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17/06/2024 | FRANCE | N°488447

France | France, Conseil d'État, 10ème - 9ème chambres réunies, 17 juin 2024, 488447


Vu la procédure suivante :



M. B... D... C... a demandé à la Cour nationale du droit d'asile d'annuler la décision du 27 juin 2022 par laquelle le directeur général de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides a mis fin à la protection subsidiaire qui lui avait été accordée sur le fondement des dispositions de l'article L. 512-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de lui maintenir le bénéfice de cette protection. Par une décision n° 22037719 du 21 juillet 2023, la Cour nationale du droit d'asile

a fait droit à sa demande.



Par un pourvoi sommaire, un mémoir...

Vu la procédure suivante :

M. B... D... C... a demandé à la Cour nationale du droit d'asile d'annuler la décision du 27 juin 2022 par laquelle le directeur général de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides a mis fin à la protection subsidiaire qui lui avait été accordée sur le fondement des dispositions de l'article L. 512-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de lui maintenir le bénéfice de cette protection. Par une décision n° 22037719 du 21 juillet 2023, la Cour nationale du droit d'asile a fait droit à sa demande.

Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un nouveau mémoire, enregistrés au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat les 21 septembre, 22 et 26 décembre 2023, l'Office français de protection des réfugiés et apatrides demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cette décision ;

2°) de renvoyer l'affaire à la Cour nationale du droit d'asile.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention de Genève du 28 juillet 1951 et le protocole signé à New York le 31 janvier 1967 relatifs au statut des réfugiés ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Sophie Delaporte, conseillère d'Etat,

- les conclusions de Mme Esther de Moustier, rapporteure publique ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Foussard, Froger, avocat de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis à la Cour nationale du droit d'asile que par une décision du 27 juin 2022, l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) a mis fin à la protection subsidiaire dont bénéficiait M. C..., de nationalité arménienne. L'Office se pourvoit en cassation contre la décision du 21 juillet 2023 par laquelle la Cour nationale du droit d'asile a, sur la demande de l'intéressé, annulé sa décision et rétabli le bénéfice de la protection subsidiaire.

2. Aux termes de l'article L. 521-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsque la demande d'asile est présentée par un étranger qui se trouve en France accompagné de ses enfants mineurs, elle est regardée comme présentée en son nom et en celui de ses enfants ". Aux termes de l'article L. 531-23 du même code : " Lorsqu'il est statué sur la demande de chacun des parents présentée dans les conditions prévues à l'article L. 521-3, la décision accordant la protection la plus étendue est réputée prise également au bénéfice des enfants (...) ".

3. Par ailleurs, l'article L. 512-3 du même code dispose : " L'Office français de protection des réfugiés et apatrides met fin, de sa propre initiative ou à la demande de l'autorité administrative, au bénéfice de la protection subsidiaire lorsque les circonstances ayant justifié l'octroi de cette protection ont cessé d'exister ou ont connu un changement suffisamment significatif et durable pour que celle-ci ne soit plus requise (...) ".

4. Il résulte des dispositions citées au point 2 que lorsqu'un étranger se trouvant en France accompagné de ses enfants mineurs se voit accorder l'asile, que ce soit en qualité de réfugié ou au titre de la protection subsidiaire, la protection qui lui est accordée l'est également à ses enfants mineurs et, d'autre part, que lorsqu'il est statué sur la demande de chacun des parents, la décision accordant la protection la plus étendue est réputée prise aussi au bénéfice des enfants. Ces dispositions sont applicables aux enfants de réfugiés, qui pourraient par ailleurs invoquer le principe de l'unité de famille, mais également aux enfants des bénéficiaires de la protection subsidiaire, qui ne sauraient se prévaloir d'un tel principe général du droit des réfugiés. Si l'enfant mineur d'un bénéficiaire de la protection subsidiaire, devenu majeur, peut toujours faire valoir des motifs propres pour que lui soit reconnue la qualité de réfugié ou que lui soit accordé le bénéfice de la protection subsidiaire, les dispositions de l'article L. 531-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile n'impliquent pas, par elles-mêmes, que le bénéfice de la protection subsidiaire soit maintenu à cet enfant lorsqu'il devient majeur.

5. Il ressort des pièces du dossier soumis à la Cour nationale du droit d'asile que le bénéfice de la protection subsidiaire a été accordé à M. C... pendant sa minorité à la suite de la décision du 10 décembre 2012 par laquelle la Cour avait accordé le bénéfice de cette protection à sa mère. En jugeant que les circonstances ayant ainsi justifié l'octroi du bénéfice de la protection subsidiaire à M. C... ne pouvaient être regardées comme ayant changé de manière significative et durable à l'atteinte de sa majorité, au motif qu'étant étudiant il dépendait matériellement de sa mère, alors que, ainsi qu'il a été dit, lorsque le mineur qui a bénéficié de la protection subsidiaire au titre de la protection accordée à l'un de ses parents en application des dispositions de l'article L. 531-23 du code atteint sa majorité, les circonstances ayant justifié l'octroi de cette protection cessent d'exister, la Cour nationale du droit d'asile a commis une erreur de droit.

6. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens du pourvoi, que l'Office français de protection des réfugiés et apatrides est fondé à demander l'annulation de la décision qu'il attaque.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : La décision du 21 juillet 2023 de la Cour nationale du droit d'asile est annulée.

Article 2 : L'affaire est renvoyée à la Cour nationale du droit d'asile.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et à M. B... D... C....

Délibéré à l'issue de la séance du 29 mai 2024 où siégeaient : M. Jacques-Henri Stahl, président adjoint de la section du contentieux, présidant ; M. Bertrand Dacosta, Mme Anne Egerszegi, présidents de chambre ; M. Olivier Yeznikian, M. Nicolas Polge, M. Vincent Daumas, M. Didier Ribes, Mme Rozen Noguellou, conseillers d'Etat et Mme Sophie Delaporte, conseillère d'Etat-rapporteure.

Rendu le 17 juin 2024.

Le président :

Signé : M. Jacques-Henri Stahl

La rapporteure :

Signé : Mme Sophie Delaporte

La secrétaire :

Signé : Mme Claudine Ramalahanoharana


Synthèse
Formation : 10ème - 9ème chambres réunies
Numéro d'arrêt : 488447
Date de la décision : 17/06/2024
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

- ENFANT MINEUR D’UN BÉNÉFICIAIRE – MAINTIEN DE LA PROTECTION [EN APPLICATION DE L’ARTICLE L - 531-23 DU CESEDA] LORSQUE CET ENFANT DEVIENT MAJEUR – ABSENCE [RJ1].

095-04-02-02 Il résulte des articles L. 521-3 et L. 531-23 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (CESEDA) que lorsqu’un étranger se trouvant en France accompagné de ses enfants mineurs se voit accorder l’asile, que ce soit en qualité de réfugié ou au titre de la protection subsidiaire, la protection qui lui est accordée l’est également à ses enfants mineurs et, d’autre part, que lorsqu’il est statué sur la demande de chacun des parents, la décision accordant la protection la plus étendue est réputée prise aussi au bénéfice des enfants. Ces dispositions sont applicables aux enfants de réfugiés, qui pourraient par ailleurs invoquer le principe de l’unité de famille, mais également aux enfants des bénéficiaires de la protection subsidiaire, qui ne sauraient se prévaloir d’un tel principe général du droit des réfugiés. Si l’enfant mineur d’un bénéficiaire de la protection subsidiaire, devenu majeur, peut toujours faire valoir des motifs propres pour que lui soit reconnue la qualité de réfugié ou que lui soit accordé le bénéfice de la protection subsidiaire, l’article L. 531-23 du CESEDA n’implique pas, par lui-même, que le bénéfice de la protection subsidiaire soit maintenu à cet enfant lorsqu’il devient majeur.

- ENFANT MINEUR D’UN BÉNÉFICIAIRE – MAINTIEN DE LA PROTECTION EN APPLICATION DE L’ARTICLE L - 531-23 DU CESEDA LORSQUE CET ENFANT DEVIENT MAJEUR – ABSENCE [RJ1].

095-06 Il résulte des articles L. 521-3 et L. 531-23 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (CESEDA) que lorsqu’un étranger se trouvant en France accompagné de ses enfants mineurs se voit accorder l’asile, que ce soit en qualité de réfugié ou au titre de la protection subsidiaire, la protection qui lui est accordée l’est également à ses enfants mineurs et, d’autre part, que lorsqu’il est statué sur la demande de chacun des parents, la décision accordant la protection la plus étendue est réputée prise aussi au bénéfice des enfants. Ces dispositions sont applicables aux enfants de réfugiés, qui pourraient par ailleurs invoquer le principe de l’unité de famille, mais également aux enfants des bénéficiaires de la protection subsidiaire, qui ne sauraient se prévaloir d’un tel principe général du droit des réfugiés. Si l’enfant mineur d’un bénéficiaire de la protection subsidiaire, devenu majeur, peut toujours faire valoir des motifs propres pour que lui soit reconnue la qualité de réfugié ou que lui soit accordé le bénéfice de la protection subsidiaire, l’article L. 531-23 du CESEDA n’implique pas, par lui-même, que le bénéfice de la protection subsidiaire soit maintenu à cet enfant lorsqu’il devient majeur.


Publications
Proposition de citation : CE, 17 jui. 2024, n° 488447
Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Sophie Delaporte
Rapporteur public ?: Mme Esther de Moustier
Avocat(s) : SCP FOUSSARD, FROGER

Origine de la décision
Date de l'import : 21/06/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2024:488447.20240617
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