil, sur proposition du professionnel qualifié évaluant le stagiaire. / Le préfet de la région organisatrice du stage notifie à l'intéressé et au préfet de région compétent pour délivrer l'autorisation d'exercice les résultats du stage ".

4. S'il résulte des dispositions citées ci-dessus que l'autorité compétente peut, pour un ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne titulaire d'un titre de formation délivré par un autre Etat membre, conditionner la délivrance d'une autorisation d'exercer la profession d'audioprothésiste à ce que l'intéressé se soumette à une mesure de compensation qui peut prendre la forme d'un stage d'adaptation, et si elles prévoient que les lieux de stage sont agréés par l'agence régionale de santé, il ne ressort en revanche pas de leurs termes qu'elles subordonnent la validité d'un stage à la condition qu'il soit effectué dans une entreprise dans laquelle le stagiaire n'a jamais exercé et qui soit dépourvue de lien de dépendance avec ses précédents lieux de stages ou d'exercice professionnel. Par suite, en jugeant que le moyen tiré de ce que la décision contestée méconnaît les dispositions des articles R. 4361-15 du code de la santé publique et 4 de l'arrêté du 30 mars 2010 en fixant une telle condition n'est pas de nature à créer un doute sérieux quant à sa légalité, le juge des référés a entaché son ordonnance d'une erreur de droit qui justifie, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens du pourvoi, l'annulation de son ordonnance.

5. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler l'affaire au titre de la procédure de référé engagée, en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative.

6. D'une part, Mme B..., qui invoque l'impossibilité dans laquelle la place la décision attaquée d'exercer la profession d'audioprothésiste et de bénéficier de la rémunération correspondante, alors que, après avoir effectué les stages d'adaptation exigés par la décision du 9 décembre 2021 du préfet de la région Nouvelle-Aquitaine, elle a signé à cette fin en octobre 2022 un contrat à durée déterminée, dont l'exécution reste à ce jour suspendue, dans l'attente d'un nouveau stage de 24 semaines auprès d'une autre entreprise, justifie, alors que l'administration n'invoque aucune considération en sens contraire, du respect de la condition d'urgence exigée par l'article L. 521-1 du code de justice administrative.

7. D'autre part, il résulte de ce qui a été dit au point 4 que le moyen tiré de ce que la décision contestée méconnaît les dispositions des articles R. 4361-15 du code de la santé publique et 4 de l'arrêté du 30 mars 2020 est de nature à faire naître un doute sérieux quant à sa légalité.

8. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de la demande, que Mme B... est fondée à demander la suspension de l'exécution de la décision du 5 septembre 2023 du préfet de la région Nouvelle-Aquitaine.

9. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat, pour l'ensemble de la procédure, la somme de 4 000 euros à verser à Mme B... en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

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Article 1er : L'ordonnance du 10 novembre 2023 du juge des référés du tribunal administratif de Bordeaux est annulée.

Article 2 : L'exécution de la décision du 5 septembre 2023 du préfet de la région Nouvelle-Aquitaine est suspendue jusqu'à ce que le tribunal administratif de Bordeaux ait statué sur le recours tendant à l'annulation pour excès de pouvoir de cette décision.

Article 3 : L'Etat versera à Mme B... une somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à Mme A... B... et à la ministre du travail, de la santé et des solidarités.

Délibéré à l'issue de la séance du 4 juillet 2024 où siégeaient : M. Jean-Philippe Mochon, président de chambre, présidant ; Mme Fabienne Lambolez, conseillère d'Etat et Mme Coralie Albumazard, maîtresse des requêtes-rapporteure.

Rendu le 25 juillet 2024.

Le président :

Signé : M. Jean-Philippe Mochon

La rapporteure :

Signé : Mme Coralie Albumazard

La secrétaire :

Signé : Mme Nathalie Pilet


Synthèse
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 489678
Date de la décision : 25/07/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 25 jui. 2024, n° 489678
Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Coralie Albumazard
Rapporteur public ?: M. Maxime Boutron
Avocat(s) : SARL MEIER-BOURDEAU, LECUYER ET ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 27/07/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2024:489678.20240725
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