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17/06/2024 | FRANCE | N°470179

France | France, Conseil d'État, 6ème chambre, 17 juin 2024, 470179


Vu les procédures suivantes :



1° Sous le n° 470179, par une requête, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 4 janvier, 23 mars et 23 novembre 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, l'association Nature Environnement 17 demande au Conseil d'Etat :



1°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision de la ministre de la transition énergétique du 27 juillet 2022 consécutive au débat public portant sur le projet de parcs éoliens en mer en Sud-Atlantique et décidant, à l'issue du d

ébat public, du principe et des conditions de la poursuite du projet, en application de l'a...

Vu les procédures suivantes :

1° Sous le n° 470179, par une requête, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 4 janvier, 23 mars et 23 novembre 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, l'association Nature Environnement 17 demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision de la ministre de la transition énergétique du 27 juillet 2022 consécutive au débat public portant sur le projet de parcs éoliens en mer en Sud-Atlantique et décidant, à l'issue du débat public, du principe et des conditions de la poursuite du projet, en application de l'article L. 121-13 du code de l'environnement, ensemble la décision implicite par laquelle la ministre a rejeté son recours gracieux formé le 9 septembre 2022 ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

2° Sous le n° 470420, par une requête, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 12 janvier, 7 avril et 7 décembre 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la commune de Saint-Pierre-d'Oléron demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision de la ministre de la transition énergétique du 27 juillet 2022 consécutive au débat public portant sur le projet de parcs éoliens en mer en Sud-Atlantique et décidant, à l'issue du débat public, du principe et des conditions de la poursuite du projet, en application de l'article L. 121-13 du code de l'environnement, ensemble la décision implicite par laquelle la ministre a rejeté son recours gracieux formé le 14 septembre 2022 ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

....................................................................................

Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu :

- la Charte de l'environnement ;

- la directive 2009/147/CE du Parlement européen et du Conseil du 30 novembre 2009 concernant la conservation des oiseaux sauvages ;

- le code de l'environnement ;

- le décret n° 2022-845 du 1er juin 2022 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Nathalie Destais, conseillère d'Etat,

- les conclusions de M. Frédéric Puigserver, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Marlange, de la Burgade, avocat de l'association Nature Environnement 17, de la commune de Saint-Pierre-d'Oléron et du comité régional des pêches maritimes et des élevages marins de Nouvelle-Aquitaine ;

Vu la note en délibéré, enregistrée le 17 mai 2024, présentée par l'association " Initiatives pour le Climat et l'Energie ", sous le n° 470420 ;

Considérant ce qui suit :

1. Les requêtes de l'association Nature environnement 17 et de la commune de Saint-Pierre-d'Oléron sont dirigées contre la même décision. Il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision.

2. Le comité régional des pêches maritimes et des élevages marins de Nouvelle-Aquitaine et l'association " Initiatives pour le Climat et l'Energie " justifient d'un intérêt suffisant à l'annulation de la décision attaquée. Par suite, leurs interventions au soutien de la requête n° 470420 de la commune de Saint-Pierre-d'Oléron sont recevables.

3. Aux termes de l'article L. 121-13 du code de l'environnement : " Lorsqu'un débat public a été organisé sur un projet, le maître d'ouvrage ou la personne publique responsable du projet décide, dans un délai de trois mois après la publication du bilan du débat public, par un acte qui est publié, du principe et des conditions de la poursuite du projet. Il précise, le cas échéant, les principales modifications apportées au projet soumis au débat public. Cet acte est transmis à la Commission nationale du débat public. (...) ".

4. Il ressort des pièces des dossiers que par une décision du 27 juillet 2022, la ministre de la transition énergétique a, à la suite du débat public organisé à ce sujet du 30 septembre 2021 au 28 février 2022 et du bilan publié à son issue le 28 avril 2022 par la présidente de la commission nationale du débat public, décidé de poursuivre le projet de parc éolien en mer en Sud-Atlantique, prévu le lancement de deux procédures de mise en concurrence pour l'attribution de deux parcs éoliens en mer d'une puissance de 1 000 MW environ et désigné les zones d'implantation de ces parcs.

5. L'acte décidant, à l'issue du débat public, du principe et des conditions de la poursuite du projet, prévu par l'article L. 121-13 du code de l'environnement, a pour seul objet de tirer les conséquences de ce débat. Si cet acte a le caractère d'une décision dès lors, notamment, qu'une fois qu'il est devenu définitif, aucune méconnaissance des articles L. 121-8 à L. 121-12 de ce code ne peut plus être invoquée, il ne peut, eu égard à son objet, être contesté que sur le fondement de moyens tirés de vices propres dont il serait entaché et de l'irrégularité du débat public au regard de ces mêmes dispositions, à l'exclusion, notamment, de toute contestation du bien-fondé de l'opération dont il est décidé de poursuivre les études, celui-ci ne pouvant être mis en cause qu'à l'occasion des actes qui, au titre des différentes législations applicables, en autorisent la réalisation.

6. En premier lieu, aux termes de l'article 1er du décret du 1er juin 2022 relatif aux attributions du ministre de la transition énergétique : " Le ministre de la transition énergétique prépare et met en œuvre la politique du Gouvernement dans les domaines de la transition énergétique et de l'énergie, notamment en matière industrielle et tarifaire (...) ". L'article 2 de ce même décret dispose que : " I. - Le ministre de la transition énergétique définit et met en œuvre : / 1° La politique de l'énergie, afin, notamment, d'assurer la sécurité d'approvisionnement et l'accès à l'énergie, de lutter contre le changement climatique et de promouvoir la transition énergétique ; / A ce titre, il est, notamment, compétent en matière de : / a) Développement des énergies renouvelables (...) ". Il résulte de ces dispositions que la ministre de la transition énergétique doit être regardée comme la personne publique responsable du projet au sens de l'article L. 121-13 du code de l'environnement, nonobstant la circonstance que cette responsabilité ait été assumée, au moment de la saisine de la commission nationale du débat public, par la ministre de la transition écologique et la ministre de la mer, et que la Première ministre ait la charge de la planification écologique. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de la décision litigieuse doit être écarté.

7. En deuxième lieu, si les requérants soutiennent que le dossier soumis à débat public était incomplet, s'agissant de la description des solutions alternatives au projet et notamment de l'hypothèse d'une absence de mise en œuvre du projet, prévue par l'article L. 121-8 du code de l'environnement, il ressort des pièces du dossier que le maître d'ouvrage a bien présenté, dans le dossier de saisine de la commission nationale du débat public, les différentes alternatives au projet éolien en mer, y compris celle impliquant l'absence de mise en œuvre du projet, abordée dans un chapitre 1.4 intitulé " Et si le projet ne se faisait pas ' ", accompagné d'une fiche intitulée " Les alternatives au projet éolien en mer ". Par suite, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que la procédure de débat public se serait déroulée sur la base d'un dossier de présentation du projet incomplet et partial.

8. En troisième lieu, si les requérantes soutiennent que le débat public est irrégulier en l'absence de consultation des communes situées sur le littoral de la façade maritime concernée par le projet, l'article L. 121-8-1 du code de l'environnement, dans sa version applicable à la date à laquelle la commission nationale du débat public a arrêté les modalités et le calendrier du débat public, soit le 28 juillet 2021, n'imposait pas une telle consultation. En tout état de cause, il ressort des pièces du dossier que plusieurs communes du littoral ont ultérieurement été invitées par la commission particulière du débat public à formuler un avis sur le projet, conformément aux dispositions de l'article L. 121-8-1 du code de l'environnement dans sa version en vigueur après la promulgation de la loi du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience. Ce moyen ne peut donc qu'être écarté.

9. En quatrième lieu, l'article R. 121-6 du code de l'environnement dispose que : " La décision par laquelle la Commission nationale du débat public se prononce sur la suite réservée à une saisine est transmise sans délai au maître d'ouvrage, ou à défaut à la personne publique responsable, et, le cas échéant, à l'auteur de la saisine. Elle est publiée sur le site internet de la Commission nationale du débat public ainsi qu'au Journal officiel de la République française ". Si les requérantes soutiennent que le débat public est irrégulier au motif que la décision de la commission nationale du débat public sur la suite donnée à sa saisine n'a pas été publiée au Journal officiel, il ressort au contraire des pièces du dossier que la décision du 3 février 2021, par laquelle la commission a décidé qu'il y avait lieu d'organiser un débat public, a été publiée au Journal officiel du 17 février 2021. Par ailleurs, il ne résulte ni de l'article R. 121-6 du code de l'environnement, ni d'aucune autre disposition législative ou réglementaire, que l'avis du 7 septembre 2022 par lequel la commission s'est prononcée sur la prise en considération, par le maître d'ouvrage, du compte-rendu du débat public devait être publié au Journal officiel. Par suite, ce moyen ne peut qu'être écarté.

10. En cinquième lieu, il résulte des dispositions citées au point 3 qu'à compter de la publication du bilan du débat public, le maître d'ouvrage ou la personne publique responsable du projet dispose d'un délai de trois mois pour prendre sa décision sur le principe et les conditions de la poursuite du projet. Il ressort des pièces du dossier que le compte-rendu et le bilan du débat public sur le projet de parc éolien en mer en Sud-Atlantique ont été publiés le 28 avril 2022. La décision de la ministre de la transition énergétique sur le principe et les conditions de la poursuite du projet est intervenue le 27 juillet 2022. La circonstance que cette décision n'a été publiée que deux jours plus tard au Journal officiel, soit après l'expiration du délai prévu par l'article L. 121-13 du code de l'environnement, est sans incidence sur sa légalité. Par suite, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que la décision de la ministre de la transition énergétique du 27 juillet 2022 a méconnu les dispositions précitées.

11. En sixième lieu, il ressort des pièces du dossier que l'Etat a soumis au débat public un projet d'implantation de deux parcs éoliens en mer au sein d'une zone de 300 km2 située au large de l'île d'Oléron, étendue par la suite pour atteindre une superficie de 743 km². Il ressort également des pièces du dossier que le débat public a permis aux personnes intéressées de présenter leurs observations sur la localisation du projet. De nombreux participants ont ainsi critiqué la zone d'étude retenue par le Gouvernement, notamment en raison de sa faible superficie, et divers scénarios ont pu être discutés durant les travaux de la commission particulière du débat public, certains proposant une localisation des projets hors de la zone d'étude. Il suit de là que les requérantes ne sont pas fondées à soutenir que le principe de participation du public, tel que mis en œuvre par l'article L. 121-8-1 du code de l'environnement, aurait été méconnu en raison du caractère trop restreint de cette zone.

12. En dernier lieu, les moyens invoqués par les requérantes, tirés, d'une part, de ce que la décision de la ministre de la transition énergétique du 27 juillet 2022 exclut la pratique de la pêche et affecte la sécurité maritime dans la zone d'implantation des projets et, d'autre part, de ce qu'elle méconnaît les dispositions de la directive 2009/147/CE du Parlement européen et du Conseil du 30 novembre 2009 concernant la conservation des oiseaux sauvages ainsi que l'article L. 414-1 du code de l'environnement en prévoyant que les projets ont vocation à être implantés au sein de la zone de protection spéciale " FR5412026 - Pertuis charentais - Rochebonne " ne peuvent qu'être écartés comme inopérants, dès lors que de telles critiques portent sur le bien-fondé du projet lui-même.

13. Il résulte de tout ce qui précède que les requérantes ne sont pas fondées à demander l'annulation des décisions qu'ils attaquent. Leurs conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent, par suite, qu'être également rejetées.

D E C I D E :

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Article 1er : Les interventions du comité régional des pêches maritimes et des élevages marins de Nouvelle-Aquitaine et de l'association " Initiatives pour le Climat et l'Energie ", au soutien de la requête n° 470420 de la commune de Saint-Pierre-d'Oléron, sont admises.

Article 2 : Les requêtes de l'association Nature environnement 17 et de la commune de Saint-Pierre-d'Oléron sont rejetées.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à l'association Nature environnement 17, à la commune de Saint-Pierre-d'Oléron, au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, au comité régional des pêches maritimes et des élevages marins de Nouvelle-Aquitaine et à l'association " Initiatives pour le Climat et l'Energie ".

Délibéré à l'issue de la séance du 16 mai 2024 où siégeaient : M. Cyril Roger-Lacan, assesseur, présidant ; M. Stéphane Hoynck, conseiller d'Etat et Mme Nathalie Destais, conseillère d'Etat-rapporteure.

Rendu le 17 juin 2024.

Le président :

Signé : M. Cyril Roger-Lacan

La rapporteure :

Signé : Mme Nathalie Destais

La secrétaire :

Signé : Mme Valérie Peyrisse


Synthèse
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 470179
Date de la décision : 17/06/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 17 jui. 2024, n° 470179
Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Nathalie Destais
Rapporteur public ?: M. Frédéric Puigserver
Avocat(s) : SCP MARLANGE, DE LA BURGADE

Origine de la décision
Date de l'import : 11/07/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2024:470179.20240617
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