Vu les procédures suivantes :
1° Sous le n° 493563, par une requête et un mémoire complémentaire, enregistrés les 19 avril 2024 et 11 mai 2024 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. B... D... demande au Conseil d'Etat :
1°) de déclarer illégales les dispositions des articles LP 2, LP 7, LP 10, LP 13, LP 22 et LP 25 de la " loi du pays " n° 2024-8 LP/APF adoptée le 12 avril 2024 portant diverses mesures fiscales ;
2°) de mettre à la charge de la Polynésie française la somme de 500 001 francs CFP au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
2° Sous le n° 493845, par une requête et un mémoire complémentaire, enregistrés le 27 avril 2024 et le 18 juin 2024 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. L... E..., M. G... C..., Mme A... I..., Mme K..., Mme F... H... et Mme J... demandent au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler l'article LP 25 de la " loi du pays " n° 2024-08 adoptée le 12 avril 2024 portant diverses mesures fiscales ;
2°) de mettre à la charge de la Polynésie française la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
....................................................................................
3° Sous le n° 494137, par une requête, enregistrée le 7 mai 2024 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le Mouvement des entreprises de France Polynésie française (MEDEF PF) demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler l'article LP 25 de la " loi du pays " n° 2024-04 2024-08 adoptée le 12 avril 2024 portant diverses mesures fiscales ;
2°) de mettre à la charge de la Polynésie française la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
....................................................................................
Vu les autres pièces des dossiers ;
Vu :
- la Constitution, notamment son Préambule et son article 74 ;
- la loi organique n° 2004-192 du 27 février 2004 ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Isabelle Lemesle, conseillère d'Etat,
- les conclusions de M. Laurent Domingo, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Doumic-Seiller, avocat de la présidence de la Polynésie française ;
Vu la note en délibéré, enregistrée le 19 juin 2024, présentée par la Polynésie française ;
Considérant ce qui suit :
1. En vertu de l'article 180-2 de la loi organique du 27 février 2004 portant statut d'autonomie de la Polynésie française, les actes dénommés " lois du pays " relatifs aux impôts et taxes sont publiés au Journal officiel de la Polynésie française (JOPF) et promulgués par le président de la Polynésie française au plus tard le lendemain de leur adoption. Sur le fondement des dispositions combinées de l'article 180-1 et du I de l'article 180-3 de la même loi, ces actes peuvent faire l'objet dans un délai de quinze jours suivant la publication de leur acte de promulgation d'un recours devant le Conseil d'Etat exercé par six représentants à l'assemblée de la Polynésie française. Le II de cet article 180-3 prévoit que ces actes peuvent également faire l'objet, dans le délai d'un mois suivant la publication de leur acte de promulgation, d'un recours devant le Conseil d'Etat exercé par les personnes physiques ou morales justifiant d'un intérêt à agir. En application des dispositions de l'article 180-4, le Conseil d'Etat annule toute disposition de ces actes contraire à la Constitution, aux lois organiques, aux engagements internationaux ou aux principes généraux du droit.
2. Le 12 avril 2024, l'assemblée de la Polynésie française a adopté la " loi du pays " n° 2024-08 du 12 avril 2024 portant diverses mesures fiscales. Cet acte, qui a été adopté à la suite de l'annulation, par la décision n° 490578 du Conseil d'Etat, statuant au contentieux du 25 mars 2024, de la " loi du pays " n° 2023-37 du 15 décembre 2023 portant diverses mesures fiscales dans le cadre de l'approbation du budget de la Polynésie française pour l'exercice 2024, a été promulgué et publié au Journal officiel de la Polynésie française le 12 avril 2024. Les auteurs des requêtes visées ci-dessus en demandent l'annulation partielle dans le cadre du contrôle juridictionnel prévu par les dispositions des articles 180-1 et suivants de la loi organique du 27 février 2004. Ces requêtes présentent à juger des questions semblables. Il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision.
Sur la fin de non-recevoir opposée par la Polynésie française à la requête n° 494137 :
3. Aux termes de l'article 2 des statuts du Mouvement des entreprises de France Polynésie française (MEDEF PF) : " Le MEDEF Polynésie française a pour mission permanente de mener une action commune en faveur du progrès économique et social du Pays en apportant son soutien au développement des entreprises individuelles et commerciales, au bénéfice de l'intérêt général, de tous ceux qui y travaillent, des investisseurs et des consommateurs./ A ce titre, il lui incombe:/ 2) de veiller au respect des principes de libre entreprise, de liberté du commerce, des services et de l'industrie, de libre concurrence et de loyauté des pratiques commerciales ;/ 3) D'agir, y compris par voie contentieuse devant le juridictions judiciaires et administratives, pour la réalisation de son objet ou la défense des intérêts de ses membres (...) ". Il s'ensuit que la Polynésie française n'est pas fondée à soutenir que le MEDEF PF n'aurait pas intérêt pour former un recours, dans le cadre prévu par l'article 180-3 de la loi organique du 27 février 2004, contre une " loi du pays " comportant des dispositions fiscales applicables à ses adhérents.
Sur les conclusions des trois requêtes dirigées contre l'article LP 25 de la " loi du pays " du 12 avril 2024 :
4. Aux termes de l'article LP 25 de la " loi du pays " attaquée : " Les dispositions de la présente loi du pays sont applicables rétroactivement à compter du 15 décembre 2023, à l'exception :/ - des articles LP. 7 et LP. 18 et du II de l'article LP. 15, qui s'appliquent à compter du 1er janvier 2024 ; / - des articles LP. 1er, LP. 3 et LP. 10 qui s'appliquent aux exercices clos à compter du 31 décembre 2023 ; / - du I de l'article LP. 2 qui s'applique aux véhicules dont l'immatriculation est intervenue depuis le 1er janvier 2024 ; / - des II, III et IV de l'article LP. 2, qui s'appliquent à compter de la date d'entrée en vigueur de l'arrêté n° 2405 CM du 20 décembre 2023 portant modification de l'arrêté n° 976 CM du 1er juillet 2009 modifié portant application des articles LP. 3 et LP. 4 de la loi du pays n° 2009-3 du 11 février 2009 ; / - de l'article LP. 8 qui s'applique aux accès aux versions numérisées effectués et aux abonnements souscrits à compter du 1er janvier 2024 ; / - du I de l'article LP. 11 qui est applicable aux appels à manifestation d'intérêts publiés à compter du 1er janvier 2024 et aux dossiers de candidature déposés auprès de l'Agence de développement économique relatifs à ces mêmes appels à manifestation d'intérêts ; / - des II et III de l'article LP. 11 qui sont applicables aux dossiers de candidature déposés auprès de l'Agence de développement économique relatifs aux appels à manifestation d'intérêts publiés à compter du 1er janvier 2024 ; / - du I de l'article LP. 15 qui s'applique aux opérations dont le fait générateur est intervenu à compter du 1er janvier 2024 ; toutefois, le taux intermédiaire ne s'applique pas aux encaissements intervenus avant cette date. "
En ce qui concerne le cadre juridique applicable :
5. L'article 145 de la loi organique du 27 février 2004 portant statut d'autonomie de la Polynésie française dispose que, lorsque le budget de la Polynésie française a été adopté, les " lois du pays ", relatives aux impôts et taxes, " entrent en vigueur le 1er janvier qui suit la date de la première réunion de l'assemblée de la Polynésie française consacrée à l'examen du projet de budget alors même qu'elles n'auraient pas été publiées avant cette date ". Il résulte de ces dispositions que le législateur organique a entendu permettre l'entrée en vigueur au 1er janvier qui suit l'ouverture de la session budgétaire des " lois du pays " intervenues en matière fiscale et adoptées par l'assemblée de la Polynésie française avant le 31 décembre, alors même qu'elles n'auraient pas été à cette date promulguées par le président de la Polynésie française et publiées. Sous cette réserve, les " lois du pays " sont soumises au principe en vertu duquel les règlements ne disposent que pour l'avenir. Revêtent un caractère rétroactif illégal les dispositions de nature fiscale d'une " loi du pays " qui s'appliquent à des impositions dont le fait générateur est antérieur à leur entrée en vigueur.
En ce qui concerne les dispositions dont l'article LP 25 prévoit une entrée en vigueur rétroactive au 15 décembre 2023 :
6. L'article LP 4 de la " loi du pays " attaquée aligne les droits d'enregistrement et de publicité foncière perçus lors de la cession d'actions ou de parts sociales de sociétés propriétaires d'immeubles sur ceux applicables aux cessions d'immeubles. L'article LP 5 allège les droits d'enregistrement et de publicité foncière pour les primo-acquisitions d'immeubles bâtis et de terrains à bâtir. L'article LP 9 réduit le montant des droits d'enregistrement sur les créations de sociétés. L'article LP 16 crée une obligation de conservation pendant cinq ans de la propriété des biens immeubles acquis neufs ou en l'état futur d'achèvement pour bénéficier de droits d'enregistrement et de publicité foncière réduits. L'article LP 17 augmente les tarifs de délivrance de certains actes relatifs à la publicité foncière, crée des exonérations et pose les conditions de la restitution de la taxe de publicité immobilière. Ces dispositions ne peuvent légalement s'appliquer à des situations constituées avant leur publication le 12 avril 2024, qu'il s'agisse de cessions ou d'acquisitions de biens immeubles, de créations de société ou de la rédaction ou délivrance d'actes.
7. L'article LP 6 reconduit jusqu'au 31 décembre 2024 l'exonération de la contribution de solidarité territoriale sur les traitements et salaires (CST-S) des primes exceptionnelles de pouvoir d'achat destinées à compenser l'augmentation du coût de la vie des agents publics et des salariés les moins bien rémunérés. Cette exonération, qui résulte d'un acte réglementaire, ne peut s'appliquer légalement qu'aux primes versées après la publication de la " loi du pays " attaquée.
8. L'article LP 12 augmente les taux à l'importation de certains droits de consommation sur les tabacs. Le fait générateur de ce droit de douane résultant de l'importation du bien considéré, cette augmentation ne saurait s'appliquer légalement aux tabacs importés avant la publication de la " loi du pays " attaquée.
9. L'article LP 14 allonge la durée d'exonération d'impôt sur les sociétés pour les entreprises nouvelles dont l'activité s'exerce exclusivement dans le secteur de la recherche et du développement du numérique. Le fait générateur de l'impôt sur les sociétés étant la clôture de l'exercice comptable, cet allongement de la durée d'exonération ne saurait régir légalement les exercices clos avant la publication de la " loi du pays " attaquée.
10. L'article LP 19 étend les informations communiquées par l'administration fiscale à l'institut de la statistique. L'article LP 20 lève le secret professionnel en faveur du receveur-conservateur des hypothèques pour la collecte des droits d'enregistrement et de publicité foncière. L'article LP 21 pose une obligation de motivation pour les actes administratifs mettant à la charge des contribuables des sanctions fiscales conformément à la " loi du pays " n°2020-34 du 8 octobre 2020 et une obligation de communication au contribuable. L'article LP 22 modifie les déclarations électroniques en matière douanière. L'article LP 23 rectifie une erreur matérielle concernant la cession des fonds de commerce. L'article LP 24 procède à des ajustements rédactionnels dans le code des investissements. Ces dispositions ne peuvent légalement entrer en vigueur avant la publication de la " loi du pays " attaquée.
En ce qui concerne les dispositions dont l'article LP 25 prévoit une entrée en vigueur rétroactive à compter des exercices clos au 31 décembre 2023 :
11. L'article LP 1 supprime l'exonération de la contribution supplémentaire à l'impôt sur les bénéfices des sociétés et des autres personnes morales des sociétés exerçant une activité d'hébergement touristique. L'article LP 3 supprime la réduction progressive du taux de l'impôt sur les sociétés pour les établissements financiers et de crédit qui concluent une convention avec la Polynésie française en faveur d'une baisse des taux d'intérêt des opérations de crédit. Le fait générateur de l'impôt sur les sociétés étant, comme il a été dit au point 9, la clôture de l'exercice comptable, la suppression de cette exonération et de cette réduction progressive de l'impôt sur les sociétés ne saurait s'appliquer légalement aux exercices clos avant la publication de la " loi du pays " attaquée.
12. L'article LP 10 crée un abattement d'assiette à l'impôt sur les transactions pour les entreprises réalisant des exportations sur déclaration préalable qui est égal au pourcentage du chiffres d'affaires réalisé à l'exportation. Le chiffre d'affaires à l'exportation étant constaté à la clôture de l'exercice, cet abattement ne saurait s'appliquer légalement aux exercices clos avant la publication de la " loi du pays ".
En ce qui concerne les dispositions dont l'article LP 25 prévoit une entrée en vigueur rétroactive au 1er janvier 2024 :
13. Le I de l'article LP 2 supprime l'exonération de la taxe de mise en circulation des véhicules hybrides et électriques de plus de 4 CV. Le fait générateur de cette taxe étant l'immatriculation des véhicules concernés, la suppression de cette exonération ne peut s'appliquer légalement aux immatriculations intervenues avant la publication de la " loi du pays " attaquée.
14. L'article LP 7 réintroduit des droits de douane pour l'importation de certains matériaux de construction. Le fait générateur de ces droits de douane résultant de l'importation des matériaux considérés, cette augmentation ne saurait s'appliquer légalement aux matériaux de construction importés avant la publication de la " loi du pays ".
15. L'article LP 8 réduit le taux de taxe sur la valeur ajoutée (TVA) appliquée sur les publications de presse en ligne. Le fait générateur de la TVA sur la délivrance d'un bien étant la date de sa livraison, cette réduction de la TVA sur les publications de presse en ligne ne saurait s'appliquer légalement aux livraisons intervenues avant la publication de la " loi du pays " attaquée.
16. L'article LP 11 modifie la procédure de dépôt des dossiers de candidature d'appel à manifestation d'intérêt auprès de l'agence de développement économique, ajoutant le critère de la concurrence dans le cahier des charges, modifie le taux du crédit d'impôt consenti et rétablit la procédure de caducité, le caractère discrétionnaire de la décision d'agrément et la modification de l'événement de début de réalisation du programme d'investissement. La procédure et les modalités selon lesquelles une entreprise qui réalise un programme d'investissement est sélectionnée pour bénéficier d'un agrément de la part de l'administration fiscale qui la fait bénéficier d'un crédit d'impôt ne saurait s'appliquer légalement aux appels à manifestation d'intérêts publiés, ni aux dossiers de candidature déposés avant la publication de la " loi du pays " attaquée.
17. L'article LP 13 augmente la fiscalité à l'importation sur certains appareils générant des nuisances sonores. Le fait générateur de cette taxe, qui entre dans la base d'imposition de la TVA à l'importation, étant l'importation des biens en cause, son augmentation ne saurait légalement porter sur des biens importés avant la publication de la " loi du pays ".
18. L'article LP 15 augmente le taux de la taxe sur la valeur ajoutée pour l'hébergement en villas de luxe et la valeur locative pour le calcul de l'assiette de la contribution des patentes et des impôts fonciers pour les villas de luxe et les meublés de tourisme. Le fait générateur de la TVA en matière de prestation de service étant l'achèvement de la prestation et celui de la contribution des patentes comme des impôts fonciers étant le 1er janvier de l'année au titre de laquelle l'imposition est due, l'entrée en vigueur de ces nouvelles dispositions fiscales applicables aux villas de luxe et aux meublés de tourisme ne peut intervenir légalement, pour la TVA, avant la publication de la " loi du pays " attaquée et, pour la contribution des patentes et les impôts fonciers, avant le 1er janvier 2025.
19. L'article LP 18 étend les informations communiquées à l'administration fiscale par les distributeurs d'énergie. Ces dispositions, de nature réglementaire, ne sauraient entrer en vigueur légalement avant la publication de la " loi du pays " attaquée.
20. En dernier lieu, si l'article LP 25 fixe la date de l'entrée en vigueur des dispositions des II, III et IV de l'article LP 2 qui modifient la taxation à l'importation de certains véhicules hybrides et électriques à celle d'un arrêté pris le 20 décembre 2023, les dispositions de l'article LP 2 ne sauraient légalement entrer en vigueur à une date antérieure à la publication de la " loi du pays " attaquée.
21. Il résulte de tout ce qui précède que M. E... et autres et le MEDEF PF sont fondés à soutenir que l'article LP 25 de la " loi du pays " publiée le 12 avril 2024 portant diverses mesures fiscales fixe illégalement une date d'entrée en vigueur rétroactive pour des dispositions de cette " loi du pays ", une telle rétroactivité ne pouvant être regardée comme nécessaire pour tirer les conséquences de la décision du Conseil d'Etat, statuant au contentieux du 25 mars 2024, en l'absence de toute situation de vide juridique pour la période en cause, et ne pouvant être justifiée par la sécurité juridique des opérateurs économiques concernés. Ils sont, par suite, fondés à demander l'annulation de cet article LP 25.
22. Ces dispositions étant annulées, les conclusions aux mêmes fins présentées par M. D... deviennent sans objet. Il n'y a, dès lors, plus lieu d'y statuer.
Sur les autres conclusions de la requête de M. D... :
En ce qui concerne les conclusions dirigées contre la " loi du pays " :
23. En premier lieu, si M. D... soutient que la " loi du pays " du 12 avril 2024 portant diverses mesures fiscales serait entachée d'illégalité, faute pour son intitulé de faire référence à l'approbation du budget de la Polynésie française pour l'exercice 2024, ce moyen est inopérant dès lors que l'intitulé des " lois du pays " est, en tout état de cause, dépourvu de portée normative. Par ailleurs, les conclusions dirigées contre les articles LP 2, LP 7, LP 10, LP 13 de la " loi du pays " ne sont pas assorties d'une argumentation comportant les précisions nécessaires pour permettre d'en apprécier le bien-fondé.
24. En second lieu, aux termes de l'article 90 de la loi organique du 27 février 2004 portant statut d'autonomie de la Polynésie française: " Les autorités de la Polynésie française sont compétentes dans toutes les matières qui ne sont pas dévolues à l'Etat par l'article 14 et celles qui ne sont pas dévolues aux communes en vertu des lois et règlements applicables en Polynésie française (...) ". L'article 14 de la même loi dispose que : " Les autorités de l'Etat sont compétentes dans les seules matières suivantes :/ (...) 2° (...) droit pénal (...) ". Selon l'article 140 : " Les actes de l'assemblée de la Polynésie française, dénommés " lois du pays ", sur lesquels le Conseil d'Etat exerce un contrôle juridictionnel spécifique, sont ceux qui, relevant du domaine de la loi, soit ressortissent à la compétence de la Polynésie française en application de l'article 13 (...) / Les actes pris sur le fondement du présent article peuvent être applicables, lorsque l'intérêt général le justifie, aux contrats en cours ". L'article 90 prévoit que : " Sous réserve du domaine des actes prévus par l'article 140 dénommés "lois du pays", le conseil des ministres fixe les règles applicables aux matières suivantes :/ (...) 16° Codification des réglementations de la Polynésie française et mise à jour des codes (...) ".
25. Il résulte de ces dispositions que si le conseil des ministres a compétence pour fixer les règles applicables en matière de codification, il appartient à l'assemblée de la Polynésie française d'adopter, en application des dispositions des articles 13 et 140 de la loi organique, les " lois du pays " qui, dans le domaine de la loi, régissent la matière douanière, sous réserve de la compétence dévolue à l'Etat notamment en matière pénale. Dès lors, ne peut qu'être écarté le moyen tiré de ce que l'article LP 22 de la " loi du pays " attaquée serait entaché d'incompétence au motif qu'il modifie la délibération du 18 janvier 1963 portant règlement du service des douanes, valant code des douanes, alors que le conseil des ministres serait compétent pour le faire.
26. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la fin de non-recevoir opposée par la Polynésie française, que les autres conclusions de la requête de M. D... dirigées contre la " loi du pays " qu'il attaque doivent être rejetées.
En ce qui concerne la demande de suppression de passages injurieux :
27. M. D... n'est pas fondé à soutenir que le VIII du mémoire en défense produit le 12 juin 2024 par la Polynésie française sous le n°493563 comporterait à son encontre des passages injurieux, outrageants ou diffamatoires. Il s'ensuit que ses conclusions tendant à leur suppression sur le fondement de l'article L. 741-2 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées, y compris, en tout état de cause, celles tendant à ce qu'une somme lui soit versée à titre de dommages et intérêts, ou à titre de " provision sur pretium doloris ".
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
28. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre à la charge de la Polynésie française les sommes que les requérants demandent au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Ces dispositions font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge des requérants qui n'ont pas la qualité de partie perdante dans la présente instance.
D E C I D E :
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Article 1er : L'article LP 25 de la " loi du pays " n° 2024-8 LP/APF du 12 avril 2024 portant diverses mesures fiscales est annulé.
Article 2 : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de M. D... dirigées contre l'article LP 25 de la " loi du pays " du 12 avril 2024.
Article 3 : Le surplus des conclusions de M. D..., de M. E... et autres et du MEDEF PF est rejeté.
Article 4 : Les conclusions de la Polynésie française tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 5 : La présente décision sera notifiée à M. D..., M. E..., premier dénommé sous le n° 493845, au Mouvement des entreprises de France Polynésie française (MEDEF PF), au président de la Polynésie française et au président de l'assemblée de la Polynésie française.
Copie en sera adressée au ministre de l'intérieur et des outre-mer et au haut-commissaire de la République en Polynésie française.
Délibéré à l'issue de la séance du 19 juin 2024 où siégeaient : M. Jacques-Henri Stahl, président adjoint de la section du contentieux, présidant ; M. Bertrand Dacosta, Mme Anne Egerszegi, présidents de chambre ; M. Olivier Yeznikian, M. Nicolas Polge, M. Vincent Daumas, Mme Rozen Noguellou, M. Didier Ribes, conseillers d'Etat et Mme Isabelle Lemesle, conseillère d'Etat-rapporteure.
Rendu le 28 juin 2024.
Le président :
Signé : M. Jacques-Henri Stahl
La rapporteure :
Signé : Mme Isabelle Lemesle
Le secrétaire :
Signé : M. Hervé Herber