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19/07/2024 | FRANCE | N°476213

France | France, Conseil d'État, 9ème - 10ème chambres réunies, 19 juillet 2024, 476213


Vu la procédure suivante :



M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler le titre de perception émis à son encontre le 29 septembre 2020 en vue du recouvrement de la somme de 1 343,02 euros, ainsi que la décision du 29 janvier 2021 par laquelle l'agent judiciaire de l'État a rejeté sa réclamation. Par un jugement n° 2102096 du 29 mars 2022, ce tribunal a rejeté sa demande comme portée devant un ordre de juridiction incompétent pour en connaître.



Par un arrêt n° 22LY01744 du 25 mai 2023, la cour admini

strative d'appel de Lyon a, sur appel de M. A..., annulé ce jugement et fait droit à s...

Vu la procédure suivante :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler le titre de perception émis à son encontre le 29 septembre 2020 en vue du recouvrement de la somme de 1 343,02 euros, ainsi que la décision du 29 janvier 2021 par laquelle l'agent judiciaire de l'État a rejeté sa réclamation. Par un jugement n° 2102096 du 29 mars 2022, ce tribunal a rejeté sa demande comme portée devant un ordre de juridiction incompétent pour en connaître.

Par un arrêt n° 22LY01744 du 25 mai 2023, la cour administrative d'appel de Lyon a, sur appel de M. A..., annulé ce jugement et fait droit à sa demande.

Par un pourvoi, enregistré le 21 juillet 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) réglant l'affaire au fond, de rejeter l'appel de M. A....

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code général de la fonction publique ;

- le code des assurances ;

- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;

- la loi n° 85-677 du 5 juillet 1985 ;

- l'ordonnance n° 59-76 du 7 janvier 1959 ;

- le décret n° 60-1089 du 6 octobre 1960 ;

- le décret n° 2015-233 du 27 février 2015 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Vincent Mazauric, conseiller d'Etat,

- les conclusions de Mme Emilie Bokdam-Tognetti, rapporteure publique ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Ohl, Vexliard, avocat de M. A... ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M. B... A..., employé de la société Orange en qualité de fonctionnaire, a été victime, le 5 avril 2016, d'un accident de la circulation qui a été reconnu imputable au service en tant qu'accident de trajet. En vertu d'une transaction conclue avec l'assureur du tiers responsable, il a perçu une indemnité en réparation de ses préjudices personnels, incluant une somme au titre d'un déficit fonctionnel permanent résultant de l'accident, évalué à 3 %. Par ailleurs, il lui a été concédé par l'Etat, au titre des séquelles de cet accident, une allocation temporaire d'invalidité au taux de 31 %, pour une durée de cinq ans à compter du 2 mai 2017. Un titre de perception a été émis à son encontre le 5 décembre 2019 pour la somme de 3 000 euros, ramenée par un nouveau titre, émis le 29 septembre 2020, à celle de 1 343,02 euros, au motif d'une double indemnisation du poste de déficit fonctionnel permanent. Après le rejet de sa réclamation par l'agent judiciaire de l'Etat, M. A... a saisi le tribunal administratif de Lyon, qui a rejeté sa demande comme portée devant un ordre de juridiction incompétent pour en connaître. Par un arrêt du 25 mai 2023, la cour administrative d'appel de Lyon, faisant droit à l'appel de M. A..., a annulé ce jugement et, se prononçant sur le bien-fondé de la créance, a prononcé la décharge de la somme en litige. Le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique se pourvoit en cassation contre cet arrêt.

2. Aux termes de l'article 65 de la loi du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat, dans sa rédaction applicable au litige et désormais codifiée à l'article L. 824-1 du code général de la fonction publique : " Le fonctionnaire qui a été atteint d'une invalidité résultant d'un accident de service ayant entraîné une incapacité permanente d'au moins 10 % ou d'une maladie professionnelle peut prétendre à une allocation temporaire d'invalidité cumulable avec son traitement dont le montant est fixé à la fraction du traitement minimal de la grille (...), correspondant au pourcentage d'invalidité (...) ". Aux termes de l'article 1er de l'ordonnance du 7 janvier 1959 relative aux actions en réparation civile de l'Etat et de certaines autres personnes publiques, dans sa rédaction applicable au litige et désormais codifiée aux articles L. 825-1 et L. 825-4 du code général de la fonction publique : " I. - Lorsque le décès, l'infirmité ou la maladie d'un agent de l'Etat est imputable à un tiers, l'Etat dispose de plein droit contre ce tiers, par subrogation aux droits de la victime ou de ses ayants droit, d'une action en remboursement de toutes les prestations versées ou maintenues à la victime ou à ses ayants droit à la suite du décès, de l'infirmité ou de la maladie. / II. - Cette action concerne notamment : / (...) / Les arrérages des pensions et rentes viagères d'invalidité ainsi que les allocations et majorations accessoires (...) ".

3. En outre, d'une part, aux termes de l'article L. 211-12 du code des assurances, codifiant les dispositions de l'article 15 de la loi du 5 juillet 1985 tendant à l'amélioration de la situation des victimes d'accidents de la circulation et à l'accélération des procédures d'indemnisation : " Lorsque, du fait de la victime, les tiers payeurs n'ont pu faire valoir leurs droits contre l'assureur, ils ont un recours contre la victime à concurrence de l'indemnité qu'elle a perçue de l'assureur au titre du même chef de préjudice et dans les limites prévues à l'article 31 de la loi n° 85-677 du 5 juillet 1985. Ils doivent agir dans un délai de deux ans à compter de la demande de versement des prestations ". Aux termes de l'article 31 de la même loi : " Les recours subrogatoires des tiers payeurs s'exercent poste par poste sur les seules indemnités qui réparent des préjudices qu'elles ont pris en charge, à l'exclusion des préjudices à caractère personnel. / Conformément à l'article 1346-3 du code civil, la subrogation ne peut nuire à la victime subrogeante, créancière de l'indemnisation, lorsqu'elle n'a été indemnisée qu'en partie ; en ce cas, elle peut exercer ses droits contre le responsable, pour ce qui lui reste dû, par préférence au tiers payeur dont elle n'a reçu qu'une indemnisation partielle. / Cependant, si le tiers payeur établit qu'il a effectivement et préalablement versé à la victime une prestation indemnisant de manière incontestable un poste de préjudice personnel, son recours peut s'exercer sur ce poste de préjudice ". D'autre part, aux termes de l'article 8 ter du décret du 6 octobre 1960 pris pour l'application des dispositions de l'article 23 bis de l'ordonnance n° 59-244 du 4 février 1959 relative au statut général des fonctionnaires : " Lorsque le fonctionnaire a obtenu du tiers responsable au titre de la même invalidité permanente une réparation de caractère viager, autre que l'allocation temporaire d'invalidité, et que l'Etat ne peut plus faire jouer le droit de subrogation prévu par l'ordonnance n° 59-76 du 7 janvier 1959, l'allocation est diminuée du montant de cette réparation. Si la réparation attribuée est un capital, l'allocation est diminuée du montant de la rente viagère qu'aurait produit ledit capital s'il avait été placé, à la date d'entrée en jouissance de l'allocation ou à la date de versement si elle est postérieure, à capital aliéné à la Caisse nationale de prévoyance ".

4. Enfin, aux termes du premier alinéa de l'article 35 du décret du 27 février 2015 relatif aux Tribunal des conflits et aux questions préjudicielles : " Lorsqu'une juridiction est saisie d'un litige qui présente à juger, soit sur l'action introduite, soit sur une exception, une question de compétence soulevant une difficulté sérieuse et mettant en jeu la séparation des ordres de juridiction, elle peut, par une décision motivée qui n'est susceptible d'aucun recours, renvoyer au Tribunal des conflits le soin de décider sur cette question de compétence ".

5. Le litige né de l'action de l'Etat à l'encontre de M. A..., tendant, sur le fondement des dispositions de l'article 15 de la loi du 5 juillet 1985, codifiées à l'article

L. 211-12 du code des assurances, citées au point 3, à récupérer auprès de ce fonctionnaire, victime d'un dommage corporel, la prestation d'allocation temporaire d'invalidité qui lui a été attribuée, indemnisant l'un de ses postes de préjudice, à concurrence du montant de l'indemnité qu'il a perçue de l'assureur du responsable du dommage au titre du même chef de préjudice, présente à juger une question de compétence soulevant une difficulté sérieuse et de nature à justifier le recours à la procédure prévue par les dispositions de l'article 35 du décret du

27 février 2015 citées au point précédent. Par suite, il y a lieu de renvoyer au Tribunal des conflits la question de savoir quel est l'ordre de juridiction compétent pour connaître de cette action et de surseoir à statuer sur le pourvoi du ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, jusqu'à la décision de ce tribunal.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'affaire est renvoyée au Tribunal des conflits.

Article 2 : Il est sursis à statuer sur le pourvoi du ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique jusqu'à ce que le Tribunal des conflits ait tranché la question de l'ordre de juridiction compétent pour y statuer.

Article 3 : La présente décision sera notifiée au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique et à M. B... A....

Délibéré à l'issue de la séance du 26 juin 2024 où siégeaient : M. Christophe Chantepy, président de la section du contentieux, présidant ; M. Bertrand Dacosta, Mme Anne Egerszegi, présidents de chambre ; M. Olivier Yeznikian, Mme Rozen Noguellou, M. Nicolas Polge, M. Vincent Daumas, M. Didier Ribes, conseillers d'Etat, et M. Vincent Mazauric, conseiller d'Etat-rapporteur.

Rendu le 19 juillet 2024.

Le président :

Signé : M. Christophe Chantepy

Le rapporteur :

Signé : M. Vincent Mazauric

La secrétaire :

Signé : Mme Fehmida Ghulam

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

Pour la secrétaire du contentieux, par délégation :


Synthèse
Formation : 9ème - 10ème chambres réunies
Numéro d'arrêt : 476213
Date de la décision : 19/07/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 19 jui. 2024, n° 476213
Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Vincent Mazauric
Rapporteur public ?: Mme Emilie Bokdam-Tognetti
Avocat(s) : SCP OHL, VEXLIARD

Origine de la décision
Date de l'import : 21/07/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2024:476213.20240719
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