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27/06/2024 | FRANCE | N°472202

France | France, Conseil d'État, 1ère chambre, 27 juin 2024, 472202


Vu la procédure suivante :



Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de la Guyane d'annuler le titre de recette du 18 mai 2010 par lequel le président du conseil général de la Guyane l'a mise en demeure de reverser la somme de 10 114,18 euros correspondant à un trop-perçu de revenu minimum d'insertion, de constater la tardiveté fautive de cette mise en demeure et de condamner la collectivité territoriale de Guyane à lui verser cette somme en réparation des troubles dans ses conditions d'existence occasionnés par ce contentieux. Par un jugement n

° 1701142 du 25 juillet 2019, le tribunal administratif de la Guyane a ...

Vu la procédure suivante :

Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de la Guyane d'annuler le titre de recette du 18 mai 2010 par lequel le président du conseil général de la Guyane l'a mise en demeure de reverser la somme de 10 114,18 euros correspondant à un trop-perçu de revenu minimum d'insertion, de constater la tardiveté fautive de cette mise en demeure et de condamner la collectivité territoriale de Guyane à lui verser cette somme en réparation des troubles dans ses conditions d'existence occasionnés par ce contentieux. Par un jugement n° 1701142 du 25 juillet 2019, le tribunal administratif de la Guyane a rejeté cette demande.

Par une décision n° 438500 du 30 novembre 2021, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux a annulé ce jugement en tant qu'il rejette les conclusions de la demande de Mme A... tendant à l'annulation du titre de recette du 18 mai 2010 et renvoyé, dans cette mesure, l'affaire au tribunal administratif de la Guyane.

Par un jugement n° 2101591 du 15 décembre 2022, le tribunal administratif de la Guyane a transmis la demande de Mme A... au tribunal judiciaire de Cayenne.

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 16 mars et 17 juin 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, Mme A... demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à sa demande ;

3°) de mettre à la charge de la collectivité territoriale de Guyane la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de l'action sociale et des familles ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Anne Redondo, maîtresse des requêtes,

- les conclusions de M. Thomas Janicot, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Gaschignard, Loiseau, Massignon, avocat de Mme A... ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond qu'à la suite d'omissions dans ses déclarations de ressources, Mme A... a reçu le 12 février 2010 de l'agence départementale d'insertion de Guyane un courrier relatif à un trop-perçu de revenu minimum d'insertion pour la période du 1er juillet 2007 au 31 mai 2009 mentionnant la possibilité d'exercer un recours devant la commission départementale d'aide sociale, dans un délai de deux mois. Si Mme A... a saisi cette commission par un courrier du 18 mars 2010, celle-ci n'a pas statué sur sa demande. Un titre exécutoire de recette a été émis, le 18 mai 2010, par le président du conseil général de la Guyane, qui l'a mise en demeure de reverser la somme de 10 114,18 euros correspondant à l'indu de revenu minimum d'insertion mis à sa charge. Mme A... soutient que ce titre ne lui a jamais été notifié, la privant de la possibilité de le contester. Le 25 juillet 2014, Mme A... a reçu la notification d'une nouvelle mise en demeure de payer, datée du 18 juillet 2014. Le 20 août 2014, elle a sollicité une remise gracieuse auprès du président du conseil général, qui l'a rejetée le 13 octobre 2014 en l'informant de la possibilité de former un recours dans un délai de deux mois devant le tribunal administratif de la Guyane, ce qu'elle a fait le 16 décembre 2014. Par une ordonnance du 28 mai 2015, le président du tribunal administratif a rejeté cette demande comme portée devant une juridiction incompétente pour en connaître, au motif que le litige relevait de la commission départementale d'aide sociale de la Guyane. Par un courrier du 25 août 2017, Mme A... a été informée de la mise en recouvrement de l'indu litigieux par un avis à tiers détenteur. Par un courrier du 15 septembre 2017, elle a fait opposition en faisant valoir la prescription du titre, que le comptable public a contestée. Le 13 novembre 2017, elle a saisi le tribunal administratif de la Guyane en sollicitant, d'une part, l'annulation du titre de recette de 2010 et, d'autre part, son indemnisation pour la même somme de 10 114,18 euros au titre de son préjudice dans les conditions d'existence. Par un jugement du 25 juillet 2019, ce tribunal a rejeté cette demande. Par une décision du 30 novembre 2021, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux a annulé ce jugement en tant qu'il rejette les conclusions de la demande de Mme A... tendant à l'annulation du titre de recettes du 18 mai 2010 et renvoyé, dans cette mesure, l'affaire au tribunal administratif de Cayenne. Par un jugement du 15 décembre 2022, contre lequel Mme A... se pourvoit en cassation, le tribunal administratif de la Guyane a jugé que le litige relevait de la compétence du juge judiciaire de l'exécution et a transmis la demande de Mme A... au tribunal judiciaire de Cayenne.

2. D'une part, les créances relatives au revenu minimum d'insertion ont le caractère de créances administratives. D'autre part, le recours tendant à l'annulation d'un titre exécutoire ne met pas en cause la régularité d'un acte de poursuite, dont le juge judiciaire serait seul compétent pour connaître. Par suite, la demande de Mme A... tendant à l'annulation du titre de recettes du 18 mai 2010 émis pour la récupération d'un indu de revenu minimum d'insertion relève de la compétence de la juridiction administrative et le tribunal administratif a commis une erreur de droit en jugeant qu'il n'appartenait qu'au juge judiciaire de connaître de la demande de Mme A... tendant à l'annulation du titre de recette du 18 mai 2010.

3. Il suit de là que, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens du pourvoi, Mme A... est fondée à demander pour ce motif l'annulation du jugement qu'elle attaque.

4. Aux termes du second alinéa de l'article L. 821-2 du code de justice administrative : " Lorsque l'affaire fait l'objet d'un second pourvoi en cassation, le Conseil d'Etat statue définitivement sur cette affaire ". Le Conseil d'Etat étant saisi, en l'espèce, d'un second pourvoi en cassation, il lui incombe de régler l'affaire au fond.

5. Aux termes du premier alinéa de l'article L. 262-39 du code de l'action sociale et des familles, dans sa rédaction applicable au litige : " Un recours contentieux contre les décisions relatives à l'allocation de revenu minimum peut être formé par toute personne qui y a intérêt devant la commission départementale d'aide sociale, mentionnée à l'article L. 134-6, dans le ressort de laquelle a été prise la décision. ". Et aux termes de l'article L. 262-42 : " Le recours mentionné à l'article L. 262-41 et l'appel contre cette décision devant la commission centrale d'aide sociale ont un caractère suspensif (...) ".

6. Il ressort des pièces du dossier que Mme A... a saisi la commission départementale d'aide sociale de la Guyane par un courrier du 18 mars 2010 pour contester la décision de récupération d'un indu de revenu minimum d'insertion d'un montant de 10 114,18 euros pour la période du 1er juillet 2007 au 31 mai 2009. Ce recours ayant un caractère suspensif, le président du conseil général de la Guyane ne pouvait, en l'absence de décision rendue par la commission départementale d'aide sociale sur le litige dont elle était saisie, émettre un titre exécutoire pour le recouvrement de cet indu.

7. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de sa demande, que Mme A... est fondée à demander l'annulation du titre de recette émis le 18 mai 2010 par le président du conseil général de la Guyane.

8. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la collectivité territoriale de la Guyane une somme de 4 500 euros à verser à Mme A... au titre des frais exposés par cette requérante tant en première instance que devant le Conseil d'Etat et non compris dans les dépens.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Le jugement du 15 décembre 2022 du tribunal administratif de la Guyane est annulé.

Article 2 : Le titre de recettes du 18 mai 2010 émis par le président du conseil général de la Guyane pour la récupération d'un indu de revenu minimum d'insertion est annulé.

Article 3 : La collectivité territoriale de Guyane versera à Mme A... une somme de 4 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à Mme B... A... et à la collectivité territoriale de Guyane.

Copie en sera adressée au tribunal judiciaire de Cayenne.

Délibéré à l'issue de la séance du 23 mai 2024 où siégeaient : Mme Gaëlle Dumortier, présidente de chambre, présidant ; M. Jean-Luc Nevache, conseiller d'Etat et Mme Anne Redondo, maîtresse des requêtes-rapporteure.

Rendu le 27 juin 2024.

La présidente :

Signé : Mme Gaëlle Dumortier

La rapporteure :

Signé : Mme Anne Redondo

La secrétaire :

Signé : Mme Paule Troly


Synthèse
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 472202
Date de la décision : 27/06/2024
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 27 jui. 2024, n° 472202
Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Anne Redondo
Rapporteur public ?: M. Thomas Janicot
Avocat(s) : SCP GASCHIGNARD, LOISEAU, MASSIGNON

Origine de la décision
Date de l'import : 30/06/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2024:472202.20240627
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