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11/07/2024 | FRANCE | N°471124

France | France, Conseil d'État, 4ème chambre, 11 juillet 2024, 471124


Vu la procédure suivante :



M. C... B... a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 3 avril 2020 par laquelle l'inspectrice du travail de l'unité de contrôle n° 1 de l'unité départementale de la Seine-Saint-Denis a autorisé la société Transports Rapides Automobiles à procéder à son licenciement pour motif disciplinaire. Par un jugement n° 2005093 du 10 janvier 2022, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté cette demande.



Par un arrêt n° 22PA01133 du 6 décembr

e 2022, la cour administrative d'appel de Paris a, sur appel de M. B..., annulé ce jugement...

Vu la procédure suivante :

M. C... B... a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 3 avril 2020 par laquelle l'inspectrice du travail de l'unité de contrôle n° 1 de l'unité départementale de la Seine-Saint-Denis a autorisé la société Transports Rapides Automobiles à procéder à son licenciement pour motif disciplinaire. Par un jugement n° 2005093 du 10 janvier 2022, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté cette demande.

Par un arrêt n° 22PA01133 du 6 décembre 2022, la cour administrative d'appel de Paris a, sur appel de M. B..., annulé ce jugement et la décision du 3 avril 2020 de l'inspectrice du travail autorisant son licenciement.

Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un nouveau mémoire, enregistrés au secrétariat du contentieux du Conseil d'État le 6 février et les 5 et 9 mai 2023, la société Transports Rapides Automobiles et la société Transdev Nord Seine-Saint-Denis demandent au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) réglant l'affaire au fond, de rejeter l'appel de M. B... ;

3°) de mettre à la charge de M. B... la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de la justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code du travail ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Laurent Cabrera, conseiller d'Etat,

- les conclusions de M. Jean-François de Montgolfier, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Célice, Texidor, Perier, avocat de la société Transports Rapides Automobiles et de la société Transdev Nord Seine-Saint-Denis et à Me Carbonnier, avocat de M. B... ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la société Transports Rapides Automobiles (TRA) a sollicité auprès de l'inspectrice du travail de l'unité de contrôle n° 1 de l'unité départementale de la Seine-Saint-Denis, le 19 février 2020, l'autorisation de licencier pour motif disciplinaire M. C... B..., salarié protégé. Par une décision du 3 avril 2020, l'inspectrice du travail a autorisé son licenciement pour faute grave en raison de menaces de mort et d'insultes proférées à l'occasion de l'exercice de ses mandats et à l'issue des élections professionnelles à l'encontre d'une salariée de l'entreprise, représentante syndicale. Par un jugement du 10 janvier 2022, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté la demande de M. B... tendant à l'annulation pour excès de pouvoir de cette décision. Par un arrêt du 6 décembre 2022, contre lequel la société TRA et la société Transdev Nord Seine-Saint-Denis se pourvoient, la cour administrative d'appel de Paris, sur appel de M. B... a annulé le jugement du tribunal administratif et la décision du 19 février 2020.

2. En vertu des dispositions du code du travail, le licenciement des salariés légalement investis de fonctions représentatives, qui bénéficient d'une protection exceptionnelle dans l'intérêt de l'ensemble des travailleurs qu'ils représentent, ne peut intervenir que sur autorisation de l'inspecteur du travail. Lorsque leur licenciement est envisagé, celui-ci ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées ou avec leur appartenance syndicale. Dans le cas où la demande de licenciement est motivée par un comportement fautif, il appartient à l'inspecteur du travail saisi et, le cas échéant, au ministre compétent, de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si les faits reprochés au salarié sont d'une gravité suffisante pour justifier le licenciement, compte tenu de l'ensemble des règles applicables au contrat de travail de l'intéressé et des exigences propres à l'exécution normale du mandat dont il est investi.

3. Il résulte des énonciations de l'arrêt attaqué que pour juger que la matérialité du grief reproché à M. B... n'était pas suffisamment établie, la cour a retenu que la main courante déposée par Mme A... auprès du commissariat de police de Villepinte (Seine-Saint-Denis) ne le désigne pas nommément comme son agresseur et que deux attestations produites par des salariés de l'entreprise sont insuffisamment circonstanciées et précises et ne permettent pas, en particulier, de lever le doute sur le fait qu'une autre personne aurait pu se faire passer pour M. B... au téléphone. Il ressort toutefois des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la copie de la main courante déposée par Mme A... mentionne expressément M. B... comme l'auteur des insultes et menaces de mort dénoncés et que les attestations écrites, émanant de trois salariés de l'entreprise, relatent de manière concordante et étayée les insultes et des menaces de mort proférées par M. B... à l'encontre de Mme A... au moment des élections professionnelles dans l'entreprise, en décembre 2019, les salariés ayant au demeurant confirmé leurs témoignages lors de leurs auditions dans le cadre de l'enquête contradictoire conduite par l'administration, ainsi que l'a relevé l'inspectrice du travail dans sa décision du 3 avril 2020. Par suite, en statuant comme elle l'a fait, la cour administrative d'appel a dénaturé les pièces du dossier qui lui était soumis.

4. Il résulte de ce qui précède que, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens du pourvoi, la société TRA et la société Transdev Nord Seine-Saint-Denis sont fondées à demander l'annulation de l'arrêt qu'elles attaquent.

5. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de la société TRA et de la société Transdev Nord Seine-Saint-Denis, qui ne sont pas, dans la présente instance, les parties perdantes. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par la société TRA et la société Transdev Nord Seine-Saint-Denis au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Paris du 6 décembre 2022 est annulé.

Article 2 : L'affaire est renvoyée à la cour administrative d'appel de Paris.

Article 3 : Les conclusions présentées par la société Transports Rapides Automobiles et la société Transdev Nord Seine-Saint-Denis au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, sont rejetées.

Article 4 : Les conclusions présentées par M. B... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 sont rejetées.

Article 5 : La présente décision sera notifiée à la société Transports Rapides Automobiles, première requérante dénommée et à M. C... B....

Copie en sera adressée pour information à la ministre du travail, de la santé et des solidarités.


Synthèse
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 471124
Date de la décision : 11/07/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 11 jui. 2024, n° 471124
Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Laurent Cabrera
Rapporteur public ?: M. Jean-François de Montgolfier
Avocat(s) : CARBONNIER ; SCP CELICE, TEXIDOR, PERIER

Origine de la décision
Date de l'import : 14/07/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2024:471124.20240711
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