Vu la procédure suivante :
M. B... A... a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Versailles sur le fondement des dispositions de l'article L. 521-2 du code de justice administrative :
- d'ordonner l'arrêt immédiat ou, à titre subsidiaire, la suspension des enquêtes administratives diligentées à l'égard des demandeurs de laissez-passer numériques sur la plateforme pass-jeux.gouv.fr, notamment celle menée à l'égard de M. A..., sous astreinte de 100 euros par jour, qui lui sera versée ;
- d'ordonner à la préfecture de police de Paris l'arrêt de toute enquête administrative à venir concernant les demandes de laissez-passer numériques sur la plateforme pass-jeux.gouv.fr, notamment celle dont il fait l'objet, sous astreinte de 100 euros par jour, qui lui sera versée ;
- d'ordonner dans le délai de 3 jours, à la préfecture de police de Paris ainsi qu'à son sous-traitant chargé d'une mission de service public en charge de la plateforme pass-jeux.gouv.fr, la cessation des collectes de données personnelles faute de publication d'un arrêté préfectoral définissant le périmètre de sécurité en vertu de l'article L. 226-1 code de la sécurité intérieure autour des berges de la Seine du 18 au 26 juillet 2024, sous astreinte de 100 euros par jour qui lui sera versée ;
- d'ordonner dans le délai de 3 jours, à la préfecture de police de Paris ainsi qu'à son sous-traitant chargé d'une mission de service public en charge de la plateforme pass-jeux.gouv.fr, après sauvegarde confiée à un commissaire de justice, l'effacement de toutes les données personnelles, en tout cas celles le concernant, notamment, justificatifs, pièce d'identité, photographie, lieu de visite collectées, avant l'entrée en vigueur d'un arrêté préfectoral définissant ledit périmètre de sécurité, sous astreinte de 100 euros par jour, qui lui sera versée ;
- d'ordonner dans le délai de 3 jours, à la préfecture de police de Paris, après sauvegarde confiée à un commissaire de justice, l'effacement de toutes les données collectées à l'occasion des enquêtes administratives, sous astreinte de 100 euros par jour, qui lui sera versée ;
- d'ordonner dans le délai de 3 jours la publication de la décision à intervenir en page d'accueil du site internet de la préfecture de police de Paris et à ses frais dans 2 publications nationales et une locale ;
- d'ordonner la nomination d'un commissaire de justice en vue de s'assurer, aux frais de la préfecture de police de Paris, de la réalisation des mesures ordonnées, de conserver les données collectées à l'occasion des enquêtes administratives et d'informer individuellement les personnes fichées de la décision à intervenir et de leur droit à indemnisation ;
- de condamner la préfecture de police de Paris à verser la somme de cinq millions d'euros sur un compte ad hoc à ouvrir à la Caisse des dépôts et consignations au titre de la provision sur dommages et intérêts, à répartir entre ces personnes.
Par une ordonnance n° 2404155 du 22 mai 2024, prise sur le fondement de l'article L. 522-3 du code de justice administrative, le juge des référés du tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande.
Par un pourvoi et un mémoire en réplique, enregistrés les 30 mai et 25 juin 2024 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. A... demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler l'ordonnance attaquée ;
2°) statuant en référé, de faire droit à ses demandes ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de la sécurité intérieure ;
- le décret n° 2024-431 du 14 mai 2024 ;
- l'arrêté du 2 mai 2011 relatif aux traitements automatisés de données à caractère personnel dénommés " fichiers des résidents des zones de sécurité " créés à l'occasion d'un événement majeur, modifié notamment par l'arrêté du 3 mai 2024 ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Sébastien Ferrari, maître des requêtes en service extraordinaire,
- les conclusions de M. Romain Victor, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Guérin - Gougeon, avocat de M. A... ;
Considérant ce qui suit :
1. Aux termes des dispositions de l'article L. 521-2 du code de justice administrative : " Saisi d'une demande en ce sens justifiée par l'urgence, le juge des référés peut ordonner toutes mesures nécessaires à la sauvegarde d'une liberté fondamentale à laquelle une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public aurait porté, dans l'exercice d'un de ses pouvoirs, une atteinte grave et manifestement illégale. Le juge des référés se prononce dans un délai de quarante-huit heures. "
2. Il ressort des pièces du dossier soumis au juge des référés que M. B... A... a formé, le 14 mai 2024, une demande tendant à l'obtention d'un laissez-passer numérique pour accéder, le 22 juillet 2024, au périmètre de protection de la cérémonie d'ouverture des Jeux olympiques. Il a été avisé, par un message délivré sur la plateforme pass-jeux.gouv.fr de l'enregistrement de sa demande et de ce que celle-ci faisait l'objet d'une demande d'avis conforme par l'autorité administrative compétente, chargée de procéder à une enquête administrative en application des dispositions de l'article L. 211-11-1 du code de la sécurité intérieure. Le 20 mai 2024, M. A... a saisi le juge des référés du tribunal administratif de Versailles aux fins que celui-ci prononce, sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, diverses mesures destinées à sauvegarder les libertés fondamentales auxquelles portaient selon lui atteinte tant la collecte de données personnelles que la réalisation d'enquêtes préalables à la délivrance des laissez-passer numériques pour l'accès aux abords des berges de la Seine du 18 au 26 juillet 2024. Il se pourvoit en cassation contre l'ordonnance du 22 mai 2024 par laquelle ce juge des référés a rejeté sa demande comme dépourvue d'urgence, selon la procédure prévue à l'article L. 522-3 du même code.
Sur le non-lieu partiel à statuer :
3. Il ressort, en premier lieu, des écritures en défense du ministre de l'intérieur que, postérieurement à l'introduction du pourvoi, la demande de laissez-passer numérique formée par M. A... a été rejetée au motif que le rendez-vous médical justifiant la demande n'ayant pas lieu dans le périmètre de protection de la cérémonie d'ouverture, il ne justifiait pas la délivrance au requérant d'une autorisation d'accès. Cette circonstance implique qu'ont nécessairement et en tout état de cause cessé, à l'égard du requérant, la collecte de données et la réalisation de l'enquête prévue à l'article L. 211-11-1 du code de la sécurité intérieure menée en vue de l'instruction de sa demande. Eu égard aux pouvoirs qui sont ceux du juge des référés dans le cadre de la procédure de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, elle est, par suite, de nature à priver d'objet le présent pourvoi, en tant qu'il concerne les conclusions tendant à ce qu'il soit mis fin à ces collecte et enquête. Il n'y a, dès lors, plus lieu de statuer, dans cette mesure, sur les conclusions susvisées de M. A..., la circonstance qu'il aurait déposé, postérieurement à l'introduction de son pourvoi devant le Conseil d'Etat, une nouvelle demande de laissez-passer pour un autre rendez-vous dans le périmètre de sécurité de la cérémonie d'ouverture des jeux olympiques, étant dépourvue d'incidence à cet égard, dès lors que le litige auquel elle est susceptible de donner lieu, est distinct du présent litige.
Sur le surplus des conclusions du pourvoi :
4. En se bornant à relever, pour regarder comme non remplie la condition tenant à l'existence d'une situation d'urgence, que le rendez-vous médical justifiant la demande de délivrance de laissez-passer numérique de M. A... n'aurait lieu que le 22 juillet 2024, alors que l'intéressé se prévalait, à l'appui de sa requête, de l'urgence née de la collecte de ses données personnelles et à la réalisation, alors en cours, d'une enquête administrative diligentée sur le fondement de l'article L. 211-11-1 du code de la sécurité intérieure, le juge des référés du tribunal administratif de Versailles s'est mépris sur la portée des écritures du requérant. Son ordonnance doit, par suite, être annulée.
5. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, sur le fondement de l'article L. 821-2 du code de justice administrative et dans la mesure des conclusions demeurant en litige, de régler l'affaire au titre de la procédure de référé engagée.
6. En premier lieu, pour demander l'arrêt immédiat de toutes enquêtes administratives à l'égard de tiers, l'arrêt de la collecte de données personnelles de tiers ainsi que l'effacement après sauvegarde par un commissaire de justice de ces données, M. A... se borne à invoquer de façon générale les violations manifestes de plusieurs libertés fondamentales occasionnées par la réalisation sans base légale d'enquêtes administratives et de collectes de données personnelles. Il ne justifie donc, ainsi qu'est fondé à le faire valoir le ministre de l'intérieur en défense, d'aucun intérêt personnel, direct et certain, de nature à lui donner qualité pour demander au juge des référés, de prononcer, au bénéfice des tiers, les mesures nécessaires à la sauvegarde de ces libertés. Ses conclusions sont donc, dans cette mesure, irrecevables.
7. En second lieu, ni la circonstance que les données personnelles que M. A... a lui-même déposées sur le site internet dédié à la délivrance du laissez-passer seraient conservées en vertu des dispositions de l'arrêté du 2 mai 2011 susvisé, ni celle qu'aurait été réalisée à son égard une enquête administrative sur le fondement des dispositions de l'article L. 211-11-1 du code de la sécurité intérieure et du décret du 14 mai 2024 portant application de l'article L. 211-11-1 du code de la sécurité intérieure à la cérémonie d'ouverture des Jeux olympiques de 2024 ne saurait suffire à caractériser à elle seule l'urgence particulière justifiant qu'il soit ordonné à très bref délai, sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, une mesure de sauvegarde d'une liberté fondamentale.
8. Il résulte de tout ce qui précède que celles des conclusions présentées par M. A... devant le juge des référés du tribunal administratif de Versailles qui demeurent en litige ne peuvent qu'être rejetées, ensemble et par voie de conséquence, les conclusions tendant à ce que lui soit versée la somme qu'il demande sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D E C I D E :
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Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la demande tendant à ce que cessent, à l'égard du requérant, la collecte de données personnelles et la réalisation de l'enquête administrative pour les besoins de l'instruction de sa demande de laissez-passer en date du 14 mai 2024.
Article 2 : L'ordonnance du 22 mai 2024 du juge des référés du tribunal administratif de Versailles est annulée en tant qu'elle a statué sur le surplus des conclusions de la demande.
Article 3 : Les conclusions présentées par M. A... devant le juge des référés du tribunal administratif de Versailles qui demeurent en litige sont rejetées, y compris celles présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à M. B... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.