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15/07/2024 | FRANCE | N°492788

France | France, Conseil d'État, 2ème chambre, 15 juillet 2024, 492788


Vu la procédure suivante :



Par une requête sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 21 mars et 11 avril 2024 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. B... A... demande au Conseil d'Etat :



1°) d'annuler pour excès de pouvoir le décret du 14 février 2024 accordant son extradition aux autorités argentines ;



2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 500 euros à verser à la SCP Gatineau, Fattacini et Rebeyrol, son avocat, au titre des articles L. 761-1 du code de ju

stice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.





Vu les autres pièces d...

Vu la procédure suivante :

Par une requête sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 21 mars et 11 avril 2024 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. B... A... demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir le décret du 14 février 2024 accordant son extradition aux autorités argentines ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 500 euros à verser à la SCP Gatineau, Fattacini et Rebeyrol, son avocat, au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le traité d'extradition entre la République française et la République argentine, signé à Paris le 26 juillet 2011 ;

- le code pénal ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- les arrêts de la Cour de justice de l'Union européenne des 6 septembre 2016, Petruhhin (C-182/15), et 17 décembre 2020, BY (C 398/19) ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Jérôme Goldenberg, conseiller d'Etat en service extraordinaire,

- les conclusions de Mme Dorothée Pradines, rapporteure publique,

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Gatineau, Fattaccini, Rebeyrol, avocat de M. A... ;

Considérant ce qui suit :

1. Par le décret attaqué, le Premier ministre a accordé aux autorités argentines l'extradition de M. B... A..., de nationalité roumaine, aux fins de poursuites fondées sur un mandat d'arrêt en date du 4 mars 2022 délivré par le tribunal pénal collégial n°1 du premier district judiciaire de Mendoza (Argentine) et sur une demande d'extradition en date du 9 octobre 2023 pour des faits qualifiés de coercition commise dans le contexte de violence basée sur le genre.

2. En premier lieu, il ressort des mentions de l'ampliation du décret attaqué, certifiée conforme par la secrétaire générale du gouvernement, que ce décret a été signé par le Premier ministre et par le garde des sceaux, ministre de la justice. La circonstance que l'ampliation notifiée à M. A... ne comporte pas ces signatures est sans incidence sur la légalité du décret attaqué.

3. En deuxième lieu, le décret attaqué comporte l'énoncé des considérations de fait et de droit qui en constituent le fondement et mentionne notamment que le quantum de la peine prononcée répond aux exigences de l'article 2 du traité d'extradition entre la République française et la République argentine. Il satisfait ainsi à l'exigence de motivation prévue aux articles L. 211-2 et L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration.

4. En troisième lieu, dans son arrêt du 6 septembre 2016, Petruhhin (C 182/15), la Cour de justice de l'Union européenne a dit pour droit que les articles 18 et 21 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne doivent être interprétés en ce sens que, lorsqu'un État membre dans lequel un citoyen de l'Union, ressortissant d'un autre État membre, s'est déplacé, se voit adresser une demande d'extradition par un État tiers avec lequel le premier État membre a conclu un accord d'extradition, il est tenu d'informer l'État membre dont ce citoyen a la nationalité et, le cas échéant, à la demande de ce dernier État membre, de lui remettre ce citoyen, conformément aux dispositions de la décision-cadre 2002/584/JAI du Conseil du 13 juin 2002 relative au mandat d'arrêt européen et aux procédures de remise entre États membres, pourvu que cet État membre soit compétent, en vertu de son droit national, pour poursuivre cette personne pour des faits commis en dehors de son territoire national.

5. Par son arrêt du 17 décembre 2020, BY (C 398/19), la Cour a précisé que l'État membre requis satisfait à son obligation d'information en mettant les autorités compétentes de l'État membre dont la personne réclamée a la nationalité à même de réclamer cette personne dans le cadre d'un mandat d'arrêt européen et qu'à cet effet, conformément au principe de coopération loyale, inscrit à l'article 4 du Traité sur l'Union européenne, il incombe à l'État membre requis d'informer les autorités compétentes de l'État membre dont la personne réclamée a la nationalité non seulement de l'existence d'une demande d'extradition la visant, mais encore de l'ensemble des éléments de droit et de fait communiqués par l'État tiers requérant dans le cadre de cette demande d'extradition. Elle a ajouté qu'il incombe également à l'État membre requis de tenir ces autorités informées de tout changement de la situation dans laquelle se trouve la personne réclamée, pertinent aux fins de l'éventuelle émission contre elle d'un mandat d'arrêt européen.

6. Il ressort des pièces du dossier que les autorités roumaines ont été informées par courriel du 31 août 2023 de l'interpellation de M. A... et de la réception d'une demande d'arrestation provisoire de l'Argentine aux fins d'extradition pour l'exercice de poursuites pénales pour les faits visés au point 1, et ont été invitées, " en application de la jurisprudence Petruhhin de la Cour de justice de l'Union européenne ", à faire savoir si elles entendaient émettre un mandat d'arrêt européen pour ces faits. Par un courriel du 14 septembre 2023, elles ont répondu négativement. Par suite, le moyen tiré de ce que les autorités françaises auraient manqué à leur obligation d'information à l'égard de l'Etat de nationalité de la personne réclamée doit être écarté.

7. En quatrième lieu, les faits sur lesquels se fondent les poursuites à l'encontre de M. A... constituent des infractions qui ont leur équivalent dans la législation française sous la qualification de menace de mort, prévue et réprimée par le second alinéa de l'article 222-17 du code pénal d'une peine de trois ans d'emprisonnement. Par suite, le moyen tiré de ce que le décret attaqué n'aurait pas respecté la règle de la double incrimination doit être écarté.

8. En dernier lieu, si M. A... fait valoir que la demande d'extradition du 30 août 2023 qualifie les faits reprochés de coercition commise dans le contexte de violence basée sur le genre, alors que le mandat d'arrêt du 4 mars 2022 les qualifie de " menaces simples dans le cadre de violence de genre ", il ressort des pièces du dossier que cette demande reprend la qualification des faits telle que modifiée par un acte du ministère public en date du 29 août 2023. Dans ces conditions, le moyen tiré de l'irrégularité de la demande d'extradition ne peut qu'être écarté.

9. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à demander l'annulation pour excès de pouvoir du décret du 14 février 2024 accordant son extradition aux autorités argentines. Ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ne peuvent, en conséquence, qu'être rejetées.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. B... A... et au garde des sceaux, ministre de la justice.

Délibéré à l'issue de la séance du 20 juin 2024 où siégeaient : M. Nicolas Boulouis, président de chambre, présidant ; M. Jean-Yves Ollier, conseiller d'Etat et M. Jérôme Goldenberg, conseiller d'Etat en service extraordinaire-rapporteur.

Rendu le 15 juillet 2024.

Le président :

Signé : M. Nicolas Boulouis

Le rapporteur :

Signé : M. Jérôme Goldenberg

La secrétaire :

Signé : Mme Sandrine Mendy


Synthèse
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 492788
Date de la décision : 15/07/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 15 jui. 2024, n° 492788
Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Jérôme Goldenberg
Rapporteur public ?: Mme Dorothée Pradines
Avocat(s) : SCP GATINEAU, FATTACCINI, REBEYROL

Origine de la décision
Date de l'import : 17/07/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2024:492788.20240715
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