La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

18/07/2024 | FRANCE | N°492495

France | France, Conseil d'État, 7ème chambre, 18 juillet 2024, 492495


Vu la procédure suivante :



M. B... A... a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Cergy-Pontoise, statuant sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, d'ordonner la suspension de l'exécution de la décision du 4 novembre 2023 par laquelle le préfet du Val-d'Oise a refusé de lui délivrer un titre de séjour et d'enjoindre au préfet de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler dans un délai d'un mois et sous astreinte de 100 euros par jour de retard.



Par une ordonnance n° 2317224 du 5 février 2024, le juge des référés du tribun...

Vu la procédure suivante :

M. B... A... a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Cergy-Pontoise, statuant sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, d'ordonner la suspension de l'exécution de la décision du 4 novembre 2023 par laquelle le préfet du Val-d'Oise a refusé de lui délivrer un titre de séjour et d'enjoindre au préfet de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler dans un délai d'un mois et sous astreinte de 100 euros par jour de retard.

Par une ordonnance n° 2317224 du 5 février 2024, le juge des référés du tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté cette demande.

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 11 et 27 mars 2024 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. A... demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cette ordonnance ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros à verser à la SAS Zribi et Texier, son avocat, au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention franco-ivoirienne du 21 septembre 1992 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Didier Ribes, conseiller d'Etat,

- les conclusions de M. Marc Pichon de Vendeuil, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Zribi et Texier, avocat de M. A... ;

Considérant ce qui suit :

1. Aux termes du premier alinéa de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : " Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision ". Selon l'article L. 522-3 du même code : " Lorsque la demande ne présente pas un caractère d'urgence ou lorsqu'il apparaît manifeste, au vu de la demande, que celle-ci ne relève pas de la compétence de la juridiction administrative, qu'elle est irrecevable ou qu'elle est mal fondée, le juge des référés peut la rejeter par une ordonnance motivée sans qu'il y ait lieu d'appliquer les deux premiers alinéas de l'article L. 522-1 ".

2. Il ressort des pièces du dossier soumis au juge des référés que, par une décision du 4 décembre 2023, le préfet du Val-d'Oise a refusé de délivrer à M. A..., ressortissant ivoirien, un titre de séjour portant la mention " étudiant " au motif que celui-ci ne justifiait pas d'un visa de long séjour et l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours. M. A... a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Cergy-Pontoise de suspendre l'exécution de cette décision. Par une ordonnance du 5 février 2023, contre laquelle M. A... se pourvoit en cassation, le juge des référés a rejeté cette demande.

3. Aux termes de l'article 9 de la convention franco-ivoirienne du 21 septembre 1992 relative à la circulation et au séjour des personnes : " Les ressortissants de chacun des Etats contractants désireux de poursuivre des études supérieures (...) sur le territoire de l'autre Etat doivent, outre le visa de long séjour prévu à l'article 4, justifier d'une attestation d'inscription ou de préinscription dans l'établissement d'enseignement choisi (...), ainsi que, dans tous les cas, de moyens d'existence suffisants. / Les intéressés reçoivent un titre de séjour temporaire portant la mention " étudiant ". Ce titre de séjour est renouvelé annuellement sur justification de la poursuite effective des études (...) et de la possession de moyens d'existence suffisants. / Ces dispositions ne font pas obstacle à la possibilité d'effectuer dans l'autre Etat d'autres types d'études ou de stages de formation dans les conditions prévues par la législation applicable ". Selon l'article 14 de cette convention : " Les points non traités par la convention en matière d'entrée et de séjour des étrangers sont régis par les législations respectives des deux Etats ".

4. Aux termes de l'article L. 422-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui établit qu'il suit un enseignement en France ou qu'il y fait des études et qui justifie disposer de moyens d'existence suffisants se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " étudiant " d'une durée inférieure ou égale à un an. / En cas de nécessité liée au déroulement des études ou lorsque l'étranger a suivi sans interruption une scolarité en France depuis l'âge de seize ans et y poursuit des études supérieures, l'autorité administrative peut accorder cette carte de séjour sous réserve d'une entrée régulière en France et sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. / Cette carte donne droit à l'exercice, à titre accessoire, d'une activité professionnelle salariée dans la limite de 60 % de la durée de travail annuelle ". Selon l'article L. 422-2 du même code : " La carte de séjour prévue à l'article L. 422-1 est également délivrée lors de sa première admission au séjour, sans avoir à justifier de ses conditions d'existence et sans que soit exigée la condition prévue à l'article L. 412-1, à l'étranger ayant satisfait aux épreuves du concours d'entrée dans un établissement d'enseignement supérieur ayant signé une convention avec l'Etat ".

5. Il ressort des pièces du dossier soumis au juge des référés que M. A... soutenait que, alors qu'il avait été admis dans un établissement d'enseignement supérieur à la suite de sa réussite aux épreuves du concours commun aux écoles d'actuariat et statistiques, le préfet du Val-d'Oise avait commis une erreur de droit en refusant de faire application à sa situation des dispositions précitées de l'article L. 422-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui ne subordonnent pas la délivrance d'une carte de séjour temporaire portant la mention " étudiant " à la production d'un visa de long séjour. En jugeant que les moyens soulevés par le requérant n'étaient pas de nature à créer un doute sérieux quant à la légalité de la décision attaquée, le juge des référés du tribunal administratif de Cergy-Pontoise a commis une erreur de droit.

6. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur l'autre moyen du pourvoi, que M. A... est fondé à demander l'annulation de l'ordonnance qu'il attaque.

7. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler l'affaire au titre de la procédure de référé engagée en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative.

8. En premier lieu, en raison de l'intérêt qui s'attache pour M. A... à ce qu'il puisse poursuivre son cycle d'études universitaires, la condition d'urgence posée par l'article L. 521-1 du code de justice administrative doit, en l'espèce, être regardée comme remplie.

9. En second lieu, il résulte de ce qui a été dit au point 5 que, en l'état de l'instruction, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 422-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile est de nature à faire naitre un doute sérieux quant à la légalité de la décision contestée.

10. Il s'ensuit que M. A... est fondé à demander la suspension de l'exécution de la décision du 4 novembre 2023 par laquelle le préfet du Val-d'Oise a refusé de lui délivrer un titre de séjour, jusqu'à ce qu'il soit statué au fond sur la demande tendant à son annulation. En l'espèce, il y a lieu d'enjoindre au préfet du Val-d'Oise de réexaminer la demande de M. A... dans un délai d'un mois à compter de la notification qui lui sera faite de la présente décision et de lui délivrer, dans l'attente, une autorisation provisoire de séjour. Il n'y a, en revanche, pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte.

11. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros à verser à la SAS Zribi et Texier, avocat de M. A..., au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique, sous réserve que cette société renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'ordonnance du 5 février 2024 du juge des référés du tribunal administratif de Cergy-Pontoise est annulée.

Article 2 : L'exécution de la décision du 4 novembre 2023 par laquelle le préfet du Val-d'Oise a refusé de délivrer un titre de séjour à M. A... est suspendue jusqu'à ce qu'il soit statué sur la demande présentée par l'intéressé devant le tribunal administratif de Cergy-Pontoise.

Article 3 : Il est enjoint au préfet du Val-d'Oise de réexaminer la demande de M. A... dans un délai d'un mois à compter de la notification de la présente décision et de lui délivrer, dans l'attente, une autorisation provisoire de séjour.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la demande présentée par M. A... devant le juge des référés du tribunal administratif de Cergy-Pontoise est rejeté.

Article 5 : L'Etat versera à la SAS Zribi et Texier, avocat de M. A..., la somme de 3 000 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que cette société renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.

Article 6 : La présente décision sera notifiée à M. B... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.


Synthèse
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 492495
Date de la décision : 18/07/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 18 jui. 2024, n° 492495
Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Didier Ribes
Rapporteur public ?: M. Marc Pichon de Vendeuil
Avocat(s) : SCP ZRIBI, TEXIER

Origine de la décision
Date de l'import : 21/07/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2024:492495.20240718
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award