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18/07/2024 | FRANCE | N°492880

France | France, Conseil d'État, 7ème chambre, 18 juillet 2024, 492880


Vu la procédure suivante :



M. C... B... et M. A... D... ont demandé au juge des référés du tribunal administratif de Nice, statuant en application de l'article L. 551-1 du code de justice administrative, d'enjoindre à la commune de Menton de leur communiquer ainsi qu'au juge des référés les motifs détaillés du rejet de leur offre et les caractéristiques et avantages relatifs de l'offre retenue dans un délai de huit jours à compter de la notification de l'ordonnance du tribunal et d'annuler les procédures de délégation de service public organisées

par la commune de Menton pour la concession des lots nos 1 et 9 de l'exploita...

Vu la procédure suivante :

M. C... B... et M. A... D... ont demandé au juge des référés du tribunal administratif de Nice, statuant en application de l'article L. 551-1 du code de justice administrative, d'enjoindre à la commune de Menton de leur communiquer ainsi qu'au juge des référés les motifs détaillés du rejet de leur offre et les caractéristiques et avantages relatifs de l'offre retenue dans un délai de huit jours à compter de la notification de l'ordonnance du tribunal et d'annuler les procédures de délégation de service public organisées par la commune de Menton pour la concession des lots nos 1 et 9 de l'exploitation de la plage des Sablettes à Menton.

Par une ordonnance n° 2400856 du 8 mars 2024, le juge des référés du tribunal administratif de Nice a annulé ces procédures.

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 25 mars et 9 avril 2024 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la commune de Menton demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cette ordonnance ;

2°) statuant en référé, de rejeter les conclusions présentées par MM. B... et D... devant le juge des référés du tribunal administratif de Nice ;

3°) de mettre à la charge solidaire de MM. B... et D... la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de la commande publique ;

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Didier Ribes, conseiller d'Etat,

- les conclusions de M. Marc Pichon de Vendeuil, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Bauer-Violas - Feschotte-Desbois - Sebagh, avocat de la commune de Menton ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis au juge des référés que, par un avis du 3 octobre 2023, la commune de Menton a lancé une procédure d'appel d'offres en vue de l'attribution de la délégation de service public portant sur l'exploitation de cinq lots de la plage des Sablettes à Menton. Par courrier du 6 février 2024, la commune de Menton a informé MM. B... et D... que les offres qu'ils avaient déposées pour les lots n os 1 et 9 ne faisaient pas partie de celles retenues par la commission de délégation de service public. La commune de Menton se pourvoit en cassation contre l'ordonnance du 8 mars 2024 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Nice a, à la demande de MM. B... et D..., annulé les procédures de passation des concessions des lots nos 1 et 9.

2. Aux termes de l'article L. 551-1 du code de justice administrative : " Le président du tribunal administratif, ou le magistrat qu'il délègue, peut être saisi en cas de manquement aux obligations de publicité et de mise en concurrence auxquelles est soumise la passation par les pouvoirs adjudicateurs de contrats administratifs ayant pour objet l'exécution de travaux, la livraison de fournitures ou la prestation de services, avec une contrepartie économique constituée par un prix ou un droit d'exploitation, la délégation d'un service public (...) / Le juge est saisi avant la conclusion du contrat ". Selon l'article L. 551-2 du même code : " Le juge peut ordonner à l'auteur du manquement de se conformer à ses obligations et suspendre l'exécution de toute décision qui se rapporte à la passation du contrat, sauf s'il estime, en considération de l'ensemble des intérêts susceptibles d'être lésés et notamment de l'intérêt public, que les conséquences négatives de ces mesures pourraient l'emporter sur leurs avantages. Il peut, en outre, annuler les décisions qui se rapportent à la passation du contrat et supprimer les clauses ou prescriptions destinées à figurer dans le contrat et qui méconnaissent lesdites obligations. (...) ". Aux termes de l'article L. 551-10 de ce code : " Les personnes habilitées à engager les recours prévus aux articles L. 551-1 et L. 551-5 sont celles qui ont un intérêt à conclure le contrat et qui sont susceptibles d'être lésées par le manquement invoqué (...) ". En application de ces dispositions, il appartient au juge des référés précontractuels de rechercher si l'entreprise qui le saisit se prévaut de manquements qui, eu égard à leur portée et au stade de la procédure auquel ils se rapportent, sont susceptibles de l'avoir lésée ou risquent de la léser, fût-ce de façon indirecte en avantageant une entreprise concurrente.

3. En premier lieu, la circonstance que l'offre du concurrent évincé, auteur du référé contractuel, soit irrégulière ne fait pas obstacle à ce qu'il puisse se prévaloir de l'irrégularité de l'offre de la société attributaire du contrat en litige.

4. Il ressort des pièces du dossier soumis au juge des référés du tribunal administratif de Nice que les lots nos 1 et 9 ont été respectivement attribués à la société AJP solutions et à la société SLC Développement III. Par une appréciation souveraine exempte de dénaturation, le juge des référés a relevé que les offres de ces candidats comportaient, comme celles des requérants qui n'ont pourtant pas été admis à négocier, des non-conformités et insuffisances au regard du règlement de la consultation. Par suite, la circonstance que, par des motifs surabondants, le juge des référés a relevé que des offres non retenues étaient également irrégulières n'est, en tout état de cause, pas de nature à entacher d'erreur de droit l'ordonnance attaquée.

5. En deuxième lieu, il n'appartient pas au juge du référé précontractuel de se prononcer sur l'appréciation portée sur la valeur d'une offre ou les mérites respectifs des différentes offres. Il lui appartient, en revanche, lorsqu'il est saisi d'un moyen en ce sens, de vérifier que le pouvoir adjudicateur n'a pas dénaturé le contenu d'une offre en en méconnaissant ou en en altérant manifestement les termes et procédé ainsi au choix de l'attributaire du contrat en méconnaissance du principe fondamental d'égalité de traitement des candidats.

6. Il ressort des énonciations de l'ordonnance attaquée que le juge des référés a constaté que des documents non-conformes ou insuffisants ont été notés " rouge " s'agissant des offres de MM. B... et D... alors que des documents présentés par des candidats admis à négocier et affectés de ces mêmes manquements ont été notés " jaune " ou " vert ". Le juge des référés en a conclu, au terme d'une appréciation souveraine des faits et sans se prononcer sur l'appréciation portée sur la valeur d'une offre ou les mérites respectifs des différentes offres, que l'autorité concédante avait méconnu le principe d'égalité de traitement des candidats et de transparence des procédures. Par suite, les moyens tirés de ce que le juge des référés aurait commis une erreur de droit, méconnu son office et dénaturé les pièces du dossier ne peuvent qu'être écartés.

7. Toutefois, compte tenu du manquement relevé qui se rapportait à la phase d'admission des candidats à la négociation, le juge des référés a commis une erreur de droit en annulant l'ensemble de la procédure. Par suite, la commune de Menton est fondée à demander l'annulation de l'ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Nice en tant seulement qu'elle a annulé la procédure d'attribution des concessions pour les lots nos 1 et 9 à un stade antérieur à la phase d'admission des candidats à négocier.

8. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler, dans cette mesure, l'affaire au titre de la procédure de référé engagée, en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative.

9. Aux termes de l'article R. 3121-1 du code de la commande publique : " La valeur estimée du contrat de concession est calculée selon une méthode objective, précisée dans les documents de la consultation mentionnés à l'article R. 3122-7. Elle correspond au chiffre d'affaires total hors taxes du concessionnaire pendant la durée du contrat. / Le choix de la méthode de calcul utilisée par l'autorité concédante ne peut avoir pour effet de soustraire le contrat de concession aux dispositions du présent livre qui lui sont applicables, notamment en scindant les travaux ou services ".

10. Il résulte de l'instruction que l'avis de concession publié par la commune de Menton indiquait une valeur estimée de 300 000 euros hors taxes sur une durée de 144 mois pour le lot n° 1 et une valeur estimée de 360 000 euros hors taxes sur une durée de 144 mois pour le lot n° 9. Toutefois, si ni cet avis ni le règlement de la consultation ne comportaient d'indication sur la méthode de calcul de la valeur estimée des contrats, le moyen tiré de ce que la commune n'a pas précisé la méthode de calcul de la valeur estimée des contrats de concession pour les lots nos 1 et 9 ne peut être regardé, dans les circonstances de l'espèce, comme ayant été susceptible de léser MM. B... et D... qui n'ont pas été dissuadés de remettre leurs candidatures et qui étaient, au surplus, en mesure de demander des précisions après la sélection de leurs candidatures.

11. MM. B... et D... ne se prévalant d'aucun autre manquement antérieur à la phase d'admission à la négociation, leurs conclusions tendant à l'annulation de l'ensemble des procédures de délégation des lots nos 1 et 9 ne peuvent qu'être rejetées.

12. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par les parties au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

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Article 1er : L'article 1er de l'ordonnance du 8 mars 2024 du juge des référés du tribunal administratif de Nice est annulé en tant qu'il a annulé les procédures de délégation de service public pour la concession des lots nos 1 et 9 de l'exploitation de la plage des Sablettes à Menton à un stade antérieur à la phase d'admission des candidats à négocier.

Article 2 : Le surplus des conclusions de la demande de MM. B... et D... devant le juge des référés du tribunal administratif de Nice est rejeté.

Article 3 : Les conclusions présentées par la commune de Menton au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à la commune de Menton, à M. C... B..., à M. A... D..., à la société AJP Solutions et à la société SLC Développement III.


Synthèse
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 492880
Date de la décision : 18/07/2024
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 18 jui. 2024, n° 492880
Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Didier Ribes
Rapporteur public ?: M. Marc Pichon de Vendeuil
Avocat(s) : SCP BAUER-VIOLAS - FESCHOTTE-DESBOIS - SEBAGH

Origine de la décision
Date de l'import : 21/07/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2024:492880.20240718
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