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10/07/2024 | FRANCE | N°488615

France | France, Conseil d'État, 5ème - 6ème chambres réunies, 10 juillet 2024, 488615


Vu la procédure suivante :



1° Sous le n° 488615, par une requête sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 28 septembre et 27 décembre 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la chambre syndicale des cochers chauffeurs de voitures de place CGT Taxis demande au Conseil d'Etat :



1°) d'annuler pour excès de pouvoir le décret n° 2023-683 du 28 juillet 2023 relatif aux modalités d'application de l'article 26 de la loi n° 2023-380 du 19 mai 2023 relative aux jeux Olympiques et Paralympiques de 2024 et

portant diverses autres dispositions ;



2°) de mettre à la charge de...

Vu la procédure suivante :

1° Sous le n° 488615, par une requête sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 28 septembre et 27 décembre 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la chambre syndicale des cochers chauffeurs de voitures de place CGT Taxis demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir le décret n° 2023-683 du 28 juillet 2023 relatif aux modalités d'application de l'article 26 de la loi n° 2023-380 du 19 mai 2023 relative aux jeux Olympiques et Paralympiques de 2024 et portant diverses autres dispositions ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

2° Sous le n° 490971, par une requête sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 17 janvier et 7 mars 2024 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la chambre syndicale des cochers chauffeurs de voiture de place CGT Taxis demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du préfet de police du 17 novembre 2023 portant attribution des autorisations de stationnement à titre expérimental dans le cadre de l'article 26 de la loi n°2023-380 du 19 mai 2023 relative aux jeux Olympiques et Paralympiques de 2024 ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

....................................................................................

Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu :

- la Constitution ;

- le code de commerce ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code des transports ;

- la loi n°2023-380 du 19 mai 2023 ;

- l'arrêté du 31 août 2023 portant augmentation du nombre de taxis parisiens ;

- la décision du 19 mars 2024 par laquelle le Conseil d'Etat, statuant au contentieux, n'a pas renvoyé au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionalité soulevée par la chambre syndicale des cochers chauffeurs de voitures de place CGT Taxis ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Ségolène Cavaliere, maîtresse des requêtes en service extraordinaire,

- les conclusions de M. Florian Roussel, rapporteur public.

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Richard, avocat de la chambre syndicale des cochers chauffeurs de voitures de Place CGT-Taxis et à la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, avocat de la société Hype.

Considérant ce qui suit :

1. La chambre syndicale des cochers chauffeurs de voitures de place CGT Taxis demande l'annulation pour excès de pouvoir, d'une part, du décret du 28 juillet 2023 relatif aux modalités d'application de l'article 26 de la loi du 19 mai 2023 relative aux jeux Olympiques et Paralympiques de 2024 et portant diverses autres dispositions, et, d'autre part, de l'arrêté du 17 novembre 2023 du préfet de police portant attribution des autorisations de stationnement à titre expérimental dans le cadre de cette même disposition. Il y a lieu de joindre ces deux requêtes, dont la seconde forme des conclusions connexes à celles de la première, pour statuer par une seule décision.

2. Aux termes de l'article 26 de la loi du 19 mai 2023 relative aux jeux Olympiques et Paralympiques de 2024 et portant diverses autres dispositions : " I. - Aux fins de contribuer, notamment pendant la période des jeux Olympiques et Paralympiques de 2024, à l'accessibilité des transports publics particuliers aux personnes utilisatrices de fauteuil roulant, le préfet de police de Paris peut, dans sa zone de compétence et jusqu'au 31 décembre 2024, délivrer à titre expérimental, par dérogation à l'article L. 3121-5 du code des transports, des autorisations de stationnement mentionnées à l'article L. 3121-1 du même code à des personnes morales exploitant des taxis. / Ces autorisations ne peuvent être délivrées qu'à des personnes morales titulaires d'autorisations de stationnement exploitées dans la zone de compétence du préfet de police de Paris. Elles ne peuvent être exploitées qu'avec des taxis accessibles aux personnes utilisatrices de fauteuil roulant. Elles sont incessibles et ont une durée de validité de cinq ans à compter de la date de leur délivrance. / Les conditions et les modalités d'attribution de ces autorisations sont définies par décret en Conseil d'Etat. Elles doivent notamment prendre en compte la capacité des personnes morales bénéficiaires à assurer l'exploitation de ces autorisations par des véhicules accessibles aux personnes en fauteuil roulant durant toute la période des jeux Olympiques et Paralympiques de 2024 et jusqu'à la fin de l'expérimentation, à faciliter les demandes de réservation préalable au bénéfice des personnes utilisatrices de fauteuil roulant et à permettre la transmission à l'autorité administrative des informations nécessaires à la réalisation de l'évaluation mentionnée au III du présent article. Les deux derniers alinéas de l'article L. 3121-5 du code des transports ne leur sont pas applicables. / II. - Par dérogation au I de l'article L. 3121-1-2 du code des transports, l'exploitation des autorisations de stationnement délivrées en application du I du présent article peut être assurée par des salariés ou par un locataire gérant auquel la location d'une autorisation et d'un taxi accessible aux personnes utilisatrices de fauteuil roulant a été concédée dans les conditions prévues aux articles L. 144 1 à L. 144-13 du code de commerce, le montant du loyer étant fixé en cohérence avec les coûts ou les charges supportés par chacune des parties. (...) ".

3. Ces dispositions ont pour objet, à titre expérimental, de donner compétence au préfet de police pour délivrer, dans un délai rapproché, de nouvelles autorisations de stationnement, incessibles et valables cinq ans, afin d'augmenter, notamment pendant les jeux Olympiques et Paralympiques de Paris de 2024, l'offre de transports pour les personnes utilisatrices de fauteuil roulant en région parisienne pour répondre aux besoins constatés. Ces dispositions prévoient, par dérogation à la procédure de droit commun prévue à l'article L. 3121-5 du code des transports réservée aux personnes physiques, que les autorisations de stationnement délivrées en application du dispositif expérimental qu'elles créent ne peuvent être attribuées qu'à des personnes morales titulaires d'autorisations de stationnement exploitées dans la zone de compétence du préfet de police.

Sur le décret du 28 juillet 2023 relatif aux modalités d'application de l'article 26 de la loi du 19 mai 2023 relative aux jeux Olympiques et Paralympiques de 2024 :

En ce qui concerne la légalité externe :

4. Aucune mesure d'exécution du décret attaqué n'incombant au ministre de l'intérieur et des outre-mer, le moyen tiré de ce qu'il aurait dû être contresigné par ce ministre ne peut qu'être écarté.

En ce qui concerne la légalité interne :

5. En premier lieu, par une décision du 19 mars 2024, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux, n'a pas renvoyé au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionalité relative à l'article 26 de la loi du 19 mai 2023 soulevée par la chambre syndicale requérante. La chambre syndicale requérante n'est dès lors pas fondée à soutenir que le décret attaqué devra être annulé par voie de conséquence de la déclaration d'inconstitutionnalité de cette disposition.

6. En deuxième lieu, les dispositions citées ci-dessus de l'article 26 de la loi du 19 mai 2023 prévoient que la personne morale à laquelle sont attribuées des autorisations de stationnement peut en assurer l'exploitation soit par des salariés soit par un locataire-gérant auquel la location d'une autorisation et d'un taxi accessible aux personnes utilisatrices de fauteuil roulant a été concédée dans les conditions prévues aux articles L. 144-1 à L. 144-13 du code de commerce. Dans cette dernière hypothèse, les dispositions du décret attaqué imposent, d'une part, à la personne morale titulaire de l'autorisation d'informer le préfet de police du mode d'exploitation retenu, de tenir un registre des personnes à qui l'exploitation est confiée et de transmettre chaque année au préfet de police des informations sur les conditions de l'exploitation, notamment le nombre de courses réalisées au profit des personnes utilisatrices de fauteuil roulant. Elles prévoient d'autre part que le locataire-gérant est soumis aux obligations prévues par les articles 1er et 7 du décret, relatives respectivement à la réalisation de courses au profit de ces mêmes personnes et à l'activité effective et continue qui doit être assurée durant toute la période des jeux Olympiques et Paralympiques de l'été 2024 ainsi qu'à la transmission au préfet de police des informations nécessaires à l'évaluation du dispositif. En définissant ainsi les conditions d'exploitation auxquelles doivent répondre les autorisations de stationnement qui font l'objet d'une location-gérance, le décret attaqué a, contrairement à ce que soutient la chambre syndicale requérante, fixé les règles propres à assurer le respect des dispositions de l'article 26 de la loi du 19 mai 2023 qui prévoient que ces autorisations sont délivrées afin de contribuer à l'accessibilité des transports publics particuliers aux personnes utilisatrices de fauteuil roulant. Le moyen tiré de ce qu'il méconnaitrait ces dispositions en raison de sa carence à fixer de telles règles doit dès lors être écarté.

7. Enfin, il résulte des dispositions combinées des articles 6 et 7 du décret attaqué que la personne à qui la location d'une autorisation et d'un taxi accessible aux personnes utilisatrices de fauteuil roulant a été concédée dans les conditions prévues aux articles L. 144-1 à L. 144-13 du code de commerce est tenue de transmettre au préfet de police les informations nécessaires à l'évaluation du dispositif dérogatoire prévu par la loi. Si la chambre syndicale requérante soutient que, dès lors qu'un contrat de location-gérance ne crée de droits et obligations qu'entre les parties, un locataire-gérant ne saurait légalement se voir imposer des obligations à l'égard de l'administration, il résulte des termes mêmes de l'article 26 de la loi du 19 mai 2023 qu'il institue une possibilité dérogatoire de délivrance d'autorisations de stationnement, y compris susceptibles d'être exploitées dans le cadre d'une location-gérance, caractérisée par un équilibre de droits et obligations qu'il appartenait au pouvoir réglementaire de détailler afin d'en assurer l'effectivité. Le décret attaqué n'est dès lors pas entaché d'illégalité en ce qu'il prévoit que les obligations de transmission d'informations nécessaires à l'évaluation de ce dispositif s'appliqueraient également au locataire-gérant.

Sur l'arrêté du 17 novembre 2023 du préfet de police portant attribution d'autorisations de stationnement :

8. La société Hype justifie d'un intérêt suffisant à l'annulation de l'arrêté attaqué. Ainsi, son intervention au soutien de la requête n°490971 est recevable.

9. En premier lieu, la chambre syndicale requérante soutient que l'arrêté du 17 novembre 2023 du préfet de police qu'elle attaque devra être annulé par voie de conséquence de l'annulation du décret du 28 juillet 2023 relatif aux modalités d'application de l'article 26 de la loi du 19 mai 2023. Il résulte de ce qui a été dit ci-dessus que ce moyen ne peut qu'être écarté.

10. En deuxième lieu, d'une part, aux termes de l'article R. 133-12 du code des relations entre le public et l'administration, applicable aux commissions administratives à caractère consultatif : " Les membres d'une commission ne peuvent prendre part aux délibérations lorsqu'ils ont un intérêt personnel à l'affaire qui en est l'objet ".

11. D'autre part, aux termes de l'article 3 du décret du 28 juillet 2023 : " Le préfet de police arrête le nombre total d'autorisations de stationnement à délivrer. (...) / A l'issue du processus de sélection, le préfet de police désigne par un arrêté publié au recueil des actes administratifs les candidats retenus et fixe le nombre d'autorisations de stationnement délivrées à chacun d'eux ; il en informe la commission locale des transports publics particuliers de personnes prévue au deuxième alinéa de l'article D. 3120-21 du code des transports ". Aux termes de l'article D. 3120-21 du code des transports : " Il est créé dans chaque département une commission consultative dénommée commission locale des transports publics particuliers de personnes. / Pour la zone constituée de la ville de Paris, des départements des Hauts-de-Seine, de la Seine-Saint-Denis et du Val-de-Marne et des parties de Seine-et-Marne et du Val-d'Oise situées sur les emprises des aéroports de Paris-Charles-de-Gaulle et de Paris-Le Bourget, une commission unique est créée auprès du préfet de police ". Aux termes de l'article D. 3120-33 : " La commission peut comprendre jusqu'à trois formations restreintes dédiées aux affaires propres respectivement aux taxis, aux voitures de transport avec chauffeur et aux véhicules motorisés à deux ou trois roues (...) ".

12. Il ressort des pièces du dossier, en particulier de l'ordre du jour et du compte rendu de la séance en cause, et il n'est d'ailleurs pas contesté, que l'arrêté attaqué a fait l'objet au cours de la séance de la formation restreinte de la commission locale des transports publics particuliers de personnes compétente en matière de taxis qui s'est réunie le 17 novembre 2023, soit le jour même de son adoption, d'un simple point d'information sur la procédure d'attribution des autorisations, et non d'une consultation. S'il est soutenu qu'auraient participé à cette séance, au titre de la représentation des professionnels, des personnes ayant un intérêt personnel à l'affaire, au sens des dispositions citées ci-dessus de l'article R. 133-12 du code des relations entre le public et l'administration, en ce qu'elles détiendraient des intérêts dans des entreprises susceptibles de bénéficier des autorisations en cause, les conditions dans lesquelles a été réalisé un tel simple point d'information ne sauraient vicier la procédure d'adoption de cet arrêté au regard des dispositions invoquées. Si par ailleurs, le même moyen est soulevé en ce qui concerne la participation de certains membres ayant siégé au sein de la même instance lors de sa consultation le 31 août 2023 sur le projet d'arrêté portant augmentation du nombre de taxis parisiens, un tel moyen excipant de l'illégalité de l'arrêté du 31 août 2023, qui porte sur la procédure d'adoption de celui-ci, ne saurait utilement être invoqué par la voie de l'exception à l'appui de la présente requête. La société Hype intervenante n'est pas davantage fondée à soutenir que l'arrêté attaqué du 17 novembre 2023 devrait être annulé par voie de conséquence de l'annulation de l'arrêté du 31 août 2023, le Conseil d'Etat statuant au contentieux ayant rejeté sa requête formée contre cet arrêté par une décision n°488661, 490198 de ce jour.

13. En troisième lieu, les allégations, fondées sur des simples supputations, selon lesquelles certaines sociétés de taxis et certaines organisations professionnelles auraient été irrégulièrement associées à l'élaboration de l'arrêté attaqué et de celui l'arrêté du 31 août 2023 mentionné ci-dessus ne sont pas en tout état de cause pas assorties des précisions permettant d'en apprécier le bien-fondé.

14. Il résulte de ce qui précède que la chambre syndicale des cochers chauffeurs de voitures de place CGT Taxis n'est pas fondée à demander l'annulation pour excès de pouvoir du décret du 28 juillet 2023 et de l'arrêté du 17 novembre 2023 du préfet de police qu'elle attaque.

15. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'intervention de la société Hype est admise.

Article 2 : Les requêtes de la chambre syndicale des cochers chauffeurs de voitures de place CGT Taxis sont rejetées.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à la chambre syndicale des cochers chauffeurs de voitures de place CGT Taxis, à la société Hype, au Premier ministre, au ministre de l'intérieur et des outre-mer et au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.

Délibéré à l'issue de la séance du 24 juin 2024 où siégeaient : M. Rémy Schwartz, président adjoint de la section du contentieux, présidant ; Mme Isabelle de Silva, présidente de chambre ; M. Jean-Philippe Mochon, président de chambre ; Mme Fabienne Lambolez, conseillère d'Etat ; M. Cyril Roger-Lacan, M. Laurent Cabrera, M. Stéphane Hoynck, M. Alain Seban, conseillers d'Etat et Mme Ségolène Cavaliere, maîtresse des requêtes en service extraordinaire-rapporteure.

Rendu le 10 juillet 2024.

Le président :

Signé : M. Rémy Schwartz

La rapporteure :

Signé : Mme Ségolène Cavaliere

Le secrétaire :

Signé : M. Bernard Longieras


Synthèse
Formation : 5ème - 6ème chambres réunies
Numéro d'arrêt : 488615
Date de la décision : 10/07/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 10 jui. 2024, n° 488615
Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Ségolène Cavaliere
Rapporteur public ?: M. Florian Roussel
Avocat(s) : SCP RICHARD

Origine de la décision
Date de l'import : 14/07/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2024:488615.20240710
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