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12/06/2024 | FRANCE | N°474761

France | France, Conseil d'État, 4ème chambre, 12 juin 2024, 474761


Vu la procédure suivante :



Par une requête, un mémoire complémentaire et deux nouveaux mémoires, enregistrés les 5 juin, 23 juin et 17 octobre 2023 et le 8 janvier 2024 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. E... D... demande au Conseil d'Etat :



1°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 14 décembre 2022 révélant la décision par laquelle le président de l'université Toulouse III - Paul Sabatier a refusé de l'inscrire sur la liste des candidats dont la nomination est proposée, au titre de la voie te

mporaire d'accès par promotion interne au corps des professeurs des universités, au poste...

Vu la procédure suivante :

Par une requête, un mémoire complémentaire et deux nouveaux mémoires, enregistrés les 5 juin, 23 juin et 17 octobre 2023 et le 8 janvier 2024 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. E... D... demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 14 décembre 2022 révélant la décision par laquelle le président de l'université Toulouse III - Paul Sabatier a refusé de l'inscrire sur la liste des candidats dont la nomination est proposée, au titre de la voie temporaire d'accès par promotion interne au corps des professeurs des universités, au poste de professeur des universités en sciences de gestion et du management ouvert par l'université Toulouse III - Paul Sabatier, ensemble la décision implicite du 3 avril 2023 née du silence gardé par le président de cette université sur le recours administratif qu'il a formé contre cette décision ;

2°) d'enjoindre au président de l'université Toulouse III - Paul Sabatier de réexaminer sa candidature dans un délai d'un mois à compter de la décision à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

3°) de mettre à la charge de l'université Toulouse III - Paul Sabatier la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de l'éducation ;

- le code général de la fonction publique ;

- le décret n° 84-431 du 6 juin 1984 ;

- le décret n° 2021-1722 du 20 décembre 2021 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Camille Belloc, auditrice,

- les conclusions de M. Jean-François de Montgolfier, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Guérin - Gougeon, avocat de M. D... et à la SCP Buk Lament - Robillot, avocat de l'université Toulouse III - Paul Sabatier ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier que M. D..., maître de conférences à l'université Toulouse III - Paul Sabatier, a présenté sa candidature, par la voie temporaire d'accès par promotion interne au corps des professeurs des universités, au poste de professeur des universités en sciences de gestion et du management ouvert par cette université. M. D... demande l'annulation pour excès de pouvoir de la décision du 14 décembre 2022 révélant la décision par laquelle le président de l'université Toulouse III - Paul Sabatier a refusé de l'inscrire sur la liste des candidats dont la nomination est proposée à ce titre, ainsi que de la décision implicite du 3 avril 2023 née du silence gardé par le président de cette université sur le recours administratif qu'il a formé contre cette décision.

2. Aux termes de l'article L. 523-1 du code général de la fonction publique : " Afin de favoriser la promotion interne, les statuts particuliers fixent, outre l'accès par concours interne, une proportion de postes qui peuvent être proposés aux fonctionnaires ou aux agents des organisations internationales intergouvernementales pour une nomination suivant l'une des modalités ci-après : / 1° Examen professionnel, donnant lieu à l'établissement d'une liste d'aptitude dans les fonctions publiques territoriale et hospitalière ; / 2° Liste d'aptitude établie par appréciation de la valeur professionnelle et des acquis de l'expérience professionnelle des candidats. Sans renoncer à son pouvoir d'appréciation, l'autorité chargée d'établir la liste d'aptitude tient compte des lignes directrices de gestion prévues au chapitre III du titre Ier du livre IV. / Les statuts particuliers peuvent prévoir l'application de ces deux modalités, sous réserve qu'elles bénéficient à des candidats placés dans des situations différentes. "

3. Aux termes de l'article 1er du décret du 20 décembre 2021 créant une voie temporaire d'accès au corps des professeurs des universités et aux corps assimilés : " Il est créé, au titre des années 2021 à 2025, une voie temporaire d'accès par promotion interne au corps des professeurs des universités au bénéfice des maîtres de conférences régis par le décret du 6 juin 1984 susvisé. / (...) ". Aux termes de l'article 4 du même décret, dans sa version applicable au litige : " I. - (...) / Les candidats déposent leur candidature auprès du chef de l'établissement, accompagnée d'une lettre de motivation et du rapport d'activité mentionné à l'article 7-1 du décret du 6 juin 1984 susvisé, selon un calendrier et des modalités définis par arrêté du ministre chargé de l'enseignement supérieur. / Pour chaque candidat, le conseil académique ou, dans les établissements non dotés d'un conseil académique, le conseil d'administration en formation restreinte désigne deux rapporteurs membres du corps des professeurs des universités ou d'un corps assimilé dont l'un au moins est choisi parmi les spécialistes de la discipline du candidat. (...) / Au vu de leur rapport, le conseil académique délibère en formation restreinte sur l'ensemble des activités des candidats pour apprécier, d'une part, leur aptitude professionnelle et, d'autre part, les acquis de leur expérience professionnelle en distinguant, dans chaque cas, leur investissement pédagogique, la qualité de leur activité scientifique et leur investissement dans des tâches d'intérêt général. Sur chacun de ces critères, l'avis est soit très favorable, soit favorable, soit réservé. / Les avis du conseil académique en formation restreinte et les rapports d'activité précités sont ensuite adressés par le président de l'établissement à la section compétente du Conseil national des universités (...) /. II. - Après avoir entendu deux rapporteurs membres du corps des professeurs des universités ou d'un corps assimilé désignés par le bureau de la section compétente, le collège compétent pour le corps des professeurs des universités ou des corps assimilés rend un avis sur le dossier du candidat. Cet avis porte, d'une part, sur l'aptitude professionnelle et d'autre part, sur les acquis de son expérience professionnelle en distinguant, dans chaque cas, son investissement pédagogique, la qualité de son activité scientifique et son investissement dans des tâches d'intérêt général. Sur chacun de ces critères, l'avis est soit très favorable, soit favorable, soit réservé (...) / III. - Les dossiers ainsi complétés par l'avis du collège compétent sont adressés au chef de l'établissement d'affectation de l'agent. / Dans la limite de quatre candidats par emploi ouvert dans la discipline concernée à cette voie d'accès par promotion interne, les candidats ayant reçu les avis les plus favorables par les instances consultatives mentionnées au troisième alinéa du I et au II du présent article sont entendus par un comité d'audition. Celui-ci est composé du chef de l'établissement ou de son représentant et de trois membres du corps des professeurs des universités ou d'un corps assimilé, désignés par le chef de l'établissement ou par son représentant, dont deux au moins choisis parmi les spécialistes de la discipline concernée. / (...) L'audition a pour objet d'éclairer la décision du chef de l'établissement sur la motivation du candidat et sur son aptitude à exercer les missions et responsabilités dévolues aux membres du corps des professeurs des universités ou des corps assimilés. / IV. - A l'issue des auditions le chef de l'établissement établit la liste des candidats dont la nomination est proposée. Sans renoncer à son pouvoir d'appréciation, il tient compte des trois avis consultatifs émis en application du quatrième alinéa du I, du II et du III, respectivement, par le conseil académique, par la section compétente et par le comité d'audition ainsi que des lignes directrices de gestion relatives aux orientations générales en matière de promotion et de valorisation des parcours édictées par le ministre chargé de l'enseignement supérieur et par les autorités compétentes de l'établissement d'affectation. / Les motifs pour lesquels leur candidature n'a pas été retenue sont communiqués aux candidats qui en font la demande. / Les lauréats sont ensuite nommés dans l'un des corps mentionnés à l'article 1er par décret du Président de la République. (...) ".

4. En premier lieu, contrairement à ce qu'il soutient, le requérant n'a pas présenté, dans le cadre du recours gracieux qu'il a formé contre la décision du 14 décembre 2022 révélant la décision par laquelle le président de l'université Toulouse III - Paul Sabatier a refusé de l'inscrire sur la liste des candidats dont la nomination était proposée au poste de professeur des universités en sciences de gestion et du management ouvert par cette université, de demande de communication des motifs pour lesquels sa candidature n'avait pas été retenue. En outre, il n'est pas soutenu qu'il aurait présenté une telle demande par un autre moyen. Par suite, eu égard aux dispositions du IV de l'article 4 du décret du 20 décembre 2021 citées au point 3, le moyen tiré de ce que les décisions attaquées seraient insuffisamment motivées en ce qu'elles n'indiquent pas les motifs pour lesquels la candidature de M. D... n'a pas été retenue par le président de l'université doit être écarté.

5. En deuxième lieu, il résulte des mêmes dispositions du IV de l'article 4 du décret du 20 décembre 2021 citées au point 3 qu'à l'issue des auditions, si le président de l'université, pour établir la liste des candidats dont la nomination est proposée, tient notamment compte des avis consultatifs émis, respectivement, par le conseil académique en formation restreinte, par la section compétente du Conseil national des universités et par le comité d'audition, il n'est lié par aucun de ces trois avis. En l'espèce, s'il ressort des pièces du dossier que le conseil académique avait rendu un avis " entre favorable et très favorable ", le Conseil national des universités un avis plus nuancé, et le comité d'audition un avis défavorable, la seule circonstance que le président de l'université s'est abstenu de répondre au recours gracieux de M. D... ne saurait établir qu'il se serait contenté d'entériner l'avis du comité d'audition en renonçant à son pouvoir d'appréciation. Par suite, le moyen invoqué à ce titre doit être écarté.

6. En troisième lieu, d'une part, il résulte des dispositions du III de l'article 4 du décret du 20 décembre 2021 citées au point 3 que le comité d'audition est composé du président de l'université ou de son représentant et de trois membres du corps des professeurs des universités ou d'un corps assimilé, désignés par le président de l'université ou par son représentant, d'autre part, ni ces dispositions, dans leur version applicable au litige, ni aucun autre texte ne prévoient que la composition du comité d'audition est rendue publique avant le début de ses travaux, enfin, en vertu du 5° de l'article L. 712-2 du code de l'éducation, le président de l'université est compétent pour nommer les membres du comité d'audition prévu par les dispositions précitées. Il ressort des pièces du dossier que la décision de nomination du comité d'audition dans sa composition définitive, Mme Florence Sèdes, vice-présidente de l'université, ayant été nommée en tant que représentante du chef de l'établissement, en lieu et place d'un autre représentant initialement désigné, a été prise par Mme C... A..., laquelle était compétente pour ce faire en vertu d'un arrêté du 11 février 2022 du président de l'université portant délégation de signature pour les actes et décisions relatifs à la composition et à la convocation de jurys. Par suite, le requérant n'est pas fondé à soutenir que les décisions attaquées ont été prises au terme d'une procédure irrégulière du fait de l'absence de publication de la composition du comité d'audition et de la nomination du jury par une autorité incompétente pour ce faire.

7. En quatrième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que Mme Florence Sèdes, représentante du président de l'université au sein du comité d'audition, aurait manifesté une hostilité de principe à la candidature de M. D... au poste de professeur des universités en sciences de gestion et du management, l'unique témoignage anonyme qu'il produit au soutien de cette allégation n'étant pas de nature à remettre en cause l'impartialité de l'intéressée. Par suite, le moyen tiré de que les décisions attaquées ont été prises au terme d'une procédure irrégulière en raison de ce que Mme B... ne pouvait siéger au comité d'audition sans méconnaître le principe d'impartialité doit être écarté.

8. En cinquième lieu, il résulte des dispositions de l'article 4 du décret du 20 décembre 2021 citées au point 3 que l'avis du comité d'audition doit éclairer la décision du président de l'université sur la motivation du candidat et sur son aptitude à exercer les missions et responsabilités dévolues aux membres du corps des professeurs des universités. Il ressort des pièces du dossier que, pour motiver son avis défavorable, le comité d'audition a notamment retenu que le requérant avait rejoint la section sciences de gestion et du management du Conseil national des universités seulement quelques mois auparavant, que son inscription méthodologique, théorique et épistémologique dans la discipline n'était de ce fait pas clairement établie, qu'il n'avait pas expliqué le parcours qu'il entendait y suivre et que l'encadrement des doctorants de cette discipline était par conséquent difficilement envisageable. Le comité d'audition pouvait, sans méconnaître les dispositions précitées ni, en tout état de cause, méconnaître le principe d'égalité, prendre en compte ces éléments objectifs étrangers à toute discrimination. Par suite, le moyen tiré de ce que les décisions attaquées reposeraient sur un motif étranger à la valeur professionnelle du requérant et seraient par suite constitutives d'une rupture d'égalité et revêtiraient un caractère discriminatoire ne peut qu'être écarté.

9. En sixième lieu, compte tenu de ce qui a été dit précédemment, le président de l'université n'a pas entaché ses décisions d'illégalité en estimant que la candidature du requérant n'avait pas à être retenue.

10. Il résulte de ce qui précède que M. D... n'est pas fondé à demander l'annulation des décisions qu'il attaque.

11. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par l'université Toulouse III - Paul Sabatier au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Ces mêmes dispositions font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de l'université Toulouse III - Paul Sabatier qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : La requête de M. D... est rejetée.

Article 2 : Les conclusions présentées par l'université Toulouse III - Paul Sabatier au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à M. E... D... et à l'université Toulouse III - Paul Sabatier.

Copie en sera adressée à la ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche.

Délibéré à l'issue de la séance du 25 avril 2024 où siégeaient : Mme Maud Vialettes, présidente de chambre, présidant ; M. Alban de Nervaux, conseiller d'Etat et Mme Camille Belloc, auditrice-rapporteure.

Rendu le 12 juin 2024.

La présidente :

Signé : Mme Maud Vialettes

La rapporteure :

Signé : Mme Camille Belloc

Le secrétaire :

Signé : M. Jean-Marie Baune


Synthèse
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 474761
Date de la décision : 12/06/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 12 jui. 2024, n° 474761
Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Camille Belloc
Rapporteur public ?: M. Jean-François de Montgolfier
Avocat(s) : SCP BUK LAMENT - ROBILLOT ; SCP GUÉRIN - GOUGEON

Origine de la décision
Date de l'import : 16/06/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2024:474761.20240612
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