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17/06/2024 | FRANCE | N°468580

France | France, Conseil d'État, 4ème - 1ère chambres réunies, 17 juin 2024, 468580


Vu la procédure suivante :



Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 29 novembre 2021 par laquelle la ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion a, sur recours hiérarchique formé par la société Moy Park contre la décision du 8 février 2021 par laquelle l'inspectrice du travail de l'unité de contrôle de Lens Hénin a refusé d'autoriser son licenciement, d'une part, retiré sa décision implicite de rejet de ce recours, d'autre part, annulé la décision de l'inspectrice du travail,

et, enfin, refusé d'autoriser son licenciement. Par une ordonnance n° 2200190...

Vu la procédure suivante :

Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 29 novembre 2021 par laquelle la ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion a, sur recours hiérarchique formé par la société Moy Park contre la décision du 8 février 2021 par laquelle l'inspectrice du travail de l'unité de contrôle de Lens Hénin a refusé d'autoriser son licenciement, d'une part, retiré sa décision implicite de rejet de ce recours, d'autre part, annulé la décision de l'inspectrice du travail, et, enfin, refusé d'autoriser son licenciement. Par une ordonnance n° 2200190 du 2 février 2022, le président de la 6ème chambre du tribunal administratif a rejeté cette demande.

Par une ordonnance n° 22DA00709 du 30 août 2022, la présidente de la cour administrative d'appel de Douai a rejeté l'appel formé par Mme A... contre cette ordonnance.

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 31 octobre 2022 et 13 janvier 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, Mme A... demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cette ordonnance ;

2°) de mettre à la charge de la société Moy Park la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code du travail ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Julien Fradel, maître des requêtes en service extraordinaire,

- les conclusions de M. Jean-François de Montgolfier, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SARL Le Prado - Gilbert, avocat de Mme A... et à la SCP Célice, Texidor, Perier, avocat de la société Moy Park ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, par un courrier daté du 8 décembre 2020 ayant pour objet " Notification de licenciement pour inaptitude ", la société Moy Park a informé Mme A... que, du fait de l'impossibilité de la reclasser, elle se voyait contrainte de lui signifier son licenciement pour inaptitude. Ce courrier précisait toutefois que le licenciement devait être approuvé par l'inspection du travail et serait effectif dès réception de cette autorisation. Saisie par la société Moy Park d'une demande d'autorisation de licencier Mme A..., l'inspectrice du travail a, par une décision du 8 février 2021, rejeté cette demande au motif que, à la date de celle-ci, soit le 23 décembre 2020, le contrat de travail devait être regardé comme rompu. Saisie d'un recours hiérarchique présenté par la société Moy Park, la ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion l'a implicitement rejeté. Toutefois, par une décision du 29 novembre 2021, la ministre, estimant que le courrier du 8 décembre 2020 précité avait subordonné l'effectivité du licenciement à l'autorisation de l'inspectrice du travail et qu'ainsi l'autorité administrative avait compétence pour se prononcer sur la demande de la société, a retiré sa décision implicite de rejet du recours hiérarchique, annulé la décision de l'inspectrice du travail du 8 février 2021 et rejeté la demande de la société, au motif que la procédure suivie n'avait pas été régulière, faute pour la société d'établir que l'intéressée avait été convoquée à un entretien préalable. Par une ordonnance du 2 février 2022, le président de la 6ème chambre du tribunal administratif de Lille a rejeté la demande de Mme A... tendant à l'annulation pour excès de pouvoir de la décision de la ministre chargée du travail du 29 novembre 2021, au motif que, dès lors que cette décision ne faisait pas grief à la requérante, celle-ci n'était pas recevable à la contester devant le juge de l'excès de pouvoir. Par une ordonnance du 30 août 2022, contre laquelle Mme A... se pourvoit en cassation, la présidente de la cour administrative d'appel de Douai a rejeté l'appel formé par Mme A... contre l'ordonnance du 2 février 2022.

2. A moins qu'elle soit fondée sur le constat que le salarié concerné n'a pas la qualité de salarié protégé, la décision par laquelle l'autorité administrative refuse d'autoriser le licenciement d'un salarié protégé n'apporte en principe, par elle-même, aucune modification à la situation de ce salarié. Une telle décision ne fait, dès lors, pas grief au salarié protégé qui n'est pas recevable à la contester par la voie du recours pour excès de pouvoir.

3. En l'espèce, il ressort des énonciations de l'ordonnance attaquée que, pour juger que Mme A..., dont il est constant qu'elle avait la qualité de salarié protégé, n'était pas recevable à contester devant le juge de l'excès de pouvoir la décision de la ministre chargée du travail du 29 novembre 2021 refusant d'autoriser son licenciement, la présidente de la cour administrative d'appel de Douai a retenu que ladite décision se bornait à refuser la demande d'autorisation de licenciement et demeurait sans incidence sur le litige pouvant opposer cette salariée à son employeur sur la question du maintien de leur relation contractuelle de travail à la suite du courrier du 8 décembre 2020 adressé par l'employeur à Mme A... et portant " notification de licenciement pour inaptitude ". Il résulte de ce qui a été dit au point précédent qu'en statuant ainsi, la présidente de la cour administrative d'appel de Douai n'a entaché son ordonnance d'aucune erreur de droit, la décision litigieuse devant être regardée comme insusceptible de faire grief à Mme A....

4. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de la société Moy Park qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de Mme A... la somme que demande la société Moy Park au titre des mêmes dispositions.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Le pourvoi de Mme A... est rejeté.

Article 2 : Les conclusions présentées par la société Moy Park au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à Mme B... A..., à la société Moy Park et à la ministre du travail, de la santé et des solidarités.

Délibéré à l'issue de la séance du 27 mai 2024 où siégeaient : M. Rémy Schwartz, président adjoint de la section du contentieux, présidant ; Mme Maud Vialettes, Mme Gaëlle Dumortier, présidentes de chambre ; M. Jean-Luc Nevache, M. Alban de Nervaux, M. Jean-Dominique Langlais, conseillers d'Etat ; Mme Catherine Brouard-Gallet, conseillère d'Etat en service extraordinaire ; Julia Beurton, maîtresse des requêtes et M. Julien Fradel, maître des requêtes en service extraordinaire-rapporteur.

Rendu le 17 juin 2024.

Le président :

Signé : M. Rémy Schwartz

Le rapporteur :

Signé : M. Julien Fradel

Le secrétaire :

Signé : M. Christophe Bouba


Synthèse
Formation : 4ème - 1ère chambres réunies
Numéro d'arrêt : 468580
Date de la décision : 17/06/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

PROCÉDURE - INTRODUCTION DE L'INSTANCE - INTÉRÊT POUR AGIR - ABSENCE D'INTÉRÊT - SALARIÉ PROTÉGÉ CONTESTANT LE REFUS D’AUTORISER SON LICENCIEMENT - SAUF SI LE REFUS EST FONDÉ SUR LE CONSTAT QU'IL N’A PAS LA QUALITÉ DE SALARIÉ PROTÉGÉ [RJ1].

54-01-04-01 A moins qu’elle soit fondée sur le constat que le salarié concerné n’a pas la qualité de salarié protégé, la décision par laquelle l’autorité administrative refuse d’autoriser le licenciement d’un salarié protégé n’apporte en principe, par elle-même, aucune modification à la situation de ce salarié. Une telle décision ne fait, dès lors, pas grief au salarié protégé qui n’est pas recevable à la contester par la voie du recours pour excès de pouvoir.

TRAVAIL ET EMPLOI - LICENCIEMENTS - AUTORISATION ADMINISTRATIVE - SALARIÉS PROTÉGÉS - RÈGLES DE PROCÉDURE CONTENTIEUSE SPÉCIALES - REFUS D’AUTORISER LE LICENCIEMENT – INTÉRÊT POUR AGIR DU SALARIÉ CONCERNÉ – ABSENCE - SAUF SI LE REFUS EST FONDÉ SUR LE CONSTAT QU’IL N’A PAS LA QUALITÉ DE SALARIÉ PROTÉGÉ [RJ1].

66-07-01-05 A moins qu’elle soit fondée sur le constat que le salarié concerné n’a pas la qualité de salarié protégé, la décision par laquelle l’autorité administrative refuse d’autoriser le licenciement d’un salarié protégé n’apporte en principe, par elle-même, aucune modification à la situation de ce salarié. Une telle décision ne fait, dès lors, pas grief au salarié protégé qui n’est pas recevable à la contester par la voie du recours pour excès de pouvoir.


Publications
Proposition de citation : CE, 17 jui. 2024, n° 468580
Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Julien Fradel
Rapporteur public ?: M. Jean-François de Montgolfier
Avocat(s) : SCP CELICE, TEXIDOR, PERIER ; SARL LE PRADO – GILBERT

Origine de la décision
Date de l'import : 23/06/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2024:468580.20240617
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