Vu la procédure suivante :
La société Fillé ENERGIE a demandé au tribunal administratif de Nantes de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires de taxe foncière sur les propriétés bâties et de cotisation foncière des entreprises auxquelles elle a été assujettie, respectivement, au titre de l'année 2016 et des années 2015 et 2016, dans les rôles de la commune de Fillé-sur-Sarthe (Sarthe), à raison des terrains sur lesquels elle exploite une centrale photovoltaïque. Par un jugement n° 1908602 du 25 février 2022, ce tribunal a rejeté sa demande.
Par un arrêt n° 22NT01252 du 26 mai 2023, la cour administrative d'appel de Nantes a transmis au Conseil d'Etat, en application de l'article R. 351-2 du code de justice administrative, les conclusions du pourvoi formé par la société Fillé ENERGIE contre ce jugement et enregistré au greffe de cette cour le 25 avril 2023, tendant à la décharge des suppléments de taxe foncière sur les propriétés bâties.
Par ce pourvoi et deux mémoires, enregistrés au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat le 2 octobre 2023 et le 24 janvier 2024, la société Fillé ENERGIE demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler ce jugement en tant qu'il porte sur les suppléments de taxe foncière sur les propriétés bâties;
2°) réglant l'affaire au fond dans cette mesure, de faire droit à sa demande ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Olivier Saby, maître des requêtes,
- les conclusions de Mme Emilie Bokdam-Tognetti, rapporteure publique ;
La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Piwnica et Molinié, avocat de la société Fillé ENERGIE ;
Considérant ce qui suit :
1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond qu'à l'issue d'une vérification de comptabilité, la société Fillé ENERGIE qui exploite une centrale photovoltaïque sur le territoire de la commune de Fillé-sur-Sarthe (Sarthe) a été assujettie à des cotisations supplémentaires de taxe foncière sur les propriétés bâties au titre de l'année 2016 et de cotisation foncière des entreprises au titre des années 2015 et 2016. Elle se pourvoit en cassation contre le jugement du 25 février 2022 du tribunal administratif de Nantes, en tant que, par ce jugement, le tribunal a rejeté sa demande tendant à la décharge des suppléments de taxe foncière sur les propriétés bâties.
Sur le terrain de la loi fiscale :
2. Aux termes de l'article 1380 du code général des impôts : " La taxe foncière est établie annuellement sur les propriétés bâties sises en France à l'exception de celles qui en sont expressément exonérées par les dispositions du présent code. ". Aux termes de l'article 1381 du même code : " Sont également soumis à la taxe foncière sur les propriétés bâties : / (...) / 5° A l'exception de ceux mentionnés au dernier alinéa de l'article 1393, les terrains non cultivés employés à un usage commercial ou industriel, tels que chantiers, lieux de dépôt de marchandises et autres emplacements de même nature, soit que le propriétaire les occupe, soit qu'il les fasse occuper par d'autres à titre gratuit ou onéreux ; "
3. Les dispositions du 5° de l'article 1381 du code général des impôts ont pour objet d'assujettir à la taxe foncière sur les propriétés bâties les terrains non cultivés productifs de revenus spécifiques à raison de leur usage commercial ou industriel. Sont regardés comme non cultivés au sens et pour l'application de ces dispositions les terrains dont la culture constitue une activité accessoire. Sont employés à un usage industriel, au sens et pour l'application de ces mêmes dispositions, les terrains sur lesquels est réalisée une activité nécessitant d'importants moyens techniques, non seulement lorsque cette activité consiste dans la fabrication ou la transformation de biens corporels mobiliers, mais aussi lorsque le rôle des installations techniques, matériels et outillages mis en œuvre, fût-ce pour les besoins d'une autre activité, est prépondérant.
4. Il ressort des énonciations du jugement attaqué qu'après avoir relevé, par une appréciation souveraine exempte de dénaturation, que les terrains en litige sur lesquels était exploitée une centrale photovoltaïque devaient être regardés comme étant employés à un usage industriel et qu'il avait été procédé à leur ensemencement de diverses variétés de plantes fourragères, en vue seulement de recourir au pâturage par des troupeaux d'ovins pour assurer leur entretien dans le cadre d'une convention conclue avec un exploitant agricole que la société Fillé ENERGIE rémunérait à cette fin, le tribunal administratif a jugé que ces terrains constituaient des terrains non cultivés employés à un usage industriel au sens du 5° de l'article 1381 du code général des impôts, passibles de la taxe foncière sur les propriétés bâties sur le fondement de ces dispositions. Il résulte de ce qui a été dit au point 3 qu'en statuant ainsi, le tribunal, qui a suffisamment motivé son jugement, n'a pas commis d'erreur de droit ni inexactement qualifié les faits qui lui étaient soumis.
Sur le terrain de l'interprétation de la loi fiscale :
5. En jugeant qu'en l'absence de paragraphe n° 400 au BOI-IF-TFB-10-10-40, la société Fillé ENERGIE ne pouvait se prévaloir, sur le fondement de l'article L. 80 du livre des procédures fiscales, de l'interprétation de la loi fiscale qui résulterait des commentaires administratifs qui seraient publiés sous cette référence, le tribunal administratif ne s'est pas mépris sur la portée des écritures de la requérante et n'a pas commis d'erreur de droit en ne recherchant pas si elle pouvait se prévaloir de commentaires publiés sous d'autres références.
6. Il résulte de tout ce qui précède que la société Fillé ENERGIE n'est pas fondée à demander l'annulation du jugement du tribunal administratif de Nantes en tant qu'il a rejeté sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires de taxe foncière sur les propriétés bâties.
7. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante.
D E C I D E :
--------------
Article 1er : Le pourvoi présenté par la société Fillé ENERGIE est rejeté.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à la société Fillé ENERGIE et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
Délibéré à l'issue de la séance du 26 juin 2024 où siégeaient : M. Christophe Chantepy, président de la section du contentieux, présidant ; M. Bertrand Dacosta, Mme Anne Egerszegi, présidents de chambre ; M. Olivier Yeznikian, Mme Rozen Noguellou, M. Nicolas Polge, M. Vincent Daumas, M. Didier Ribes, conseillers d'Etat et M. Olivier Saby, maître des requêtes-rapporteur.
Rendu le 19 juillet 2024.
Le président :
Signé : M. Christophe Chantepy
Le rapporteur :
Signé : M. Olivier Saby
La secrétaire :
Signé : Mme Fehmida Ghulam
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
Pour la secrétaire du contentieux, par délégation :