Vu les procédures suivantes :
1° Sous le no 477593
La société civile immobilière (SCI) Cinéhotel d'Epinay a demandé au tribunal administratif de Montreuil de prononcer la réduction des cotisations de taxe foncière sur les propriétés bâties auxquelles elle a été assujettie au titre de l'année 2019 à raison de locaux situés à Epinay-sur-Seine (Seine-Saint-Denis). Par un jugement n° 2114689 du 29 juin 2023, le magistrat désigné par le président de ce tribunal, après avoir dit qu'il n'y avait plus lieu à statuer à hauteur d'un dégrèvement intervenu en cours d'instance, a rejeté les conclusions tendant à l'application des mécanismes de " planchonnement " et de lissage et ordonné un supplément d'instruction avant de statuer sur le surplus de sa demande.
Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 4 août, 31 octobre 2023 et 1er mai 2024 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la SCI Cinéhotel d'Epinay demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler les articles 2 et 3 de ce jugement ;
2°) réglant l'affaire au fond dans cette mesure, de faire droit à sa demande ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
2° Sous le n° 477599
La SCI Cinéhotel d'Epinay a demandé au tribunal administratif de Montreuil de prononcer la réduction des cotisations de taxe foncière sur les propriétés bâties auxquelles elle a été assujettie au titre de l'année 2020 à raison de locaux situés à Epinay-sur-Seine (Seine-Saint-Denis). Par un jugement n° 2114690 du 29 juin 2023, le magistrat désigné par le président de ce tribunal, après avoir dit qu'il n'y avait plus lieu à statuer à hauteur d'un dégrèvement intervenu en cours d'instance, a rejeté les conclusions tendant à l'application des mécanismes de " planchonnement " et de lissage et ordonné un supplément d'instruction avant de statuer sur le surplus de sa demande.
Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique enregistrés les 4 août, 31 octobre 2023 et 1er mai 2024 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la SCI Cinéhotel d'Epinay demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler les articles 2 et 3 de ce jugement ;
2°) réglant l'affaire au fond dans cette mesure, de faire droit à sa demande ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
....................................................................................
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Sébastien Ferrari, maître des requêtes en service extraordinaire,
- les conclusions de M. Romain Victor, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Le Griel, avocat de la SCI Cinehôtel d'Epinay ;
Considérant ce qui suit :
1. La société civile immobilière (SCI) Cinehotel d'Epinay, propriétaire de locaux situés au 10, rue du Mont à Epinay-sur-Seine (Seine-Saint-Denis) a formé les 9 septembre 2019 et 15 octobre 2020 deux réclamations contre les cotisations de taxe foncière sur les propriétés bâties auxquelles elle a été assujettie, au titre respectivement, des années 2019 et 2020 en contestant la catégorie dans laquelle son bien a été classé et la méthode retenue pour l'évaluation de sa valeur locative. A la suite du rejet implicite de ces réclamations, elle a demandé au tribunal administratif de Montreuil de prononcer la réduction de ces cotisations à hauteur d'un montant de 191 745 euros au titre de la première de ces deux années et de 123 268 euros au titre de la seconde. Elle se pourvoit en cassation contre les jugements du 29 juin 2023 par lesquels le magistrat désigné par le président de ce tribunal a rejeté ses demandes. Les pourvois présentant à juger des questions communes, il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision.
2. En premier lieu, aux termes du III de l'article 1518 A quinquies du code général des impôts dans sa rédaction applicable aux années d'imposition en litige : " Pour les impositions dues au titre des années 2017 à 2025 : / 1° Lorsque la différence entre la valeur locative non révisée au 1er janvier 2017 et la valeur locative résultant du I est positive, celle-ci est majorée d'un montant égal à la moitié de cette différence ; / 2° Lorsque la différence entre la valeur locative non révisée au 1er janvier 2017 et la valeur locative résultant du même I est négative, celle-ci est minorée d'un montant égal à la moitié de cette différence. / Le présent III n'est applicable ni aux locaux mentionnés au 2 du I du présent article, ni aux locaux concernés par l'application du I de l'article 1406 après le 1er janvier 2017, sauf si le changement de consistance concerne moins de 10 % de la surface de ces locaux ". Aux termes de l'article 1518 E du même code : " I. - Pour les biens mentionnés au I de l'article 1498 : / 1° Des exonérations partielles d'impôts directs locaux sont accordées au titre des années 2017 à 2025 lorsque la différence entre la cotisation établie au titre de l'année 2017 en application du présent code et la cotisation qui aurait été établie au titre de cette même année sans application du A du XVI de l'article 34 de la loi n° 2010-1658 du 29 décembre 2010 de finances rectificative pour 2010, dans sa rédaction en vigueur le 31 décembre 2016, est positive. (...) / L'exonération cesse d'être accordée à compter de l'année qui suit celle au cours de laquelle la propriété ou fraction de propriété est concernée par l'application du I de l'article 1406, sauf si le changement de consistance concerne moins de 10 % de la surface de la propriété ou fraction de propriété ; (...) ". Le I de l'article 1406 du même code, mentionné par ces dispositions, prévoit que : " Les constructions nouvelles, ainsi que les changements de consistance ou d'affectation des propriétés bâties et non bâties, sont portés par les propriétaires à la connaissance de l'administration, dans les quatre-vingt-dix jours de leur réalisation définitive et selon les modalités fixées par décret. (...) ".
3. Il résulte des pièces des dossiers soumis au juge du fond que la déclaration rectificative déposée par la société le 19 avril 2019 se bornait à indiquer que les locaux en litige ne relevaient, du fait de leurs caractéristiques exceptionnelles, d'aucune des différentes catégories ordinaires retenues pour la détermination, en matière d'impositions locales, des tarifs des locaux professionnels, sans mentionner un changement de leur consistance ou de l'activité qui y était exercée. En jugeant que cette déclaration avait porté à la connaissance de l'administration un changement d'affectation de ces locaux postérieurement au 1er janvier 2017 et faisait en conséquence obstacle à l'application des mécanismes atténuateurs dits de " planchonnement " et de lissage introduits par les dispositions transitoires citées au point 2, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Montreuil a dénaturé les pièces des dossiers qui lui étaient soumis et commis une erreur de droit.
4. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur le moyen soulevé par la société Cinéhotel d'Epinay contre la régularité des jugements qu'elle attaque, que cette société est fondée à demander l'annulation de leurs articles 2.
5. En revanche, cette société ne peut utilement, aux fins de demander l'annulation de leurs articles 3 ordonnant un supplément d'instruction, contester les motifs selon lesquels l'administration était fondée, pour évaluer la valeur locative des locaux en litige, à écarter le prix d'acquisition convenu dans l'acte de vente du 30 octobre 2014, qui ne sont pas le soutien nécessaire de ces articles 3 des deux dispositifs. La société n'est par ailleurs pas fondée à soutenir que le magistrat désigné par le président du tribunal administratif aurait commis une erreur de droit en ordonnant, par une appréciation souveraine exempte de dénaturation, un tel supplément d'instruction. Cette société n'est ainsi pas fondée à demander l'annulation de ces derniers articles.
6. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D E C I D E :
--------------
Article 1er : Les articles 2 des jugements du 29 juin 2023 du tribunal administratif de Montreuil sont annulés.
Article 2 : Les affaires sont renvoyées, dans cette mesure, au tribunal administratif de Montreuil.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la société Cinéhotel d'Epinay est rejeté.
Article 4 : L'Etat versera la somme de 2 000 euros à la société Cinehotel d'Epinay au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : La présente décision sera notifiée à la société civile immobilière Cinéhotel d'Epinay et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.