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12/06/2024 | FRANCE | N°456990

France | France, Conseil d'État, 4ème chambre, 12 juin 2024, 456990


Vu les procédures suivantes :



1° Sous le n° 456990, la société Logistique Outre Mer a demandé au tribunal administratif de la Martinique d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 21 août 2015 par laquelle l'inspectrice du travail de la 3ème section de l'unité de contrôle de la Martinique a refusé de l'autoriser à licencier M. C... A.... Par un jugement n° 1500477 du 21 février 2017, le tribunal administratif de la Martinique a annulé cette décision et enjoint à l'inspecteur du travail de réexaminer la demande présentée par la société Lo

gistique Outre Mer.



Par un arrêt n° 17PA021324 du 26 janvier 2021,...

Vu les procédures suivantes :

1° Sous le n° 456990, la société Logistique Outre Mer a demandé au tribunal administratif de la Martinique d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 21 août 2015 par laquelle l'inspectrice du travail de la 3ème section de l'unité de contrôle de la Martinique a refusé de l'autoriser à licencier M. C... A.... Par un jugement n° 1500477 du 21 février 2017, le tribunal administratif de la Martinique a annulé cette décision et enjoint à l'inspecteur du travail de réexaminer la demande présentée par la société Logistique Outre Mer.

Par un arrêt n° 17PA021324 du 26 janvier 2021, la cour administrative d'appel de Paris a rejeté l'appel de M. A... contre ce jugement.

Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et trois nouveaux mémoires, enregistrés les 23 septembre et 23 décembre 2021 et les 16 mai, 26 juillet et 17 août 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. A... demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel ;

3°) de mettre à la charge de la société Logistique Outre Mer le versement à son avocat, la SCP Foussard-Froger, de la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

2° Sous le n° 462424, M. C... A... a demandé au tribunal administratif de la Martinique d'annuler pour excès de pouvoir, d'une part, la décision du 12 mai 2017 par laquelle l'inspectrice du travail de la 3ème section de l'unité de contrôle de la Martinique, en exécution du jugement n° 1500477 du 21 février 2017, a autorisé la société Logistique Outre Mer à le licencier, d'autre part, la décision du 11 juillet 2017 rejetant le recours gracieux qu'il a formé contre la décision du 12 mai 2017. Par un jugement n° 1700534 du 14 février 2019, le tribunal administratif de la Martinique a annulé ces deux décisions et enjoint à l'inspecteur du travail de réexaminer la demande présentée par la société Logistique Outre Mer.

Par un arrêt n° 19BX01548 du 12 juillet 2021, la cour administrative d'appel de Bordeaux a, sur appel de M. A..., annulé ce jugement et rejeté sa demande.

Par un pourvoi et trois nouveaux mémoires, enregistrés les 17 mars, 13 mai, 25 juillet et 17 août 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. A... demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à ses conclusions d'appel ;

3°) de mettre solidairement à la charge de la société Logistique Outre Mer et de l'Etat le versement à son avocat, la SCP Foussard-Froger, de la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

....................................................................................

Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu :

- le code du travail ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Camille Belloc, auditrice,

- les conclusions de M. Jean-François de Montgolfier, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Foussard, Froger, avocat de M. A... et à la SCP Gatineau, Fattaccini, Rebeyrol, avocat de la société Logistique Outre Mer ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces des dossiers soumis aux juges du fond que, d'une part, par une décision du 21 août 2015, l'inspectrice du travail de la 3e section de l'unité de contrôle de la Martinique a refusé d'autoriser la société Logistique Outre Mer à licencier M. B..., salarié protégé. Par un jugement du 21 février 2017, le tribunal administratif de la Martinique a, sur demande de la société Logistique Outre-Mer, annulé cette décision et enjoint à l'inspecteur du travail de réexaminer la demande présentée par cette société. Sous le n° 456990, M. A... se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 26 janvier 2021 par lequel la cour administrative d'appel de Paris a rejeté son appel contre ce jugement. D'autre part, M. A... a demandé au tribunal administratif de la Martinique d'annuler la décision du 12 mai 2017 par laquelle l'inspectrice du travail de la 3e section de l'unité de contrôle de la Martinique a, en exécution du jugement du 21 février 2017, autorisé la société Logistique Outre Mer à le licencier et la décision du 11 juillet 2017 rejetant son recours gracieux. Par un jugement du 14 février 2019, le tribunal administratif a annulé ces deux décisions. Sous le n° 464424, M. A... se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 12 juillet 2021 par lequel la cour administrative d'appel de Bordeaux a annulé ce jugement et rejeté sa demande. Ces deux pourvois présentant à juger des questions semblables, il y a lieu de les joindre pour statuer par une même décision.

2. En vertu des dispositions du code du travail, les salariés légalement investis de fonctions représentatives bénéficient, dans l'intérêt de l'ensemble des salariés qu'ils représentent, d'une protection exceptionnelle. Lorsque le licenciement d'un de ces salariés est envisagé, ce licenciement ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées ou l'appartenance syndicale de l'intéressé. Dans le cas où la demande de licenciement est motivée par un comportement fautif, il appartient à l'inspecteur du travail, et le cas échéant, au ministre, de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si les faits reprochés au salarié sont d'une gravité suffisante pour justifier son licenciement, compte tenu de l'ensemble des règles applicables au contrat de travail de l'intéressé et des exigences propres à l'exécution normale du mandat dont il est investi. Il doit aussi vérifier qu'il n'est pas en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées ou avec son appartenance syndicale.

Sur le pourvoi n° 456990 :

3. En premier lieu, aux termes de l'article R. 2421-10 du code du travail : " la demande d'autorisation de licenciement (...) énonce les motifs du licenciement envisagé ". Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la demande d'autorisation de licenciement de M. A..., en date du 20 juin 2015, adressée par la société Logistique Outre Mer à l'inspecteur du travail, mentionne que plusieurs " griefs " sont faits à M. A..., d'une part, " de nombreuses heures d'absences non justifiées hors heures de délégation " malgré plusieurs " mises en garde " et l'infliction d'un " avertissement ", d'autre part, sa participation à des " actes illicites, constitutifs d'un abus du droit de grève, " en procédant au blocage d'un magasin, ce que, par une lettre du 15 juillet 2015 complétant la demande initiale, l'employeur a qualifié de " faute lourde ", et qu'elle précise en outre que M. A... est mis à pied. En estimant que cette demande d'autorisation de licenciement énonçait avec suffisamment de précision que le motif du licenciement projeté était disciplinaire, la cour, qui n'a relevé qu'à titre surabondant que l'inspecteur du travail n'avait d'ailleurs pas rejeté la demande d'autorisation de licenciement comme irrecevable et en avait examiné le bien-fondé, n'a ni commis d'erreur de droit, ni dénaturé les pièces du dossier.

4. En deuxième lieu, il ressort des termes de l'arrêt attaqué que pour répondre au moyen présenté par M. A..., tiré de ce que les absences qui lui étaient reprochées n'étaient pas injustifiées, dès lors que son employeur les avaient tolérées pendant plusieurs années, la cour a relevé que M. A... avait fait l'objet, d'abord, d'un avertissement en date du 9 octobre 2008, pour des absences ou retards injustifiés en 2006, 2007 et 2008, ensuite, d'un courrier de " mise au point " en date du 23 juillet 2013, pour des retards en 2012 et 2013, enfin, d'un avertissement en date du 4 mai 2015 pour des retards et absences injustifiés. En se prononçant ainsi sur le moyen en cause, la cour n'a pas méconnu le principe non bis in idem, ni entaché son arrêt d'erreur de droit.

5. En troisième lieu, en estimant, au terme d'une appréciation des pièces du dossier qui lui était soumis, exempte de dénaturation, et en tout état de cause sans se fonder sur les données issues du badgeage des salariés de l'entreprise, que les absences injustifiées de M. A... en avril et mai 2015, qui s'inscrivaient dans la suite de celles mentionnées au point précédent, revêtaient un caractère fautif et étaient d'une gravité suffisante pour justifier son licenciement, la cour n'a pas inexactement qualifié les faits de l'espèce, ni commis d'erreur de droit.

6. En dernier lieu, en estimant que le licenciement de M. A... était sans rapport avec ses fonctions représentatives, la cour a porté sur les pièces du dossier une appréciation souveraine exempte de dénaturation.

7. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à demander l'annulation de l'arrêt qu'il attaque sous le numéro 456990.

Sur le pourvoi n° 462424 :

8. En premier lieu, le moyen tiré de ce que l'arrêt attaqué sous le numéro 462424 devrait être annulé par voie de conséquence de l'annulation de l'arrêt attaqué sous le numéro 456990 ne peut qu'être écarté par suite de ce qui a été dit au point précédent.

9. En deuxième lieu, il résulte des termes mêmes de l'arrêt attaqué que la cour a estimé que l'inspecteur du travail avait examiné les faits reprochés au requérant relatifs à la période 2016-2017. Par suite, le requérant n'est pas fondé à soutenir que l'arrêt qu'il attaque est entaché d'erreur de droit pour avoir retenu que l'inspecteur du travail s'était borné à examiner les faits antérieurs à cette période.

10. En dernier lieu, il y a lieu d'écarter pour les mêmes motifs que ceux qui figurent aux points 4 et 5 les autres moyens présentés à l'appui du pourvoi n° 462424, qui sont similaires à ceux présentés dans le pourvoi n° 456990.

Sur les conclusions présentées au titre des frais exposés et non compris dans les dépens :

11. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. A... la somme que demande la société Logistique Outre Mer au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Ces mêmes dispositions font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge, d'une part, de la société Logistique Outre Mer qui n'est pas, dans les présentes instances, la partie perdante, d'autre part, de l'Etat qui n'a pas, dans l'instance n° 462424, au titre de laquelle M. A... a présenté à son encontre des conclusions relatives aux frais exposés et non compris dans les dépens, la qualité de partie.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Les pourvois présentés par M. A... sont rejetés.

Article 2 : Les conclusions présentées par la société Logistique Outre Mer au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à M. C... A... et à la société Logistique Outre Mer.

Copie en sera adressée à la ministre du travail, de la santé et des solidarités.

Délibéré à l'issue de la séance du 25 avril 2024 où siégeaient : Mme Maud Vialettes, présidente de chambre, présidant ; M. Alban de Nervaux, conseiller d'Etat et Mme Camille Belloc, auditrice-rapporteure.

Rendu le 12 juin 2024.

La présidente :

Signé : Mme Maud Vialettes

La rapporteure :

Signé : Mme Camille Belloc

Le secrétaire :

Signé : M. Jean-Marie Baune


Synthèse
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 456990
Date de la décision : 12/06/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 12 jui. 2024, n° 456990
Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Camille Belloc
Rapporteur public ?: M. Jean-François de Montgolfier
Avocat(s) : SCP FOUSSARD, FROGER ; SCP GATINEAU, FATTACCINI, REBEYROL

Origine de la décision
Date de l'import : 16/06/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2024:456990.20240612
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