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24/07/2024 | FRANCE | N°474734

France | France, Conseil d'État, 1ère chambre, 24 juillet 2024, 474734


Vu la procédure suivante :



Mme C... A... a porté devant le tribunal administratif de Montpellier un litige relatif à un indu de prime d'activité de 7 864,89 euros pour la période du 1er mars 2020 au 31 mai 2021 mis à sa charge par une décision du 24 juin 2021 de la directrice de la caisse d'allocations familiales de l'Aude, que celle-ci a transféré le 24 juin 2021 à la mutualité sociale agricole et dont elle a refusé la remise gracieuse par une décision du 19 octobre 2021. Par un jugement n° 2106167 du 4 avril 2023, le tribunal administratif de Montpe

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Vu la procédure suivante :

Mme C... A... a porté devant le tribunal administratif de Montpellier un litige relatif à un indu de prime d'activité de 7 864,89 euros pour la période du 1er mars 2020 au 31 mai 2021 mis à sa charge par une décision du 24 juin 2021 de la directrice de la caisse d'allocations familiales de l'Aude, que celle-ci a transféré le 24 juin 2021 à la mutualité sociale agricole et dont elle a refusé la remise gracieuse par une décision du 19 octobre 2021. Par un jugement n° 2106167 du 4 avril 2023, le tribunal administratif de Montpellier a annulé la décision du 19 octobre 2021 et a déchargé Mme A... de l'indu de prime d'activité de 7 864,89 euros.

Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un nouveau mémoire, enregistrés les 2 juin, 31 août et 11 septembre 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le ministre de la santé et de la prévention demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) réglant l'affaire au fond, de rejeter la demande de Mme A... ;

3°) de mettre à la charge de Mme A... la somme de 4 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de la sécurité sociale ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Cyril Noël, maître des requêtes,

- les conclusions de M. Mathieu Le Coq, rapporteur public ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que Mme A... a bénéficié dans le département de l'Aude de la prime d'activité en tant que mère isolée de deux enfants depuis le 8 juin 2015. A la suite d'un courrier du 1er juin 2021 de la mutualité sociale agricole lui demandant la mutation du dossier de Mme A... au motif de sa vie commune avec M. B..., lui-même assuré à la mutualité sociale agricole, la caisse d'allocations familiales de l'Aude, estimant que Mme A... vivait en couple depuis le 1er mars 2020 avec M. B... sans avoir déclaré cette situation, a décidé, le 24 juin 2021, de récupérer un indu de prime d'activité. Saisie d'une réclamation introduite le 26 juin 2021 par Mme A..., la directrice de la caisse d'allocations familiales de l'Aude a, le 19 octobre 2021, refusé à l'intéressée la remise gracieuse des indus de prime d'activité. La ministre du travail, de la santé et des solidarités se pourvoit en cassation contre le jugement du 4 avril 2023 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a annulé la décision du 19 octobre 2021 et déchargé Mme A... des indus de prime d'activité s'élevant à 7 864,89 euros.

2. Il résulte des termes mêmes de la demande présentée par Mme A... au tribunal administratif et de la décision de refus de remise de dette qu'elle y joignait qu'elle ne contestait devant lui, comme les visas de son jugement le restituent d'ailleurs de façon exacte, que le refus de la remise gracieuse de l'indu de prime d'activité mis à sa charge, en se bornant à faire état de sa bonne foi et de sa situation précaire. Il s'ensuit qu'en jugeant que la décision de récupération de cet indu était dépourvue de bien fondé, alors qu'une telle exception d'illégalité était inopérante, et en déchargeant Mme A... du paiement de la somme correspondante, le tribunal administratif a commis une erreur de droit et dénaturé les pièces du dossier qui lui était soumis.

3. Par suite, la ministre du travail, de la santé et des solidarités est fondée à demander pour ce motif, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens du pourvoi, l'annulation du jugement qu'elle attaque.

4. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler l'affaire au fond en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative.

5. L'article L. 845-3 du code de la sécurité sociale prévoit que : " Tout paiement indu de prime d'activité est récupéré par l'organisme chargé de son service. (...) La créance peut être remise ou réduite par l'organisme mentionné au premier alinéa du présent article, en cas de bonne foi ou de précarité de la situation du débiteur, sauf si cette créance résulte d'une manœuvre frauduleuse ou d'une fausse déclaration. "

6. Lorsqu'il statue sur un recours dirigé contre une décision rejetant une demande de remise gracieuse d'un indu de prime d'activité, il appartient au juge administratif d'examiner si une remise gracieuse totale ou partielle est justifiée et de se prononcer lui-même sur la demande en recherchant si, au regard des circonstances de fait dont il est justifié par l'une et l'autre des parties à la date de sa propre décision, la situation de précarité du débiteur et sa bonne foi justifient que lui soit accordée une remise.

7. Il résulte de l'instruction que si Mme A... soutient, sans apporter d'ailleurs aucune pièce à l'appui de cette affirmation, qu'elle aurait déclaré à la caisse d'allocations familiales dès le mois de mars 2020 qu'elle vivait maritalement avec M. B..., elle a dans le même temps et jusqu'au 1er juin 2021 systématiquement continué à indiquer dans ses déclarations trimestrielles de ressources qu'elle était toujours mère isolée et que sa situation n'avait pas changé. Ses omissions déclaratives révélant une volonté manifeste de dissimulation, la condition de bonne foi posée à l'article L. 845-3 du code de la sécurité sociale n'est pas satisfaite, de sorte que sa contestation du refus de remise gracieuse qui lui a été opposé par la caisse d'allocations familiales de l'Aude ne peut qu'être rejetée.

8. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions que la ministre du travail, de la santé et des solidarités présente au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Le jugement du 4 avril 2023 du tribunal administratif de Montpellier est annulé.

Article 2 : La demande de Mme A... est rejetée.

Article 3 : Les conclusions présentées par la ministre du travail, de la santé et des solidarités au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à la ministre du travail, de la santé et des solidarités et à Mme C... A....

Copie en sera adressée à la caisse d'allocations familiales de l'Aude.

Délibéré à l'issue de la séance du 13 juin 2024 où siégeaient : Mme Gaëlle Dumortier, présidente de chambre, présidant ; M. Jean-Luc Nevache, conseiller d'Etat et M. Cyril Noël, maître des requêtes-rapporteur.

Rendu le 24 juillet 2024.

La présidente :

Signé : Mme Gaëlle Dumortier

Le rapporteur :

Signé : M. Cyril Noël

Le secrétaire :

Signé : M. Mickaël Lemasson


Synthèse
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 474734
Date de la décision : 24/07/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 24 jui. 2024, n° 474734
Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Cyril Noël
Rapporteur public ?: M. Mathieu Le Coq
Avocat(s) : SCP GATINEAU, FATTACCINI, REBEYROL

Origine de la décision
Date de l'import : 28/07/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2024:474734.20240724
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