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17/06/2024 | FRANCE | N°468554

France | France, Conseil d'État, 6ème chambre, 17 juin 2024, 468554


Vu la procédure suivante :



Par une requête, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique enregistrés les 28 octobre 2022, 30 janvier et 18 septembre 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le syndicat national des personnels de l'éducation et du social - protection judiciaire de la jeunesse (SNPES-PJJ / FSU) demande au Conseil d'Etat :



1°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision implicite par laquelle le garde des sceaux, ministre de la justice, a rejeté sa demande tendant à la modification du déc

ret n° 2022-741 du 28 avril 2022 relatif au versement d'une prime de revalorisation à ...

Vu la procédure suivante :

Par une requête, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique enregistrés les 28 octobre 2022, 30 janvier et 18 septembre 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le syndicat national des personnels de l'éducation et du social - protection judiciaire de la jeunesse (SNPES-PJJ / FSU) demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision implicite par laquelle le garde des sceaux, ministre de la justice, a rejeté sa demande tendant à la modification du décret n° 2022-741 du 28 avril 2022 relatif au versement d'une prime de revalorisation à certains personnels relevant de la fonction publique de l'Etat, afin d'ajouter aux bénéficiaires de cette prime les adjoints administratifs et secrétaires administratifs exerçant au sein de la protection judiciaire de la jeunesse ainsi que les directeurs des services de la protection judiciaire de la jeunesse, et de leur verser cette prime rétroactivement à compter du mois d'avril 2022 ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la Constitution, notamment son Préambule

- le code général de la fonction publique ;

- le code de la justice pénale des mineurs ;

- la loi n° 2020-1576 du 14 décembre 2020, notamment son article 48 ;

- la loi n° 2022-1157 du 16 août 2022 ;

- le décret n° 2022-1497 du 30 novembre 2022 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Nathalie Destais, conseillère d'Etat,

- les conclusions de M. Frédéric Puigserver, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SARL Thouvenin, Coudray, Grevy, avocat du syndicat national des personnels de l'éducation et du social - protection judiciaire de la jeunesse ;

Considérant ce qui suit :

1. Le décret n° 2022-741 du 28 avril 2022 a institué une " prime de revalorisation " au bénéfice de certains personnels titulaires et contractuels de la fonction publique de l'Etat exerçant au sein de services et établissements sociaux et médico-sociaux, dont les structures de la protection judiciaire de la jeunesse. Aux termes de l'article 1er de ce décret : " Une prime de revalorisation est instaurée pour les fonctionnaires de la fonction publique de l'Etat relevant des corps et, le cas échéant, spécialités mentionnés en annexe du présent décret et exerçant, à titre principal, des fonctions d'aide et d'accompagnement socio-éducatif au sein : / (...) / 3° Des établissements et services de la protection judiciaire de la jeunesse visés aux articles D. 241-14 et D. 241-17 du code de la justice pénale des mineurs ; /(...). / La prime de revalorisation est également versée aux agents contractuels de droit public relevant du décret du 17 janvier 1986 susvisé exerçant, à titre principal, des fonctions similaires aux agents mentionnés au premier alinéa ". Aux termes de l'article 3 de ce décret : " (...) Cette prime est exclusive du versement du complément de traitement indiciaire institué par le décret du 19 décembre 2020 susvisé ". Aux termes de son article 4 : " Le montant mensuel de la prime correspond à 49 points d'indice majoré (...) ". Enfin, aux termes de son article 6 : " Les dispositions du présent décret s'appliquent aux rémunérations dues à compter du mois d'avril 2022 ".

2. Par un courrier du 28 juin 2022, le syndicat national des personnels de l'éducation et du social de la protection judiciaire de la jeunesse (SNPES-PJJ / FSU) a demandé au garde des sceaux, ministre de la justice, de modifier ce décret afin d'étendre le bénéfice de la prime qu'il instaure aux catégories d'agents publics qui en sont exclues et qui, selon lui, participent pourtant aux missions d'accompagnement socio-éducatif des établissements ou services de la protection judiciaire de la jeunesse, à savoir les adjoints administratifs et secrétaires administratifs qui y sont affectés ainsi que les directeurs des services, et de leur verser cette prime rétroactivement à compter du mois d'avril 2022. Le SNPES-PJJ / FSU demande au Conseil d'Etat l'annulation pour excès de pouvoir de la décision implicite de refus résultant du silence gardé par le garde des sceaux sur cette demande.

Sur les conclusions du garde des sceaux aux fins de non-lieu :

3. Il ressort des pièces du dossier que, postérieurement à l'introduction de la requête, le décret du 28 avril 2022 litigieux a été abrogé par le décret n° 2022-1497 du 30 novembre 2022. Ce dernier a intégré la prime de revalorisation prévue par le décret litigieux au " complément de traitement indiciaire " (CTI) institué par l'article 48 de loi du 14 décembre 2020 de financement de la sécurité sociale pour 2021 modifiée, en ouvrant le bénéfice d'un complément de traitement indiciaire correspondant à " 49 points d'indice majoré au 1er avril 2022 " aux " fonctionnaires de la fonction publique de l'Etat relevant des corps et, le cas échéant, spécialités mentionnés au II de l'annexe et exerçant, à titre principal, des fonctions d'aide et d'accompagnement socio-éducatif au sein : (...) " 5° Des établissements et services de la protection judiciaire de la jeunesse mentionnés à l'article L. 241-1 du code de la justice pénale des mineurs ", et en prévoyant qu'" une " indemnité équivalente au complément de traitement indiciaire est également versée aux agents contractuels de droit public (...) exerçant leurs fonctions dans des conditions analogues dans les établissements mentionnés (...) ". Il ressort de ces dispositions et de l'annexe au décret du 30 novembre 2022 fixant la liste des corps concernés, que le montant du complément de traitement indiciaire ainsi prévu, dont le versement doit s'appliquer de façon rétroactive au 1er avril 2022, ainsi que les corps relevant de la protection judiciaire de la jeunesse qui y sont éligibles, sont identiques à ce qui était prévu par le décret du 28 avril 2022 litigieux. Il s'en déduit que la requête du SNPES-PJJ / FSU tendant à l'annulation du refus de modifier celui-ci afin que soit complétée la liste des corps de fonctionnaires éligibles à la mesure de revalorisation ainsi instituée, laquelle a d'abord pris la forme d'une rémunération indemnitaire avant d'être remplacée par une rémunération indiciaire accordée dans les mêmes conditions, ne peut être regardée comme ayant perdu son objet.

Sur la légalité des dispositions contestées :

4. Le principe d'égalité ne s'oppose pas à ce que l'autorité investie du pouvoir réglementaire règle de façon différente des situations différentes ni à ce qu'elle déroge à l'égalité pour des raisons d'intérêt général, pourvu que dans l'un comme dans l'autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport avec l'objet de la norme qui l'établit et ne soit pas manifestement disproportionnée au regard des motifs susceptibles de la justifier. Si ces modalités de mise en œuvre du principe d'égalité sont applicables à l'édiction de normes régissant la situation des fonctionnaires qui, en raison de leur contenu, ne sont pas limitées à un même corps ou à un même cadre d'emplois, le respect du principe d'égalité entre agents publics ne s'oppose pas à l'institution de différences dans le régime indemnitaire dont ils bénéficient, fondées sur des différences dans les conditions d'exercice de leurs fonctions ou sur les nécessités du bon fonctionnement du service auquel ils appartiennent.

5. L'annexe du décret du 28 avril 2022 fixant la liste des corps de la fonction publique de l'Etat dont les agents, sous réserve qu'ils exercent à titre principal des fonctions socio-éducatives, peuvent bénéficier de la revalorisation instituée à l'article 1er de ce décret, mentionne, pour ce qui concerne les établissements et services de la protection judiciaire de la jeunesse : le corps des chefs de service éducatif de la protection judiciaire de la jeunesse, le corps des psychologues du ministère de la justice régi par le décret du 29 février 1996 et relevant de la spécialité de psychologue clinicien, le corps des adjoints techniques du ministère de la justice, les corps interministériels des assistants de service social et des conseillers techniques de service social des administrations de l'Etat, ainsi que les corps des éducateurs et des cadres éducatifs de la protection judiciaire de la jeunesse. Si le syndicat requérant fait valoir que les adjoints administratifs et secrétaires administratifs exerçant en unité éducative ou les directeurs des services de la protection judiciaire de la jeunesse, exclus du bénéfice de cette revalorisation, participent pourtant à l'accueil du public et assistent les responsables d'unités éducatives ou contribuent, par leur fonction d'encadrement, à l'engagement professionnel collectif des équipes concernées, il ressort des pièces du dossier, notamment du répertoire des métiers de la protection judiciaire de la jeunesse, que ces agents n'ont pas vocation à exercer directement des fonctions d'accompagnement socio-éducatif auprès des usagers, à la différence des corps mentionnés à l'annexe précitée, dont les missions contribuent directement à la prise en charge des mineurs relevant de la protection judiciaire de la jeunesse, aux investigations éducatives et aux interventions dans ces structures ou auprès des familles. Dès lors, le pouvoir réglementaire n'a pas méconnu le principe d'égalité de traitement des agents publics en définissant, eu égard aux fonctions exercées et à leurs conditions d'exercice, les corps éligibles à une prime de revalorisation dont l'objectif est de rendre plus attractifs les métiers de l'accompagnement social et médico-social dans un contexte de fortes tensions sur les effectifs de ce secteur.

6. Il résulte de ce qui précède que le syndicat national des personnels de l'éducation et du social - protection judiciaire de la jeunesse n'est pas fondé à demander l'annulation de la décision implicite par laquelle le garde des sceaux, ministre de la justice, a rejeté sa demande tendant à la modification du décret n° 2022-741 du 28 avril 2022. Ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent, dès lors, qu'être rejetées.

D E C I D E :

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Article 1er : La requête du syndicat national des personnels de l'éducation et du social - protection judiciaire de la jeunesse est rejetée.

Article 2 : Les conclusions présentées par le syndicat national des personnels de l'éducation et du social - protection judiciaire de la jeunesse au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : La présente décision sera notifiée au syndicat national des personnels de l'éducation et du social - protection judiciaire de la jeunesse (SNPES-PJJ / FSU), au garde des sceaux, ministre de la justice et au Premier ministre.

Délibéré à l'issue de la séance du 16 mai 2024 où siégeaient : M. Cyril Roger-Lacan, assesseur, présidant ; M. Stéphane Hoynck, conseiller d'Etat et Mme Nathalie Destais, conseillère d'Etat-rapporteure.

Rendu le 17 juin 2024.

Le président :

Signé : M. Cyril Roger-Lacan

La rapporteure :

Signé : Mme Nathalie Destais

La secrétaire :

Signé : Mme Valérie Peyrisse


Synthèse
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 468554
Date de la décision : 17/06/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 17 jui. 2024, n° 468554
Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Nathalie Destais
Rapporteur public ?: M. Frédéric Puigserver
Avocat(s) : SARL THOUVENIN, COUDRAY, GREVY

Origine de la décision
Date de l'import : 19/06/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2024:468554.20240617
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