Vu la procédure suivante :
M. A... B... a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Nice, sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, d'enjoindre au directeur du centre pénitentiaire de Grasse de délivrer à Me Marc Boutang, son avocat, un permis de visite, sous astreinte de 150 euros par jour de retard à compter de la notification de l'ordonnance à intervenir. Par une ordonnance n° 2303264 du 5 juillet 2023, le juge des référés du tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande.
Par un pourvoi, enregistré le 4 août 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. B... demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler cette ordonnance ;
2°) statuant en référé, de faire droit à sa demande ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros à verser à la SCP Célice-Texidor-Périer, son avocat, au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code pénitentiaire ;
- le code de procédure pénale ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. David Gaudillère, maître des requêtes,
- les conclusions de M. Nicolas Agnoux, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Célice, Texidor, Perier, avocat de M. B... ;
Considérant ce qui suit :
1. Aux termes de l'article L. 521-2 du code de justice administrative : " Saisi d'une demande en ce sens justifiée par l'urgence, le juge des référés peut ordonner toutes mesures nécessaires à la sauvegarde d'une liberté fondamentale à laquelle une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public aurait porté, dans l'exercice d'un de ses pouvoirs, une atteinte grave et manifestement illégale (...) ". En vertu de l'article L. 522-3 du même code, le juge des référés peut, par une ordonnance motivée, rejeter une requête sans instruction ni audience lorsque la condition d'urgence n'est pas remplie ou lorsqu'il apparaît manifeste, au vu de la demande, que celle-ci ne relève pas de la compétence de la juridiction administrative, qu'elle est irrecevable ou qu'elle est mal fondée.
2. Il ressort des pièces du dossier soumis au juge des référés que M. A... B..., incarcéré depuis novembre 2021 au sein de plusieurs établissements pénitentiaires successifs, a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Nice, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, d'enjoindre au directeur du centre pénitentiaire de Grasse (Alpes-Maritimes) de délivrer à Me Marc Boutang, son avocat, un permis de visite, sous astreinte de 150 euros par jour de retard à compter de la notification de l'ordonnance à intervenir. M. B... se pourvoit en cassation contre l'ordonnance du 5 juillet 2023, prise sur le fondement de l'article L. 522-3 du code de justice administrative, par laquelle le juge des référés a rejeté sa demande, au motif que la condition d'urgence n'était pas remplie.
3. Aux termes de l'article L. 313-2 du code pénitentiaire : " Les personnes détenues communiquent librement avec leurs avocats. / Les modalités d'application du présent article sont fixées par décret en Conseil d'Etat ". L'article L. 313-3 du même code dispose que : " Toutes communications et toutes facilités compatibles avec les exigences de la sécurité de l'établissement pénitentiaire sont accordées aux personnes prévenues pour l'exercice de leur défense ". Selon l'article R. 57-6-5 du code de procédure pénale : " Les modalités de délivrance des permis de communiquer aux avocats et les règles applicables aux relations des personnes détenues avec leur défenseur sont déterminées par les dispositions des articles R. 313-14, R. 313-15 et R. 313-16 du code pénitentiaire ". Les articles R. 313-14 et R. 313-15 du code pénitentiaire prévoient notamment que, pour les personnes condamnées, en dehors des cas prévus aux articles 712-6, 712-7 et 712-8 du code de procédure pénale, le permis de communiquer est délivré aux avocats par le chef de l'établissement pénitentiaire, et qu'aucune sanction ni mesure ne peut supprimer ou restreindre la libre communication de la personne détenue avec son conseil.
4. Il résulte des dispositions citées au point 3 que les détenus disposent du droit de communiquer librement avec leurs avocats et que ce droit implique notamment qu'ils puissent, selon une fréquence qui, eu égard au rôle dévolu à l'avocat auprès des intéressés, ne peut être limitée a priori, recevoir leurs visites, dans des conditions garantissant la confidentialité de leurs échanges. La possibilité d'assurer de manière effective sa défense devant le juge, qui implique le droit pour les avocats de communiquer librement avec leurs clients et de leur rendre visite, a le caractère d'une liberté fondamentale au sens de l'article L. 521-2 du code de justice administrative. Toute personne justifiant, au regard de sa situation personnelle, qu'il y est porté une atteinte grave et manifestement illégale du fait de l'action ou de la carence de l'autorité publique, peut saisir le juge des référés sur le fondement de cet article. Il lui appartient alors de faire état de circonstances particulières caractérisant la nécessité pour elle de bénéficier, dans le très bref délai prévu par ces dispositions, d'une mesure de la nature de celles qui peuvent être ordonnées sur le fondement de cet article. Dans tous les cas, l'intervention du juge des référés dans les conditions d'urgence particulière prévues par l'article L. 521-2 précité est subordonnée au constat que la situation litigieuse permette de prendre utilement et à très bref délai les mesures de sauvegarde nécessaires.
5. En l'espèce, toutefois, si le juge des référés du tribunal administratif de Nice a rejeté pour défaut d'urgence la demande présentée par M. B... sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, il ressort des pièces du dossier soumis au juge des référés qu'à la date d'introduction de cette demande, M. B... avait quitté le centre pénitentiaire de Grasse et avait été transféré vers le centre pénitentaire de Toulon-la-Farlède (Var), dont il a ultérieurement été transféré en décembre 2023 pour le centre pénitentiaire d'Aix-Luynes (Bouches-du-Rhône). Dès lors que M. B... ne séjourne plus dans l'établissement de Grasse et qu'il n'a, en outre, pas fait état de nouvelles difficultés rencontrées pour communiquer avec son avocat, la décision litigieuse de refus de permis de communiquer opposée à Me Boutang par le directeur du centre pénitentiaire de Grasse a cessé de produire ses effets. Dans ces conditions, les conclusions de M. B... tendant à ce qu'il lui soit enjoint de délivrer à Me Boutang, son avocat, un permis de visite, sont devenues sans objet. Il n'y a, par suite, plus lieu de statuer sur les conclusions du pourvoi.
D E C I D E :
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Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur le pourvoi de M. B....
Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. A... B... et au garde des sceaux, ministre de la justice.
Délibéré à l'issue de la séance du 23 mai 2024 où siégeaient : Mme Isabelle de Silva, présidente de chambre, présidant ; M. Stéphane Hoynck, conseiller d'Etat et M. David Gaudillère, maître des requêtes-rapporteur.
Rendu le 14 juin 2024.
La présidente :
Signé : Mme Isabelle de Silva
Le rapporteur :
Signé : M. David Gaudillère
La secrétaire :
Signé : Mme Laïla Kouas