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21/06/2024 | FRANCE | N°474508

France | France, Conseil d'État, 6ème chambre, 21 juin 2024, 474508


Vu la procédure suivante :



La région Auvergne-Rhône-Alpes, la commune de La Tuilière et la commune de Saint-Just-en-Chevalet ont demandé à la cour administrative d'appel de Lyon d'annuler l'arrêté du 22 février 2022 par lequel la préfète de la Loire a accordé à la société Monts de la Madeleine Energie une autorisation environnementale tenant lieu d'autorisation d'exploiter un parc éolien composé de neuf aérogénérateurs et deux postes de livraison sur les communes de Chérier et de La Tuilière (Loire). Par un arrêt n° 22LY01865 du 30 mars 2023

, la cour administrative d'appel de Lyon a rejeté leur requête.



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Vu la procédure suivante :

La région Auvergne-Rhône-Alpes, la commune de La Tuilière et la commune de Saint-Just-en-Chevalet ont demandé à la cour administrative d'appel de Lyon d'annuler l'arrêté du 22 février 2022 par lequel la préfète de la Loire a accordé à la société Monts de la Madeleine Energie une autorisation environnementale tenant lieu d'autorisation d'exploiter un parc éolien composé de neuf aérogénérateurs et deux postes de livraison sur les communes de Chérier et de La Tuilière (Loire). Par un arrêt n° 22LY01865 du 30 mars 2023, la cour administrative d'appel de Lyon a rejeté leur requête.

Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 26 mai et 26 juillet 2023 et le 2 avril 2024 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la région Auvergne-Rhône-Alpes, la commune de la Tuilière et la commune de Saint-Just-en-Chevalet demandent au Conseil d'Etat :

1°) de donner acte du désistement de la commune de Saint-Just-en-Chevalet ;

2°) d'annuler cet arrêt ;

3°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à leur requête ;

4°) de mettre à la charge solidaire de l'Etat et de la société Monts de la Madeleine Energie la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de l'environnement ;

- le code de l'urbanisme ;

- l'arrêté du 19 février 2007 du ministre de l'agriculture et de la pêche et de la ministre de l'écologie et du développement durable fixant les conditions de demande et d'instruction des dérogations définies au 4° de l'article L. 411-2 du code de l'environnement portant sur des espèces de faune et de flore sauvages protégées ;

- l'arrêté du 23 avril 2007 du ministre de l'agriculture et de la pêche et de la ministre de l'écologie et du développement durable fixant la liste des mammifères terrestres protégés sur l'ensemble du territoire et les modalités de leur protection ;

- l'arrêté du 29 octobre 2009 du ministre d'Etat, ministre de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de la mer, en charge des technologies vertes et des négociations sur le climat, et du ministre de l'alimentation, de l'agriculture et de la pêche fixant la liste des oiseaux protégés sur l'ensemble du territoire et les modalités de leur protection ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. David Gaudillère, maître des requêtes,

- les conclusions de M. Nicolas Agnoux, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Marlange, de la Burgade, avocat de la région Auvergne-Rhône-Alpes et autres, et à la SAS Boulloche, Colin, Stoclet et associés, avocat de la société Monts de la Madeleine Energie ;

Vu la note en délibéré, enregistrée le 23 mai 2024, présentée par la société Monts de la Madeleine Energie ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la société Monts de la Madeleine Énergie a déposé une demande d'autorisation d'exploiter une installation de production d'électricité, composée de neuf aérogénérateurs et deux postes de livraison, sur le territoire des communes de Chérier et La Tuilière (Loire). Par un arrêt du 28 octobre 2021, la cour administrative d'appel de Lyon a annulé le jugement du 4 juillet 2019 du tribunal administratif de Lyon et l'arrêté du 18 octobre 2017 par lequel le préfet de la Loire a refusé d'accorder l'autorisation d'exploiter sollicitée et a enjoint à la préfète de délivrer l'autorisation. Le 22 février 2022, la préfète de la Loire a délivré à la société Monts de la Madeleine Énergie l'autorisation sollicitée. La région Auvergne-Rhône-Alpes, la commune de la Tuilière et la commune de Saint-Just-en-Chevalet se sont pourvues en cassation contre l'arrêt du 30 mars 2023 par lequel la cour administrative d'appel de Lyon a rejeté leur requête tendant à l'annulation de l'arrêté du 22 février 2022.

2. Le désistement de la commune de Saint-Just-en-Chevalet est pur et simple. Rien ne s'oppose à ce qu'il en soit donné acte.

3. Aux termes de l'article L. 411-1 du code de l'environnement : " I. - Lorsqu'un intérêt scientifique particulier, le rôle essentiel dans l'écosystème ou les nécessités de la préservation du patrimoine naturel justifient la conservation de sites d'intérêt géologique, d'habitats naturels, d'espèces animales non domestiques ou végétales non cultivées et de leurs habitats, sont interdits: / 1° La destruction ou l'enlèvement des œufs ou des nids, la mutilation, la destruction, la capture ou l'enlèvement, la perturbation intentionnelle, la naturalisation d'animaux de ces espèces ou, qu'ils soient vivants ou morts, leur transport, leur colportage, leur utilisation, leur détention, leur mise en vente, leur vente ou leur achat ; (...) / 3° La destruction, l'altération ou la dégradation de ces habitats naturels ou de ces habitats d'espèces (...) ". Aux termes de l'article L. 411-2 du même code : " I. - Un décret en Conseil d'Etat détermine les conditions dans lesquelles sont fixées : (...) / 4° La délivrance de dérogations aux interdictions mentionnées aux 1°, 2° et 3° de l'article L. 411-1, à condition qu'il n'existe pas d'autre solution satisfaisante, pouvant être évaluée par une tierce expertise menée, à la demande de l'autorité compétente, par un organisme extérieur choisi en accord avec elle, aux frais du pétitionnaire, et que la dérogation ne nuise pas au maintien, dans un état de conservation favorable, des populations des espèces concernées dans leur aire de répartition naturelle : a) Dans l'intérêt de la protection de la faune et de la flore sauvages et de la conservation des habitats naturels ; / b) Pour prévenir des dommages importants notamment aux cultures, à l'élevage, aux forêts, aux pêcheries, aux eaux et à d'autres formes de propriété ; / c) Dans l'intérêt de la santé et de la sécurité publiques ou pour d'autres raisons impératives d'intérêt public majeur, y compris de nature sociale ou économique, et pour des motifs qui comporteraient des conséquences bénéfiques primordiales pour l'environnement ; / d) A des fins de recherche et d'éducation, de repeuplement et de réintroduction de ces espèces et pour des opérations de reproduction nécessaires à ces fins, y compris la propagation artificielle des plantes ; / e) Pour permettre, dans des conditions strictement contrôlées, d'une manière sélective et dans une mesure limitée, la prise ou la détention d'un nombre limité et spécifié de certains spécimens (...) ". Aux termes de l'article R. 411-6 du même code : " Les dérogations définies au 4° de l'article L. 411-2 sont accordées par le préfet, sauf dans les cas prévus aux articles R. 411-7 et R. 411-8. / Le silence gardé pendant plus de quatre mois par l'autorité administrative sur une demande de dérogation vaut décision de rejet. / Toutefois, lorsque la dérogation est sollicitée pour un projet entrant dans le champ d'application de l'article L. 181-1, l'autorisation environnementale prévue par cet article tient lieu de la dérogation définie par le 4° de l'article L. 411-2. La demande est alors instruite et délivrée dans les conditions prévues par le chapitre unique du titre VIII du livre Ier pour l'autorisation environnementale et les dispositions de la présente sous-section ne sont pas applicables ". Aux termes de l'article R. 411-11 du même code : " Les dérogations définies au 4° de l'article L. 411-2 précisent les conditions d'exécution de l'opération concernée. Elles peuvent être subordonnées à la tenue d'un registre (...) ". Aux termes de l'article R. 411-12 du même code : " Les dérogations définies au 4° de l'article L. 411-2 peuvent être suspendues ou révoquées, le bénéficiaire entendu, si les conditions fixées ne sont pas respectées ". Aux termes de l'article 2 de l'arrêté du 19 février 2007 du ministre de l'agriculture et de la pêche et de la ministre de l'écologie et du développement durable fixant les conditions de demande et d'instruction des dérogations définies au 4° de l'article L. 411-2 du code de l'environnement portant sur des espèces de faune et de flore sauvages protégées : " La demande de dérogation (...) comprend : (...) La description, en fonction de la nature de l'opération projetée : (...) s'il y a lieu, des mesures d'atténuation ou de compensation mises en œuvre, ayant des conséquences bénéfiques pour les espèces concernées (...) ". Aux termes de l'article 4 de cet arrêté, la décision précise, en cas d'octroi d'une dérogation, " la motivation de celle-ci et, en tant que de besoin, en fonction de la nature de l'opération projetée, les conditions de celles-ci, notamment : (...) nombre et sexe des spécimens sur lesquels porte la dérogation " et " s'il y a lieu, mesures de réduction ou de compensation mises en œuvre, ayant des conséquences bénéfiques pour les espèces concernées ainsi qu'un délai pour la transmission à l'autorité décisionnaire du bilan de leur mise en œuvre ". Les arrêtés du 23 avril 2007 et du 29 octobre 2009 des ministres chargés de l'agriculture et de l'environnement fixent, respectivement, la liste des mammifères terrestres et des oiseaux protégés sur l'ensemble du territoire et les modalités de leur protection.

4. Il résulte de ces dispositions que la destruction ou la perturbation des espèces animales concernées, ainsi que la destruction ou la dégradation de leurs habitats, sont interdites. Toutefois, l'autorité administrative peut déroger à ces interdictions dès lors que sont remplies trois conditions distinctes et cumulatives tenant d'une part, à l'absence de solution alternative satisfaisante, d'autre part, à la condition de ne pas nuire au maintien, dans un état de conservation favorable, des populations des espèces concernées dans leur aire de répartition naturelle et, enfin, à la justification de la dérogation par l'un des cinq motifs limitativement énumérés et parmi lesquels figure le fait que le projet réponde, par sa nature et compte tenu des intérêts économiques et sociaux en jeu, à une raison impérative d'intérêt public majeur.

5. Le système de protection des espèces résultant des dispositions citées ci-dessus, qui concerne les espèces de mammifères terrestres et d'oiseaux figurant sur les listes fixées par les arrêtés du 23 avril 2007 et du 29 octobre 2009, impose d'examiner si l'obtention d'une dérogation est nécessaire dès lors que des spécimens de l'espèce concernée sont présents dans la zone du projet, sans que l'applicabilité du régime de protection dépende, à ce stade, ni du nombre de ces spécimens, ni de l'état de conservation des espèces protégées présentes.

6. Le pétitionnaire doit obtenir une dérogation " espèces protégées " si le risque que le projet comporte pour les espèces protégées est suffisamment caractérisé. A ce titre, les mesures d'évitement et de réduction des atteintes portées aux espèces protégées proposées par le pétitionnaire doivent être prises en compte. Dans l'hypothèse où les mesures d'évitement et de réduction proposées présentent, sous le contrôle de l'administration, des garanties d'effectivité telles qu'elles permettent de diminuer le risque pour les espèces au point qu'il apparaisse comme n'étant pas suffisamment caractérisé, il n'est pas nécessaire de solliciter une dérogation " espèces protégées ".

7. Il ressort des énonciations de l'arrêt attaqué que, pour juger que le projet contesté ne présentait pas un risque suffisamment caractérisé d'atteintes à des animaux protégés ou à leurs habitats, la cour a d'abord relevé que l'arrêté du 22 février 2022 avait prévu des mesures de protection de ces espèces comprenant des modalités de déboisement permettant d'éviter leur mortalité en phase travaux, une réduction des facteurs d'attractivité des chiroptères et de l'avifaune, la mise en place d'un bridage en faveur des chiroptères, notamment avec une régulation nocturne, et un autre en faveur de l'avifaune, avec un dispositif de détection vidéo automatique couplé à un dispositif d'arrêt automatique des éoliennes. La cour a ensuite relevé, s'agissant de l'avifaune, et notamment des milans noirs et royaux, du bruant jaune et de la grue cendrée, qu'eu égard aux mesures de réduction proposées, l'étude d'impact estimait que l'impact du projet sur l'avifaune était faible, concernant la période post-nuptiale, à modéré. En ce qui concerne les chiroptères, et particulièrement la grande noctule, la noctule commune et la noctule de Leisler, la cour a relevé que le niveau d'impact résiduel était jugé faible à modéré, eu égard aux mesures d'évitement et de réduction, le bridage des machines pendant les périodes favorables à l'évolution des chiroptères permettant, selon l'étude d'impact, de limiter les effets sur les chiroptères. La cour en a conclu que, compte tenu des enjeux identifiés et des mesures d'évitement et de réduction retenues par le pétitionnaire ou imposées par l'administration, le projet contesté ne présentait pas un risque suffisamment caractérisé d'atteintes à des animaux protégés ou à leurs habitats.

8. Il ressort toutefois des pièces du dossier soumis aux juges du fond que le site retenu pour l'implantation présente des sensibilités fortes pour l'avifaune et les chiroptères, avec un risque avéré de mortalité pour plusieurs espèces, tels les rapaces et les grands voiliers, que les mesures d'évitement et de réduction ne permettaient d'atténuer que partiellement. Il ressort également des pièces du dossier soumis aux juges du fond que l'effectivité de certaines des mesures de réduction mises en avant était fortement discutée et que les mesures d'évitement et de réduction ne permettraient pas de protéger les chiroptères, notamment les noctules.

9. Dès lors, en estimant que le projet contesté ne présentait pas de risque suffisamment caractérisé d'atteinte à des animaux protégés et que les requérantes n'étaient par suite pas fondées à soutenir que l'arrêté en litige méconnaissait les articles L. 411-1 et L. 411-2 du code de l'environnement, faute d'être accompagné de la dérogation prévue au 4° de l'article L. 411-2, alors même qu'elle avait relevé que le risque pour l'avifaune et les chiroptères en cause pouvait être modéré et que, s'agissant des chiroptères, les mesures de réduction n'auraient pour effet que de limiter l'impact en termes de risque de mortalité, la cour a inexactement qualifié les faits qui lui étaient soumis.

10. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens du pourvoi, que les requérantes sont fondées à demander l'annulation de l'arrêt qu'elles attaquent.

11. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge solidaire de l'Etat et de la société Monts de la Madeleine Energie le versement d'une somme de 3 000 euros à la région Auvergne-Rhône-Alpes et autre, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

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Article 1er : Il est donné acte du désistement de la commune de Saint-Just-en-Chevalet.

Article 2 : L'arrêt du 30 mars 2023 de la cour administrative d'appel de Lyon est annulé.

Article 3 : L'affaire est renvoyée à la cour administrative d'appel de Lyon.

Article 4 : L'Etat et la société Monts de la Madeleine Energie verseront conjointement à la région Auvergne-Rhône-Alpes et à la commune de la Tuilière une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : La présente décision sera notifiée à la commune de la Tuilière, représentante unique, au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires et à la société Monts de la Madeleine Energie.

Délibéré à l'issue de la séance du 23 mai 2024 où siégeaient : Mme Isabelle de Silva, présidente de chambre, présidant ; M. Stéphane Hoynck, conseiller d'Etat et M. David Gaudillère, maître des requêtes-rapporteur.

Rendu le 21 juin 2024.

La présidente :

Signé : Mme Isabelle de Silva

Le rapporteur :

Signé : M. David Gaudillère

La secrétaire :

Signé : Mme Laïla Kouas


Synthèse
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 474508
Date de la décision : 21/06/2024
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 21 jui. 2024, n° 474508
Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. David Gaudillère
Rapporteur public ?: M. Nicolas Agnoux
Avocat(s) : SCP MARLANGE, DE LA BURGADE ; SAS BOULLOCHE, COLIN, STOCLET ET ASSOCIÉS

Origine de la décision
Date de l'import : 06/09/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2024:474508.20240621
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