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05/07/2024 | FRANCE | N°493568

France | France, Conseil d'État, 5ème - 6ème chambres réunies, 05 juillet 2024, 493568


Vu la procédure suivante :



Mme A... B..., à l'appui de sa requête d'appel tendant à l'annulation du jugement du 22 décembre 2023 par lequel le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 25 août 2021 par lequel le directeur général de l'Assistance Publique-Hôpitaux de Paris l'a réintégrée pour ordre et radiée des cadres, ainsi que la décision de rejet de son recours gracieux, a produit un mémoire, enregistré le 12 février 2024 au greffe de la cour administrative d'appel de Nantes, en application de

l'article 23-1 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958, par lequel elle s...

Vu la procédure suivante :

Mme A... B..., à l'appui de sa requête d'appel tendant à l'annulation du jugement du 22 décembre 2023 par lequel le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 25 août 2021 par lequel le directeur général de l'Assistance Publique-Hôpitaux de Paris l'a réintégrée pour ordre et radiée des cadres, ainsi que la décision de rejet de son recours gracieux, a produit un mémoire, enregistré le 12 février 2024 au greffe de la cour administrative d'appel de Nantes, en application de l'article 23-1 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958, par lequel elle soulève une question prioritaire de constitutionnalité.

Par une ordonnance n° 24NT00365 QPC du 28 mars 2024, enregistrée le 19 avril 2024 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la présidente de la 3ème chambre de la cour administrative d'appel de Nantes, avant qu'il soit statué sur la requête de Mme B..., a décidé, par application des dispositions de l'article 23-2 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958, de transmettre au Conseil d'Etat la question de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution du II de l'article 110 de la loi n° 2018-771 du 5 septembre 2018.

Dans la question prioritaire de constitutionnalité transmise et deux nouveaux mémoires, enregistrés les 15 et 24 mai 2024 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, Mme B... soutient que les dispositions du II de l'article 110 de la loi n° 2018-771 du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel, qui sont applicables au litige et n'ont pas déjà été déclarées conformes à la Constitution, méconnaissent le principe d'égalité devant la loi garanti par l'article 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789.

Par deux mémoires, enregistrés les 22 mai et 7 juin 2024, le ministre de la transformation et de la fonction publiques soutient que les conditions posées par l'article 23-4 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 ne sont pas remplies, et, en particulier, que la question soulevée ne présente pas un caractère sérieux.

La question prioritaire de constitutionnalité a été communiquée au Premier ministre, à la ministre du travail, de la santé et des solidarités et à l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris, qui n'ont pas produit d'observations.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la Constitution, notamment son Préambule et son article 61-1 ;

- l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ;

- le code général de la fonction publique ;

- la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 ;

- la loi n° 2018-771 du 5 septembre 2018 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Cyrille Beaufils, maître des requêtes,

- les conclusions de M. Florian Roussel, rapporteur public.

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Guérin - Gougeon, avocat de Mme B....

1. Il résulte des dispositions de l'article 23-4 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel que, lorsqu'une juridiction relevant du Conseil d'Etat a transmis à ce dernier, en application de l'article 23-2 de cette même ordonnance, la question de la conformité à la Constitution d'une disposition législative, le Conseil constitutionnel est saisi de cette question de constitutionnalité à la triple condition que la disposition contestée soit applicable au litige ou à la procédure, qu'elle n'ait pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances, et que la question soit nouvelle ou présente un caractère sérieux.

2. Aux termes du premier alinéa de l'article 62 de la loi du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière, aujourd'hui repris à l'article L. 514-1 du code général de la fonction publique : " La disponibilité est la position du fonctionnaire qui, placé hors de son établissement, cesse de bénéficier, dans cette position, de ses droits à l'avancement et à la retraite. ". Aux termes du deuxième alinéa ajouté à ce même article par le I de l'article 110 la loi du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel, aujourd'hui repris à l'article L. 514-2 du même code : " Par dérogation au premier alinéa, lorsqu'un fonctionnaire bénéficie d'une disponibilité au cours de laquelle il exerce une activité professionnelle, il conserve, pendant une durée maximale de cinq ans, ses droits à l'avancement dans les conditions prévues par décret en Conseil d'Etat. Cette période est assimilée à des services effectifs dans le corps. ". Et aux termes du II de l'article 110 de la loi du 5 septembre 2018 : " Le deuxième alinéa de l'article 62 de la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière, dans sa rédaction résultant du I du présent article, est applicable aux mises en disponibilité et aux renouvellements de disponibilité prenant effet à compter du lendemain de la publication de la présente loi ".

3. Mme B... soutient que les dispositions du II de l'article 110 de la loi du 5 septembre 2018 établissent une différence de traitement injustifiée entre les fonctionnaires en disponibilité, et méconnaissent ainsi le principe d'égalité devant la loi garanti par l'article 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789, en ce qu'elles réservent la conservation des droits à l'avancement pendant une durée maximale de cinq ans, dont les fonctionnaires en disponibilité qui exercent une activité professionnelle bénéficient en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 62 de la loi du 9 janvier 1986, à ceux d'entre eux dont la disponibilité ou le renouvellement de disponibilité prend effet à compter du lendemain de la publication de cette loi.

4. Aux termes de l'article 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789 : " La loi doit être la même pour tous, soit qu'elle protège, soit qu'elle punisse ". Le principe d'égalité devant la loi ne s'oppose ni à ce que le législateur règle de façon différente des situations différentes, ni à ce qu'il déroge à l'égalité pour des raisons d'intérêt général, pourvu que, dans l'un et l'autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l'objet de la loi qui l'établit. Par ailleurs, la différence de traitement qui résulte de la succession de deux régimes juridiques dans le temps n'est pas, en elle-même, contraire au principe d'égalité.

5. La différence de traitement mentionnée au point 3 résulte des conditions d'entrée en vigueur des dispositions contestées issues de la loi du 5 septembre 2018, et présente un caractère transitoire. En adoptant des dispositions plus favorables pour les fonctionnaires qui demandent un placement en disponibilité ou un renouvellement de disponibilité postérieurement à l'entrée en vigueur de la loi, le législateur a entendu inciter à la mobilité que permet le placement en disponibilité ou son renouvellement, afin de faire bénéficier la fonction publique des compétences acquises dans un autre cadre professionnel. Il a, ce faisant, poursuivi un objectif d'intérêt général, en rapport direct avec l'objet de la loi.

6. Il résulte de ce qui précède que la question soulevée, qui n'est pas nouvelle, ne présente pas un caractère sérieux. Par suite, il n'y a pas lieu de la renvoyer au Conseil constitutionnel.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Il n'y a pas lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par Mme B....

Article 2 : La présente décision sera notifiée à Mme A... B... et au ministre de la transformation et de la fonction publiques.

Copie en sera adressée au Conseil constitutionnel, au Premier ministre, à la ministre du travail, de la santé et des solidarités, à l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris et à la cour administrative d'appel de Nantes.

Délibéré à l'issue de la séance du 24 juin 2024 où siégeaient : M. Rémy Schwartz, président adjoint de la section du contentieux, présidant ; Mme Isabelle de Silva, présidente de chambre ; M. Jean-Philippe Mochon, président de chambre ; Mme Fabienne Lambolez, conseillère d'Etat ; M. Cyril Roger-Lacan, M. Laurent Cabrera, M. Stéphane Hoynck, M. Alain Seban, conseillers d'Etat et M. Cyrille Beaufils, maître des requêtes-rapporteur.

Rendu le 5 juillet 2024.

Le président :

Signé : M. Rémy Schwartz

Le rapporteur :

Signé : M. Cyrille Beaufils

Le secrétaire :

Signé : M. Bernard Longieras


Synthèse
Formation : 5ème - 6ème chambres réunies
Numéro d'arrêt : 493568
Date de la décision : 05/07/2024
Type de recours : Autres

Publications
Proposition de citation : CE, 05 jui. 2024, n° 493568
Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Cyrille Beaufils
Rapporteur public ?: M. Florian Roussel
Avocat(s) : SCP GUÉRIN - GOUGEON

Origine de la décision
Date de l'import : 14/07/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2024:493568.20240705
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