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18/06/2024 | FRANCE | N°476270

France | France, Conseil d'État, 9ème chambre, 18 juin 2024, 476270


Vu la procédure suivante :



La société Etablissement L. Tessier a demandé au tribunal administratif de Nantes de prononcer la réduction des cotisations primitives de taxe foncière sur les propriétés bâties auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2017 et 2018 dans les rôles de la commune de Cornillé-les-Caves (Maine-et-Loire) à raison de l'établissement dont elle est propriétaire sur le territoire de cette commune. Par un jugement n° 2000805 du 26 mai 2023, ce tribunal a rejeté sa demande.



Par un pourvoi so

mmaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 25 juillet et...

Vu la procédure suivante :

La société Etablissement L. Tessier a demandé au tribunal administratif de Nantes de prononcer la réduction des cotisations primitives de taxe foncière sur les propriétés bâties auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2017 et 2018 dans les rôles de la commune de Cornillé-les-Caves (Maine-et-Loire) à raison de l'établissement dont elle est propriétaire sur le territoire de cette commune. Par un jugement n° 2000805 du 26 mai 2023, ce tribunal a rejeté sa demande.

Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 25 juillet et 25 octobre 2023 et le 19 avril 2024 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société Etablissement L. Tessier demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 500 euros au titre de l'article

L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Olivier Pau, auditeur,

- les conclusions de Mme Céline Guibé, rapporteure publique ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SARL Thouvenin, Coudray, Grevy, avocat de la société par la société Établissement L.Tessier ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis au juge du fond qu'à la suite d'une vérification de comptabilité de la société Etablissement L. Tessier, propriétaire d'un établissement industriel de fabrication de fromages qu'elle exploite situé sur le territoire de la commune de Cornillé-les-Caves (Maine-et-Loire), l'administration fiscale a déterminé la valeur locative foncière de cet établissement selon la méthode comptable prévue à l'article 1499 du code général des impôts à partir des immobilisations comptabilisées à l'actif du bilan de la société. La société Etablissement L. Tessier a été assujettie à la taxe foncière sur les propriétés bâties au titre des années 2017 et 2018 sur l'assiette constituée de la valeur locative ainsi évaluée. Par un jugement du 26 mai 2023, le tribunal administratif de Nantes a rejeté la demande de la société tendant à la réduction de ces cotisations primitives de taxe foncière. La société Etablissement L. Tessier se pourvoit en cassation contre ce jugement.

2. Aux termes de l'article 1380 du code général des impôts : " La taxe foncière est établie annuellement sur les propriétés bâties sises en France à l'exception de celles qui en sont expressément exonérées par les dispositions du présent code ". Selon l'article 1381 du même code : " Sont également soumis à la taxe foncière sur les propriétés bâties : / 1° Les installations destinées à abriter des personnes ou des biens ou à stocker des produits ainsi que les ouvrages en maçonnerie présentant le caractère de véritables constructions tels que, notamment, les cheminées d'usine, les réfrigérants atmosphériques, les formes de radoub, les ouvrages servant de support aux moyens matériels d'exploitation ; / (...) ". Selon l'article 1382 du code général des impôts, dans sa rédaction applicable aux impositions en litige : " Sont exonérés de la taxe foncière sur les propriétés bâties : / (...) / 11° Les outillages et autres installations et moyens matériels d'exploitation des établissements industriels à l'exclusion de ceux visés aux 1° et 2° de l'article 1381 ". Aux termes du premier alinéa de l'article 1495 de ce code : " Chaque propriété ou fraction de propriété est appréciée d'après sa consistance, son affectation, sa situation et son état, à la date de l'évaluation ". Aux termes du II de l'article 324 B de l'annexe III au même code : " Pour l'appréciation de la consistance il est tenu compte de tous les travaux équipements ou éléments d'équipement existant au jour de l'évaluation ".

3. Pour apprécier, en application de l'article 1495 du code général des impôts et de l'article 324 B de son annexe III, la consistance des propriétés qui entrent, en vertu de ses articles 1380 et 1381, dans le champ de la taxe foncière sur les propriétés bâties, il est tenu compte, non seulement de tous les éléments d'assiette mentionnés par ces deux derniers articles mais également des biens faisant corps avec eux. Sont toutefois exonérés de cette taxe, en application du 11° de l'article 1382 du même code, ceux de ces biens qui font partie des outillages, autres installations et moyens matériels d'exploitation d'un établissement industriel, c'est-à-dire ceux de ces biens qui relèvent d'un établissement qualifié d'industriel au sens de l'article 1499, qui sont spécifiquement adaptés aux activités susceptibles d'être exercées dans un tel établissement et qui ne sont pas au nombre des éléments mentionnés aux 1° et 2° de l'article 1381.

4. En premier lieu, pour juger que les cuves, citernes et tanks à lait en litige devaient être regardés comme des installations destinées à stocker des produits au sens des dispositions du 1° de l'article 1381 du code général des impôts cité au point 2, le tribunal a relevé, d'une part, qu'il résultait de l'instruction que ces installations présentaient une capacité supérieure ou égale à 100 m3, mesuraient plusieurs mètres de haut et étaient installées à l'extérieur des bâtiments de production, fixés et boulonnés sur des assises en béton comprenant une fondation à même de supporter leur poids, d'autre part, que ces installations étaient reliées par une tuyauterie, aérienne ou souterraine, en amont à des installations de pompage et en aval aux installations de fabrication du fromage et, enfin, que leur volume et taille ainsi que leur emplacement dans le processus de production impliquaient que ces installations n'avaient pas vocation à être déplacées, sauf à mettre en œuvre des moyens importants. En statuant ainsi, le tribunal, qui a suffisamment motivé son jugement, n'a pas dénaturé les pièces du dossier.

5. En deuxième lieu, les moyens tirés de ce que le tribunal aurait insuffisamment motivé son jugement et inexactement qualifié les faits qui lui étaient soumis en jugeant que la société n'apportait aucun élément pour démontrer le caractère mobilier de la passerelle acquise en 2012 et qu'il ne résultait pas de l'instruction que cette passerelle serait spécifiquement adaptée aux activités susceptibles d'être exercées dans un établissement industriel ne sont pas assortis des précisions suffisantes permettant d'en apprécier le bien-fondé. Ils ne peuvent donc qu'être écartés.

6. En troisième lieu, s'agissant des panneaux d'isolation thermique des ateliers de fabrication, d'affinage et de stockage des fromages en litige, en relevant qu'il ne résultait pas de l'instruction, faute pour les éléments produits par la société requérante d'être accompagnés d'explications détaillées et de photographies, que ces panneaux étaient spécifiquement adaptés aux activités susceptibles d'être exercées dans un établissement industriel, alors qu'il n'était pas contesté qu'ils étaient adaptés à l'activité industrielle particulière exercée dans cet établissement, qui nécessitait le maintien d'une température appropriée permettant une régulation des conditions de conservation thermique et hygrométrique dans le processus de fabrication et de transformation des fromages et qu'il ressortait des pièces du dossier qui lui était soumis que ces panneaux avaient été inscrits en comptabilité pour un prix de revient de 1 953 664 euros, le tribunal a dénaturé les pièces du dossier. Il a, par suite, inexactement qualifié les faits qui lui étaient soumis en refusant de regarder ces panneaux comme des biens exonérés de cotisation foncière des entreprises, en application du 11° de l'article 1382 du même code.

7. En quatrième et dernier lieu, en jugeant qu'il ne résultait pas de l'instruction que les immobilisations correspondant au système de sécurité incendie seraient spécifiquement adaptées aux activités susceptibles d'être exercées dans un établissement industriel, alors qu'il n'était pas contesté que ce système de sécurité incendie était adapté à l'activité industrielle particulière exercée dans cet établissement, qui présentait des risques d'incendie accrus notamment par la nécessité de porter à haute température, pour procéder à leur pasteurisation, les matières premières utilisées dans le processus de fabrication et de transformation des fromages et qu'il ressortait des pièces du dossier qui lui était soumis que les immobilisations correspondantes avaient été inscrites en comptabilité pour un prix de revient de plus d'un million d'euros, le tribunal a dénaturé les pièces du dossier. Il a, par suite, inexactement qualifié les faits qui lui étaient soumis en refusant de regarder ce système de sécurité incendie comme un bien exonéré de cotisation foncière des entreprises, en application du 11° de l'article 1382 du même code.

8. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens du pourvoi, que la société Etablissement L. Tessier est seulement fondée à demander l'annulation du jugement qu'elle attaque en tant qu'il a statué sur l'imposition, d'une part, des panneaux d'isolation thermique des ateliers de fabrication, d'affinage et de stockage des fromages et, d'autre part, du système de sécurité incendie.

9. Il y a lieu, dans les circonstances de 1'espèce, de régler l'affaire au fond, dans la mesure de la cassation prononcée au point 8, en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative.

10. D'une part, il est constant que les deux immobilisations restant en litige relèvent d'un établissement industriel au sens de l'article 1499 du code général des impôts.

11. D'autre part, il résulte de ce qui a été dit aux points 6 et 7 qu'eu égard à leurs caractéristiques, les immobilisations relatives aux panneaux d'isolation thermique des ateliers de fabrication, d'affinage et de stockage des fromages et les immobilisations relatives au système de sécurité incendie constituent des biens spécifiquement adaptés aux activités susceptibles d'être exercées dans un établissement industriel au sens de l'article 1499 du code général des impôts.

12. Enfin, il résulte de l'instruction et n'est d'ailleurs pas contesté que les deux immobilisations restant en litige ne sont pas au nombre des éléments mentionnés aux

1° et 2° de l'article 1381 du code général des impôts.

13. Il résulte de ce qui a été dit aux points 10 à 12 que les deux immobilisations restant en litige doivent être regardées comme des biens exonérés de taxe foncière sur les propriétés bâties en application des dispositions du 11° de l'article 1382 du code général des impôts. Par suite, la société Etablissement L. Tessier est fondée à demander la réduction des cotisations primitives de taxe foncière sur les propriétés bâties auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2017 et 2018 à raison de son établissement de Cornillé-les-Caves, correspondant à l'exclusion de ses bases d'imposition de ces deux immobilisations.

14. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros à verser à la société Etablissement L. Tessier au titre de l'article

L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Nantes du 26 mai 2023 est annulé en tant qu'il a statué sur l'inclusion dans les bases d'imposition à la taxe foncière sur les propriétés bâties, d'une part, des panneaux d'isolation thermique des ateliers de fabrication, d'affinage et de stockage des fromages et, d'autre part, du système de sécurité incendie.

Article 2 : La société Etablissement L. Tessier est déchargée de la différence entre les montants des cotisations primitives de taxe foncière sur les propriétés bâties auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2017 et 2018 à raison de son établissement de Cornillé-les-Caves et ceux résultant de l'exclusion de ses bases d'imposition des deux immobilisations mentionnées à l'article 1er de la présente décision.

Article 3 : L'Etat versera à la société Etablissement L. Tessier la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la société Etablissement L. Tessier est rejeté.

Article 5 : La présente décision sera notifiée à la société Etablissement L. Tessier et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Délibéré à l'issue de la séance du 16 mai 2024 où siégeaient : Mme Anne Egerszegi, présidente de chambre, présidant ; M. Vincent Daumas, conseiller d'Etat et M. Olivier Pau, auditeur-rapporteur.

Rendu le 18 juin 2024.

La présidente :

Signé : Mme Anne Egerszegi

Le rapporteur :

Signé : M. Olivier Pau

Le secrétaire :

Signé : M. Brian Bouquet

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

Pour la secrétaire du contentieux, par délégation :


Synthèse
Formation : 9ème chambre
Numéro d'arrêt : 476270
Date de la décision : 18/06/2024
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 18 jui. 2024, n° 476270
Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Olivier Pau
Rapporteur public ?: Mme Céline Guibé
Avocat(s) : SARL THOUVENIN, COUDRAY, GREVY

Origine de la décision
Date de l'import : 20/06/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2024:476270.20240618
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