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09/07/2024 | FRANCE | N°471635

France | France, Conseil d'État, 4ème - 1ère chambres réunies, 09 juillet 2024, 471635


Vu la procédure suivante :





Par une requête sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 23 février et 23 mai 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, l'association des membres actifs ou honoraires des inspections générales de l'administration, des affaires sociales et des finances (A3I) demande au Conseil d'Etat :



1°) d'annuler pour excès de pouvoir le décret n° 2022-1627 du 23 décembre 2022 relatif à l'organisation et aux missions du service de l'inspection générale de l'administration ;<

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2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'art...

Vu la procédure suivante :

Par une requête sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 23 février et 23 mai 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, l'association des membres actifs ou honoraires des inspections générales de l'administration, des affaires sociales et des finances (A3I) demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir le décret n° 2022-1627 du 23 décembre 2022 relatif à l'organisation et aux missions du service de l'inspection générale de l'administration ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la Constitution ;

- la convention n° 81 de l'Organisation internationale du travail concernant l'inspection du travail dans l'industrie et le commerce ;

- le code général de la fonction publique ;

- le code du travail ;

- l'ordonnance n° 2021-702 du 2 juin 2021 ;

- le décret n° 82-452 du 28 mai 1982 ;

- le décret n° 2021-1550 du 1er décembre 2021 ;

- le décret n° 2022- 335 du 9 mars 2022 ;

- le décret n° 2022-634 du 22 avril 2022 ;

- la décision du Conseil constitutionnel n° 2021-961 QPC du 14 janvier 2022 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Edouard Solier, maître des requêtes,

- les conclusions de M. Raphaël Chambon, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Foussard, Froger, avocat de l'association A3I ;

Considérant ce qui suit :

1. L'association A3I demande au Conseil d'Etat d'annuler pour excès de pouvoir le décret du 23 décembre 2022 relatif à l'organisation et aux missions du service de l'inspection générale de l'administration.

Sur la demande d'annulation du décret attaqué par voie de conséquence de celle des décrets du 1er décembre 2021 et du 9 mars 2022 :

2. Le Conseil d'Etat, statuant au contentieux ayant, par ses décisions nos 461032, 461057 et n° 463874 du 21 juillet 2023, rejeté les recours pour excès de pouvoir formés, notamment par l'association requérante, contre le décret du 1er décembre 2021 portant statut particulier du corps des administrateurs de l'Etat et contre le décret du 9 mars 2002 relatif aux services d'inspection générale ou de contrôle et aux emplois au sein de ces services, cette association n'est pas fondée à demander l'annulation du décret qu'elle attaque par voie de conséquence de celle de ces deux derniers décrets.

Sur la légalité externe du décret attaqué :

3. Aux termes de l'article 17 du décret du 9 mars 2022 relatif aux services d'inspection générale ou de contrôle et aux emplois au sein de ces services : " Un décret définit l'organisation et les missions de chaque service d'inspection générale ou de contrôle. Il précise en outre les conditions et méthodes de travail permettant de garantir l'indépendance et l'impartialité des travaux de ses agents / Chaque service d'inspection générale ou de contrôle élabore une charte de déontologie publiée au Journal officiel de la République française ". Il résulte de ces dispositions qu'elles renvoient à un décret simple l'adoption des mesures réglementaires qu'elles prévoient, en particulier de celles relatives à l'organisation et aux missions du service de l'inspection générale de l'administration et de celles relatives aux conditions permettant de garantir l'indépendance et l'impartialité des travaux de ses agents. Aucune autre disposition n'imposant l'adoption de ces mesures par décret en Conseil d'Etat, l'association requérante n'est pas fondée à soutenir que le Conseil d'Etat aurait dû être consulté préalablement à l'édiction du décret attaqué.

Sur la légalité interne du décret attaqué :

En ce qui concerne les moyens tirés de l'insuffisante indépendance des agents chargés de missions d'inspection et de contrôle au sein de l'inspection générale de l'administration :

4. En premier lieu, en l'absence d'exigence constitutionnelle imposant que soit garantie l'indépendance des services d'inspection générale de l'Etat, ainsi que l'a jugé le Conseil constitutionnel dans sa décision n° 2021-961 QPC du 14 janvier 2022, ou de principe général du droit consacrant l'indépendance des agents chargés des missions d'inspection générale et de contrôle de l'Etat, l'association requérante ne saurait utilement soutenir que le décret attaqué méconnaîtrait une telle exigence ou un tel principe.

5. En second lieu, d'une part, le décret du 9 mars 2022 relatif aux services d'inspection générale ou de contrôle et aux emplois au sein de ces services fixe des dispositions communes à ces services, relatives à la nomination de leurs agents ainsi qu'à la fin de leurs fonctions et à la nomination des chefs de ces services, qui garantissent l'effectivité de l'indépendance des agents dans l'exercice de leurs missions, le chef du service d'inspection générale veillant à la qualité et à l'impartialité des travaux des agents du service ainsi qu'au respect par ces agents de leurs obligations déontologiques et le dernier alinéa de l'article 17 du décret du 9 mars 2022, cité au point 3, renvoyant à chaque service d'inspection générale ou de contrôle le soin d'élaborer une charte de déontologie qui comporte l'énoncé des principes déontologiques et de bonnes pratiques propres à en assurer le respect, afin que les agents exerçant des fonctions d'inspection générale ou de contrôle puissent être assurés d'exercer leurs missions avec indépendance et impartialité. D'autre part, le titre III du décret attaqué précise, conformément aux exigences de ce même article 17 du décret du 9 mars 2022, les garanties d'exercice des missions et prérogatives des inspecteurs. A cet égard, selon son article 9, chaque membre du service organise et conduit en toute indépendance ses missions, dans le respect des principes déontologiques, référentiels méthodologiques et normes professionnelles qui lui sont applicables, formule librement ses constats, analyses et préconisations et rend compte individuellement de ses missions par des rapports qu'il signe, transmis par le chef du service aux ministres commanditaires. Selon ce même article, les agents peuvent refuser d'apposer leur signature sur un rapport lorsqu'ils ne partagent pas tout ou partie des conclusions d'une mission, une note étant alors remise au chef du service que celui-ci-joint au rapport, le chef du service, en cas de désaccord sur les conclusions d'un rapport, étant par ailleurs tenu d'en informer le ministre commanditaire par une note distincte jointe au rapport. Par suite, l'association A3I n'est, en tout état de cause, pas fondée à soutenir que le décret contesté serait entaché d'illégalité faute que soit garantie l'indépendance des agents de l'inspection générale de l'administration dans l'exercice de leurs missions.

En ce qui concerne le moyen tiré de la méconnaissance de la compétence des agents de contrôle de l'inspection du travail :

6. De première part, aux termes des dispositions du septième alinéa de l'article 1er du décret attaqué : " Elle [l'inspection générale de l'administration] concourt à la définition et à la mise en œuvre de la politique interministérielle de l'audit interne. Elle assure des missions programmées par le comité interministériel d'audit interne. " Aux termes de l'article 2 du décret attaqué : " Le service de l'inspection générale de l'administration comprend : (...) / 5° Des agents exerçant des fonctions d'audit interne, dans le cadre des missions mentionnées au septième alinéa de l'article 1er, ou d'inspection de la santé et de la sécurité au travail et des agents exerçant des missions de soutien administratif et technique, à l'exclusion des missions mentionnées à l'article 1er du présent décret (...) ".

7. De deuxième part, aux termes de l'article L. 811-1 du code général de la fonction publique : " Les règles applicables en matière d'hygiène et de sécurité dans les services, collectivités et établissements mentionnés aux articles L. 3 et L. 4 sont celles définies par les livres Ier à V de la quatrième partie du code du travail ainsi que par l'article L. 717-9 du code rural et de la pêche maritime. Il peut toutefois y être dérogé par décret en Conseil d'Etat ". Aux termes de l'article 5-1 du décret du 28 mai 1982 relatif à l'hygiène et à la sécurité du travail ainsi qu'à la prévention médicale dans la fonction publique : " Dans les administrations de l'Etat, les inspecteurs santé et sécurité au travail sont rattachés, dans l'exercice de leurs attributions, aux services d'inspection générale des ministères concernés. Des arrêtés conjoints du ministre chargé de la fonction publique et des ministres concernés désignent les services d'inspection générale compétents et définissent les conditions de rattachement de ces fonctionnaires auxdites inspections générales (...) ".

8. De troisième part, selon l'article L. 8112-1 du code du travail, les agents de contrôle de l'inspection du travail qui sont chargés de veiller à l'application des dispositions du code du travail et des autres dispositions légales relatives au régime du travail ainsi qu'aux stipulations des conventions et accords collectifs de travail répondant aux conditions fixées au livre II de la deuxième partie, disposent d'une garantie d'indépendance dans l'exercice de leurs missions au sens des conventions internationales concernant l'inspection du travail.

9. Les missions d'inspection de la santé et de la sécurité au travail, qui peuvent être exercées par des agents de l'inspection générale de l'administration en application des dispositions citées au point 6, celles-ci devant être lues en combinaison avec les dispositions du décret précité du 28 mai 1982, diffèrent des missions d'inspection dévolues aux agents de contrôle de l'inspection du travail et n'empiètent pas sur les missions de ces agents qui seuls, au demeurant, entrent dans le " système d'inspection du travail " au sens de la convention internationale du travail n° 81 de l'Organisation internationale du travail et auxquels s'appliquent un principe général d'indépendance. Par suite, l'association A3I ne peut utilement soutenir que les dispositions de l'article 2 du décret attaqué méconnaissent les dispositions du code du travail relatives aux agents de contrôle de l'inspection du travail et à leur compétence.

En ce qui concerne les moyens tirés de l'atteinte au principe de sécurité juridique et à l'exigence d'accessibilité et d'intelligibilité de la norme :

10. D'une part, aux termes de l'article 8 du décret du 9 mars 2022 relatif aux services d'inspection générale ou de contrôle et aux emplois au sein de ces services : " Sans préjudice des dispositions législatives et réglementaires concernant chaque service d'inspection générale ou de contrôle, les personnes nommées pour occuper des emplois d'inspection générale ou de contrôle dans les services mentionnés à l'article 1er exercent des missions d'inspection, de contrôle ou d'évaluation. Elles peuvent également exercer des missions de conseil, d'appui, d'audit, d'enquête et d'expertise. / Ces missions peuvent être effectuées à la demande du Premier ministre ". Aux termes de l'article 10 du même décret : " Les emplois régis par le présent chapitre sont répartis en trois groupes, dénommés groupe I, groupe II et groupe III, en fonction des missions susceptibles d'être confiées aux membres du service, du niveau de responsabilité, du degré d'expertise exigé ou de la diversité du parcours professionnel antérieur (...) / ". Aux termes de l'article 40 du même décret : " Les chefs des services d'inspection générale ou de contrôle mentionnés aux 1° à 8° de l'article 1er, en fonctions à la date d'entrée en vigueur du présent décret, sont détachés de plein droit à cette date dans l'emploi, régi par le présent décret, de chef du service d'inspection générale ou de contrôle concerné, pour la durée prévue au premier alinéa de l'article 6. "

11. D'autre part, aux termes de l'article 1er du décret du 22 avril 2022 relatif au contrôle et à l'audit internes de l'Etat : " L'Etat se dote d'une politique de contrôle et d'audit internes, fondée sur une analyse des risques. A ce titre, chaque département ministériel met en place une analyse des risques ainsi que des dispositifs de contrôle et d'audit internes, adaptés aux missions et à l'organisation de ses services et visant à assurer la maîtrise des risques liés à la gestion des politiques publiques dont ces services ont la charge (...) /. L'audit interne est une activité exercée de manière indépendante et objective qui donne à chaque ministre une assurance sur le degré de maîtrise de ses opérations et lui apporte ses conseils pour l'améliorer. L'audit interne s'assure ainsi que les dispositifs de contrôle interne sont efficaces et proportionnés aux risques ".

12. En premier lieu, la requérante n'est pas fondée à soutenir que le décret attaqué méconnaîtrait le principe de sécurité juridique et l'objectif à valeur constitutionnelle d'accessibilité et d'intelligibilité de la norme du seul fait qu'il ne précise pas lui-même les conditions de répartition des membres du service de l'inspection générale de l'administration au sein des groupes d'emplois institués par l'article 10 du décret du 9 mars 2022, cité au point 10, en fonction des qualifications justifiées par les missions susceptibles d'être confiées aux membres du service, du niveau de responsabilité, du degré d'expertise exigée ou de la diversité du parcours professionnel antérieur.

13. En deuxième lieu, la requérante n'est pas davantage fondée à soutenir que le décret attaqué méconnaîtrait les mêmes principe et objectif faute de préciser les conditions de coexistence, au sein de l'inspection générale de l'administration, de chefs de service issus d'un corps placé en extinction en application du décret du 1er décembre 2021 portant statut particulier du corps des administrateurs de l'Etat et de chefs de service nommés en application du décret du 9 mars 2022.

14. En troisième lieu, les dispositions du septième alinéa de l'article 1er du décret attaqué, citées au point 6, selon lesquelles l'inspection générale concourt à la définition et à la mise en œuvre de la politique ministérielle de l'audit interne, tel que défini par le décret du 22 avril 2022 relatif au contrôle et à l'audit interne de l'Etat, tout en assurant des missions programmées par le comité ministériel d'audit interne, et celles de l'article 2 du décret attaqué, également citées au point 6, relatives aux agents exerçant des fonctions d'audit interne, dont il découle que seuls les agents exerçant des missions de soutien administratif ou technique sont exclus des missions mentionnées à l'article 1er, ne sont, contrairement à ce qui est soutenu, ni insuffisamment précises, ni entachées de contradiction.

15. En quatrième et dernier lieu, le décret attaqué pouvait légalement prévoir que le service de l'inspection générale de l'administration comprend, notamment, un secrétaire général désigné par le chef du service parmi les membres du service sans avoir à préciser lui-même les attributions du secrétaire général.

16. Par suite, ne peuvent qu'être écartés les moyens tirés de ce que le décret contesté méconnaîtrait le principe de sécurité juridique et l'objectif à valeur constitutionnelle d'accessibilité et d'intelligibilité de la norme et qu'il serait, pour ce motif, entaché d'erreur manifeste d'appréciation.

17. Il résulte de tout ce qui précède que l'association A3I n'est pas fondée à demander l'annulation du décret du 23 décembre 2022 relatif à l'organisation et aux missions du service de l'inspection générale de l'administration qu'elle attaque. Sa requête doit ainsi être rejetée, y compris ses conclusions présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

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Article 1er : La requête de l'association A3I est rejetée.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à l'association A3I, au Premier ministre, au ministre de l'intérieur et des outre-mer et au ministre de la transformation et de la fonction publiques.

Délibéré à l'issue de la séance du 10 juin 2024 où siégeaient : M. Pierre Collin, président adjoint de la section du contentieux, présidant ; Mme Maud Vialettes, Mme Gaëlle Dumortier, présidentes de chambre ; M. Jean-Luc Nevache, M. Alban de Nervaux, conseillers d'Etat ; Mme Catherine Brouard-Gallet, conseillère d'Etat en service extraordinaire et M. Edouard Solier, maître des requêtes-rapporteur.

Rendu le 9 juillet 2024.

Le président :

Signé : M. Pierre Collin

Le rapporteur :

Signé : M. Edouard Solier

Le secrétaire :

Signé : M. Christophe Bouba


Synthèse
Formation : 4ème - 1ère chambres réunies
Numéro d'arrêt : 471635
Date de la décision : 09/07/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 09 jui. 2024, n° 471635
Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Edouard Solier
Rapporteur public ?: M. Raphaël Chambon
Avocat(s) : SCP FOUSSARD, FROGER

Origine de la décision
Date de l'import : 20/10/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2024:471635.20240709
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