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18/06/2024 | FRANCE | N°469128

France | France, Conseil d'État, 9ème chambre, 18 juin 2024, 469128


Vu la procédure suivante :



La société Etablissement L. Tessier a demandé au tribunal administratif de Nantes de prononcer la réduction des suppléments de cotisation foncière des entreprises auxquels elle a été assujettie au titre des années 2013 à 2016 dans les rôles de la commune de Cornillé-les-Caves (Maine-et-Loire) à raison de l'établissement qu'elle exploite sur le territoire de cette commune et d'ordonner l'application des intérêts moratoires sur les impositions dégrevées. Par un jugement n° 1810935 du 27 novembre 2020, ce tribunal a rejet

é sa demande.



Par un arrêt n° 21NT00236 du 23 septembre 2022, ...

Vu la procédure suivante :

La société Etablissement L. Tessier a demandé au tribunal administratif de Nantes de prononcer la réduction des suppléments de cotisation foncière des entreprises auxquels elle a été assujettie au titre des années 2013 à 2016 dans les rôles de la commune de Cornillé-les-Caves (Maine-et-Loire) à raison de l'établissement qu'elle exploite sur le territoire de cette commune et d'ordonner l'application des intérêts moratoires sur les impositions dégrevées. Par un jugement n° 1810935 du 27 novembre 2020, ce tribunal a rejeté sa demande.

Par un arrêt n° 21NT00236 du 23 septembre 2022, la cour administrative d'appel de Nantes a rejeté l'appel formé par la société Etablissement L. Tessier contre ce jugement.

Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 23 novembre 2022, 22 février 2023 et 21 mars 2024 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société Etablissement L. Tessier demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Olivier Pau, auditeur,

- les conclusions de Mme Céline Guibé, rapporteure publique ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SARL Thouvenin, Coudray, Grevy, avocat de la société Établissement L. Tessier ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond qu'à la suite d'une vérification de comptabilité de la société Etablissement L. Tessier qui exploite un établissement industriel de fabrication de fromages situé sur le territoire de la commune de Cornillé-les-Caves (Maine-et-Loire), l'administration fiscale a déterminé la valeur locative foncière de cet établissement selon la méthode comptable prévue à l'article 1499 du code général des impôts à partir des immobilisations comptabilisées à l'actif du bilan de la société et informé celle-ci de son intention de mettre en recouvrement des suppléments de cotisation foncière des entreprises au titre des années 2013 à 2016. Par un jugement du 27 novembre 2020, le tribunal administratif de Nantes a rejeté la demande de la société tendant à la réduction de ces impositions supplémentaires. Par un arrêt du 23 septembre 2022, la cour administrative d'appel de Nantes a rejeté l'appel formé par la société contre ce jugement. La société Etablissement L. Tessier se pourvoit en cassation contre cet arrêt.

2. Aux termes de l'article 1380 du code général des impôts : " La taxe foncière est établie annuellement sur les propriétés bâties sises en France à l'exception de celles qui en sont expressément exonérées par les dispositions du présent code ". Selon l'article 1381 du même code : " Sont également soumis à la taxe foncière sur les propriétés bâties : / 1° Les installations destinées à abriter des personnes ou des biens ou à stocker des produits ainsi que les ouvrages en maçonnerie présentant le caractère de véritables constructions tels que, notamment, les cheminées d'usine, les réfrigérants atmosphériques, les formes de radoub, les ouvrages servant de support aux moyens matériels d'exploitation ; / (...) ". Selon l'article 1382 du code général des impôts, dans sa rédaction applicable aux impositions en litige : " Sont exonérés de la taxe foncière sur les propriétés bâties : / (...) / 11° Les outillages et autres installations et moyens matériels d'exploitation des établissements industriels à l'exclusion de ceux visés aux 1° et 2° de l'article 1381 ". Aux termes du premier alinéa de l'article 1495 de ce code : " Chaque propriété ou fraction de propriété est appréciée d'après sa consistance, son affectation, sa situation et son état, à la date de l'évaluation ". Aux termes du II de l'article

324 B de l'annexe III au même code : " Pour l'appréciation de la consistance il est tenu compte de tous les travaux équipements ou éléments d'équipement existant au jour de l'évaluation ". Enfin, aux termes de l'article 1467 du code général des impôts : " La cotisation foncière des entreprises a pour base la valeur locative des biens passibles d'une taxe foncière situés en France, à l'exclusion des biens exonérés de taxe foncière sur les propriétés bâties en vertu des 11° et 12° de l'article 1382, dont le redevable a disposé pour les besoins de son activité professionnelle pendant la période de référence définie aux articles 1467 A et 1478, à l'exception de ceux qui ont été détruits ou cédés au cours de la même période. / (...) / La valeur locative des biens passibles d'une taxe foncière est calculée suivant les règles fixées pour l'établissement de cette taxe (...) ".

3. Pour apprécier, en application de l'article 1495 du code général des impôts et de l'article 324 B de son annexe III, la consistance des propriétés qui entrent, en vertu de ses articles 1380 et 1381, dans le champ de la taxe foncière sur les propriétés bâties, il est tenu compte, non seulement de tous les éléments d'assiette mentionnés par ces deux derniers articles mais également des biens faisant corps avec eux. Sont toutefois exonérés de cette taxe, en application du 11° de l'article 1382 du même code, ceux de ces biens qui font partie des outillages, autres installations et moyens matériels d'exploitation d'un établissement industriel, c'est-à-dire ceux de ces biens qui relèvent d'un établissement qualifié d'industriel au sens de l'article 1499, qui sont spécifiquement adaptés aux activités susceptibles d'être exercées dans un tel établissement et qui ne sont pas au nombre des éléments mentionnés aux 1° et 2° de l'article 1381.

4. En premier lieu, pour juger que les cuves, citernes et tanks à lait en litige devaient être regardés comme des installations destinées à stocker des produits au sens des dispositions du 1° de l'article 1381 du code général des impôts cité au point 2, la cour a relevé, d'une part, qu'il n'était pas contesté que la capacité de chaque ouvrage était de 100 mètres cubes et, d'autre part, que ces ouvrages étaient fixés et boulonnés sur une dalle en béton armé et reliés aux réseaux d'approvisionnement de la société requérante en amont et en aval par des installations de pompage permettant le remplissage et le transport du lait vers les outils de production. En statuant ainsi, alors qu'en outre, il n'était pas contesté que ces cuves, citernes et tanks à lait étaient situés à l'extérieur des bâtiments de production, la cour n'a pas commis d'erreur de droit ni dénaturé les pièces du dossier.

5. En deuxième lieu, le moyen tiré de ce que la cour aurait inexactement qualifié les faits qui lui étaient soumis en jugeant que la société n'apportait aucun élément pour démontrer le caractère mobilier de la passerelle acquise en 2012 et qu'il ne résultait pas de l'instruction que cette passerelle serait spécifiquement adaptée aux activités susceptibles d'être exercées dans un établissement industriel n'est pas assorti des précisions suffisantes permettant d'en apprécier le bien-fondé. Il ne peut donc qu'être écarté.

6. En troisième lieu, s'agissant des panneaux d'isolation thermique des ateliers de fabrication, d'affinage et de stockage des fromages en litige, en relevant que les éléments produits par la société requérante n'étaient pas accompagnés d'explications détaillées et de photographies et n'établissaient pas que ces panneaux étaient spécifiquement adaptés aux activités susceptibles d'être exercées dans un établissement industriel, alors qu'il n'était pas contesté qu'ils étaient adaptés à l'activité industrielle particulière exercée dans cet établissement, qui nécessitait le maintien d'une température appropriée permettant une régulation des conditions de conservation thermique et hygrométrique dans le processus de fabrication et de transformation des fromages et qu'il ressortait des pièces du dossier qui lui était soumis que ces panneaux avaient été inscrits en comptabilité pour un prix de revient de 1 953 664 euros, la cour a dénaturé les pièces du dossier. Elle a, par suite, inexactement qualifié les faits qui lui étaient soumis en refusant de regarder ces panneaux comme des biens exonérés de cotisation foncière des entreprises, en application du 11° de l'article 1382 du code général des impôts.

7. En quatrième et dernier lieu, en jugeant qu'il ne résultait pas de l'instruction que les immobilisations correspondant au système de sécurité incendie seraient spécifiquement adaptées aux activités susceptibles d'être exercées dans un établissement industriel alors qu'il n'était pas contesté que ce système de sécurité incendie était adapté à l'activité industrielle particulière exercée dans cet établissement, qui présentait des risques d'incendie accrus notamment par la nécessité de porter à haute température, pour procéder à leur pasteurisation, les matières premières utilisées dans le processus de fabrication et de transformation des fromages et qu'il ressortait des pièces du dossier qui lui était soumis que les immobilisations correspondantes avaient été inscrites en comptabilité pour un prix de revient de plus d'un million d'euros, la cour a dénaturé les pièces du dossier. Elle a, par suite, inexactement qualifié les faits qui lui étaient soumis en refusant de regarder ce système de sécurité incendie comme un bien exonéré de cotisation foncière des entreprises, en application du 11° de l'article 1382 du code général des impôts.

8. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens du pourvoi, que la société Etablissement L. Tessier est seulement fondée à demander l'annulation de l'arrêt qu'elle attaque en tant qu'il a statué sur l'imposition, d'une part, des panneaux d'isolation thermique des ateliers de fabrication, d'affinage et de stockage des fromages et, d'autre part, du système de sécurité incendie.

9. Il y a lieu, dans les circonstances de 1'espèce, de régler l'affaire au fond, dans la mesure de la cassation prononcée au point 8, en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative.

10. D'une part, il est constant que les deux immobilisations restant en litige relèvent d'un établissement industriel au sens de l'article 1499 du code général des impôts.

11. D'autre part, il résulte de ce qui a été dit aux points 6 et 7 qu'eu égard à leurs caractéristiques, les immobilisations relatives aux panneaux d'isolation thermique des ateliers de fabrication, d'affinage et de stockage des fromages et celles relatives au système de sécurité incendie constituent des biens spécifiquement adaptés aux activités susceptibles d'être exercées dans un établissement industriel au sens de l'article 1499 du code général des impôts.

12. Enfin, il résulte de l'instruction et n'est d'ailleurs pas contesté que les deux immobilisations restant en litige ne sont pas au nombre des éléments mentionnés aux

1° et 2° de l'article 1381 du code général des impôts.

13. Il résulte de ce qui a été dit aux points 10 à 12 que les deux immobilisations restant en litige doivent être regardées comme des biens exonérés de taxe foncière sur les propriétés bâties en application des dispositions du 11° de l'article 1382 du code général des impôts. Par suite, la société Etablissement L. Tessier est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à la réduction des impositions supplémentaires de cotisation foncière des entreprises auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2013 à 2016 à raison de son établissement de Cornillé-les-Caves, correspondant à l'exclusion de ses bases d'imposition de ces deux immobilisations.

14. En vertu des dispositions de l'article L. 208 du livre des procédures fiscales, quand l'Etat est condamné à un dégrèvement d'impôt par un tribunal, les sommes déjà perçues sont remboursées au contribuable et donnent lieu au paiement d'intérêts moratoires dans les limites et conditions fixées par les articles R. 208-1 et suivants de ce livre. En l'absence de litige né et actuel relatif au paiement de ces intérêts, les conclusions présentées sur ce point par la société ne peuvent qu'être rejetées.

15. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros à verser à la société Etablissement L. Tessier au titre de l'article

L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Nantes du 23 septembre 2022 et le jugement du tribunal administratif de Nantes du 27 novembre 2020 sont annulés en tant qu'ils ont statué sur l'inclusion dans les bases d'imposition à la cotisation foncière des entreprises, d'une part, des panneaux d'isolation thermique des ateliers de fabrication, d'affinage et de stockage des fromages et, d'autre part, du système de sécurité incendie.

Article 2 : La société Etablissement L. Tessier est déchargée de la différence entre les montants des impositions supplémentaires de cotisation foncière des entreprises auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2013 à 2016 à raison de son établissement de Cornillé-les-Caves et ceux résultant de l'exclusion de ses bases d'imposition des deux immobilisations mentionnées à l'article 1er de la présente décision.

Article 3 : L'Etat versera à la société Etablissement L. Tessier la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la société Etablissement L. Tessier est rejeté.

Article 5 : La présente décision sera notifiée à la société Etablissement L. Tessier et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Délibéré à l'issue de la séance du 16 mai 2024 où siégeaient : Mme Anne Egerszegi, présidente de chambre, présidant ; M. Vincent Daumas, conseiller d'Etat et M. Olivier Pau, auditeur-rapporteur.

Rendu le 18 juin 2024.

La présidente :

Signé : Mme Anne Egerszegi

Le rapporteur :

Signé : M. Olivier Pau

Le secrétaire :

Signé : M. Brian Bouquet

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

Pour la secrétaire du contentieux, par délégation :


Synthèse
Formation : 9ème chambre
Numéro d'arrêt : 469128
Date de la décision : 18/06/2024
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 18 jui. 2024, n° 469128
Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Olivier Pau
Rapporteur public ?: Mme Céline Guibé
Avocat(s) : SARL THOUVENIN, COUDRAY, GREVY

Origine de la décision
Date de l'import : 28/07/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2024:469128.20240618
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