Vu la procédure suivante :
Par une requête et deux nouveaux mémoires, enregistrés les 13 janvier et 3 avril 2023 et le 16 février 2024 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. B... A... demande au Conseil d'Etat :
1°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 7 200 euros, à parfaire de 50 euros par mois à compter du dépôt de sa requête devant le Conseil d'Etat, outre les intérêts de droit à compter de la réception le 18 juillet 2022 de sa demande préalable d'indemnisation adressée au garde des sceaux, ministre de la justice, et outre les intérêts capitalisés à compter de la date anniversaire de cet événement et à chacune des échéances annuelles successives postérieures, en raison des préjudices qu'il estime avoir subis du fait de la durée excessive de la procédure engagée devant la juridiction administrative dans le cadre du litige l'opposant au recteur de l'académie de Mayotte ;
2°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision implicite du garde des sceaux, ministre de la justice, rejetant sa demande préalable tendant à être indemnisé du préjudice qu'il estime avoir subi du fait de la durée excessive de la procédure engagée devant la juridiction administrative dans le cadre du litige l'opposant au recteur de l'académie de Mayotte ainsi que la décision du 9 février 2023 par laquelle le garde des sceaux, ministre de la justice, s'est prononcé sur son recours gracieux formé contre sa décision implicite de rejet et a proposé de l'indemniser à hauteur de 1 000 euros ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Julien Fradel, maître des requêtes en service extraordinaire,
- les conclusions de M. Raphaël Chambon, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SARL Thouvenin, Coudray, Grevy, avocat de M. A... ;
Vu la note en délibéré, enregistrée le 17 mai 2024, présentée par M. A... ;
Considérant ce qui suit :
1. M. B... A..., professeur certifié, demande la condamnation de l'Etat à l'indemniser des préjudices qu'il estime avoir subis du fait de la durée excessive de la procédure qu'il a engagée devant le tribunal administratif de Mayotte à la suite du refus du vice-recteur de l'académie de Mayotte de lui accorder le bénéfice de l'indemnité de sujétion géographique au titre de son affectation à Mayotte à compter de la rentrée scolaire de 2018. Il demande également, dans le dernier état de ses conclusions, l'annulation pour excès de pouvoir de la décision implicite du garde des sceaux, ministre de la justice, rejetant sa demande préalable tendant à être indemnisé de ces mêmes préjudices ainsi que de la décision du 9 février 2023 par laquelle le garde des sceaux, ministre de la justice, s'est prononcé sur son recours gracieux formé contre sa décision implicite de rejet et a proposé de l'indemniser à hauteur de 1 000 euros.
Sur les conclusions à fins d'annulation :
2. La décision implicite du garde des sceaux, ministre de la justice, rejetant la demande préalable de M. A... a eu pour seul effet de lier le contentieux à l'égard de l'objet de la demande de M. A... qui, en formulant les conclusions indemnitaires analysées au point précédent, a donné à l'ensemble de sa requête le caractère d'un recours de plein contentieux. Au regard de l'objet de la demande formée par le requérant, qui conduit le juge à se prononcer sur ses droits à indemnisation, les vices propres dont seraient, le cas échéant, entachées les deux décisions par lesquelles le garde des sceaux, ministre de la justice, pour la première, a rejeté sa réclamation préalable et, pour la seconde, s'est prononcé sur son recours gracieux formé contre sa décision implicite de rejet, sont sans incidence sur la solution du litige. Par suite, les conclusions dirigées contre ces décisions ne peuvent qu'être rejetées.
Sur les conclusions à fins d'indemnisation :
3. Il résulte des principes généraux qui gouvernent le fonctionnement des juridictions administratives que les justiciables ont droit à ce que leurs requêtes soient jugées dans un délai raisonnable. Si la méconnaissance de cette obligation est sans incidence sur la validité de la décision juridictionnelle prise à l'issue de la procédure, les justiciables doivent néanmoins pouvoir en faire assurer le respect. Ainsi, lorsque la méconnaissance du droit à un délai raisonnable de jugement leur a causé un préjudice, ils peuvent obtenir la réparation de l'ensemble des dommages, tant matériels que moraux, directs et certains, ainsi causés par le fonctionnement défectueux du service public de la justice. Le caractère raisonnable du délai de jugement d'une affaire doit s'apprécier de manière à la fois globale, compte tenu, notamment, de l'exercice des voies de recours, particulières à chaque instance, et concrète, en prenant en compte sa complexité, les conditions de déroulement de la procédure et, en particulier, le comportement des parties tout au long de celle-ci, mais aussi, dans la mesure où la juridiction saisie a connaissance de tels éléments, l'intérêt qu'il peut y avoir, pour l'une ou l'autre, compte tenu de sa situation particulière, des circonstances propres au litige et, le cas échéant, de sa nature même, à ce qu'il soit tranché rapidement. Lorsque la durée globale de jugement n'a pas dépassé le délai raisonnable, la responsabilité de l'Etat est néanmoins susceptible d'être engagée si la durée de l'une des instances a, par elle-même, revêtu une durée excessive.
4. Il résulte également des principes généraux qui gouvernent le fonctionnement des juridictions administratives que, si la responsabilité de l'Etat est susceptible d'être engagée en raison du fonctionnement défectueux du service public de la justice, un délai excessif dans l'exécution d'une décision juridictionnelle engage, en principe, la responsabilité de la personne à qui incombait cette exécution. Lorsque la carence de cette personne donne lieu à une procédure juridictionnelle d'exécution, celle-ci doit être jugée dans un délai raisonnable, une durée de jugement excessive étant susceptible d'engager la responsabilité de l'Etat en raison du fonctionnement défectueux du service public de la justice. La durée globale de jugement, en vertu des principes rappelés au point précédent, est à prendre en compte jusqu'à l'exécution complète de ce jugement.
5. Il résulte de l'instruction que M. A... a demandé, le 21 janvier 2019, au vice-recteur de l'académie de Mayotte de lui accorder le bénéfice de l'indemnité de sujétion géographique (ISG) au titre de son affectation à Mayotte à compter de la rentrée scolaire de 2018. Par une décision implicite née le 21 mars 2019, le vice-recteur de l'académie de Mayotte a rejeté sa demande. M. A... a saisi, le 20 mai 2019, le tribunal administratif de Mayotte d'une demande tendant, d'une part, à l'annulation pour excès de pouvoir de cette décision implicite de rejet, et, d'autre part, à la condamnation de l'Etat à lui verser les sommes dues au titre de l'ISG, majorées des intérêts au taux légal à compter de sa demande adressée au vice-recteur de l'académie de Mayotte. Par une ordonnance du 15 janvier 2021, devenue définitive, le président de la 2ème chambre du tribunal administratif a condamné l'Etat à verser à M. A... les sommes dues au titre de la 1ère fraction de l'ISG, majorées des intérêts au taux légal à compter du 21 janvier 2019, et les sommes dues au titre de la 2ème fraction de l'ISG. Le 24 avril 2022, M. A... a demandé au tribunal administratif de Mayotte d'enjoindre au recteur de l'académie de Mayotte de prendre les mesures qu'implique l'exécution de cette ordonnance. Par une ordonnance du 14 août 2023, le président du tribunal administratif a décidé l'ouverture d'une procédure juridictionnelle d'exécution, les intérêts de retard dus n'ayant pas été versés. Par un jugement du 5 janvier 2024, le tribunal administratif a enjoint au recteur de l'académie de Mayotte de verser à M. A... une somme de 863,16 euros, assortie des intérêts au taux légal majoré de cinq points courant à compter du 1er mai 2021.
6. Il résulte ce qui a été dit au point précédent que la durée de l'instance au fond devant le tribunal administratif de Mayotte n'a pas dépassé deux ans et que celle de la procédure d'exécution de l'ordonnance du 15 janvier 2021 du président de la 2ème chambre du tribunal administratif de Mayotte a été, pour sa phase juridictionnelle, inférieure à cinq mois. Ces durées ne revêtent pas en l'espèce un caractère excessif. Si le requérant fait par ailleurs valoir que l'administration n'aurait pas encore versé les intérêts de retard dus, la durée écoulée depuis l'intervention du jugement du 5 janvier 2024 du tribunal administratif de Mayotte n'est imputable qu'à l'administration à laquelle incombe l'exécution de ce jugement. Il s'ensuit que M. A... n'est pas fondé à soutenir que son droit à un délai raisonnable de jugement a été méconnu. Ses conclusions indemnitaires, ainsi que celles présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ne peuvent dès lors qu'être rejetées.
D E C I D E :
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Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. B... A... et au garde des sceaux, ministre de la justice.
Copie en sera adressée pour information à la présidente de la mission permanente d'inspection des juridictions administratives.