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11/06/2024 | FRANCE | N°472617

France | France, Conseil d'État, 9ème - 10ème chambres réunies, 11 juin 2024, 472617


Vu les procédures suivantes :



I. La société Green Renov a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler la décision du 5 octobre 2018 par laquelle le ministre de la transition écologique et solidaire a rejeté sa demande de délivrance de certificats d'économies d'énergie référencée 4694OB/29282 " testdifloantin ". Par un jugement n° 1822497 du 6 mai 2021, ce tribunal a fait droit à sa demande.



Par un arrêt n° 21PA03774 du 2 février 2023, la cour administrative d'appel de Paris a, sur appel de la ministre de la tr

ansition écologique, annulé ce jugement et rejeté la demande présentée par la société Gre...

Vu les procédures suivantes :

I. La société Green Renov a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler la décision du 5 octobre 2018 par laquelle le ministre de la transition écologique et solidaire a rejeté sa demande de délivrance de certificats d'économies d'énergie référencée 4694OB/29282 " testdifloantin ". Par un jugement n° 1822497 du 6 mai 2021, ce tribunal a fait droit à sa demande.

Par un arrêt n° 21PA03774 du 2 février 2023, la cour administrative d'appel de Paris a, sur appel de la ministre de la transition écologique, annulé ce jugement et rejeté la demande présentée par la société Green Renov devant le tribunal administratif de Paris.

Sous le n° 472617, par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 31 mars et 30 juin 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société Green Renov, représentée par la société Fides en sa qualité de liquidateur judiciaire, demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

II. La société Green Renov a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler la décision du 18 décembre 2018 par laquelle le ministre de la transition écologique et solidaire a retiré sa décision implicite d'acceptation, née le 25 septembre 2018, de sa demande de délivrance de certificats d'économies d'énergie référencée 4694OB/31382 " antinresidcalo ". Par un jugement n° 1900578 du 6 mai 2021, ce tribunal a fait droit à sa demande.

Par un arrêt n° 21PA03775 du 2 février 2023, la cour administrative d'appel de Paris a, sur appel de la ministre de la transition écologique, annulé ce jugement et rejeté la demande présentée par la société Green Renov devant le tribunal administratif de Paris.

Sous le n° 472618, par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 31 mars et 30 juin 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société Green Renov, représentée par la société Fides en sa qualité de liquidateur judiciaire, demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

....................................................................................

Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu :

- le code de l'énergie ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- l'arrêté du 4 septembre 2014 fixant la liste des éléments d'une demande de certificats d'économies d'énergie et les documents à archiver par le demandeur ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Cyril Martin de Lagarde, maître des requêtes en service extraordinaire,

- les conclusions de Mme Céline Guibé, rapporteure publique ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Célice, Texidor, Perier, avocat de la société Green Renov ;

Considérant ce qui suit :

1. Les pourvois de la société Green Renov présentent à juger les mêmes questions. Il y a lieu de les joindre pour statuer par une même décision.

2. Il ressort des pièces des dossiers soumis aux juges du fond que la société Green Renov a sollicité du ministre chargé de l'énergie la délivrance de certificats d'économies d'énergie, sous les références 4694OB/29282 " testdifloantin " et 4694OB/31382 " antinresidcalo ", en raison du rôle actif et incitatif qu'elle estime avoir tenu dans la réalisation d'opérations d'économies d'énergies qu'elle a fait réaliser pour la société Antin Résidences, bénéficiaire. Par deux décisions des 5 octobre et 18 décembre 2018, le ministre de la transition écologique et solidaire a, respectivement, rejeté la demande référencée 4694OB/29282 " testdifloantin " et retiré la décision implicite d'acceptation de la demande référencée 4694OB/31382 " antinresidcalo ". Par deux jugements du 6 mai 2021, le tribunal administratif de Paris a fait droit aux demandes de la société Green Renov tendant à l'annulation de ces deux décisions. La société Green Renov se pourvoit en cassation contre les arrêts du 2 février 2023 par lesquels la cour administrative d'appel de Paris a, sur appel de la ministre de la transition écologique, annulé ces deux jugements et rejeté les demandes présentées par elle devant le tribunal administratif de Paris.

3. D'une part, aux termes de l'article L. 221-1-1 du code de l'énergie : " Les personnes mentionnées à l'article L. 221-1 sont (...) soumises à des obligations d'économies d'énergie spécifiques à réaliser au bénéfice des ménages en situation de précarité énergétique. / Elles peuvent se libérer de ces obligations soit en réalisant, directement ou indirectement, des économies d'énergie au bénéfice des ménages en situation de précarité énergétique, soit en acquérant des certificats d'économies d'énergie provenant d'opérations réalisées au bénéfice de ces ménages, soit en les déléguant pour tout ou partie à un tiers, soit en contribuant à des programmes de réduction de la consommation énergétique des ménages les plus défavorisés " mentionnés à l'article L. 221-7, lequel dispose que le " ministre chargé de l'énergie ou, en son nom, un organisme habilité à cet effet peut délivrer des certificats d'économies d'énergie aux personnes éligibles lorsque leur action, additionnelle par rapport à leur activité habituelle, permet la réalisation d'économies d'énergie sur le territoire national (...) ".

4. Aux termes de l'article R. 221-22 du même code, dans sa rédaction applicable au litige : " La demande de certificats d'économies d'énergie est adressée au ministre chargé de l'énergie. / Un arrêté du ministre chargé de l'énergie définit la liste des pièces du dossier accompagnant le dossier de demande, ainsi que la liste des pièces qui doivent être archivées par le demandeur pour être tenues à la disposition des agents chargés des contrôles dès le dépôt de la demande de certificats d'économies d'énergie. (...) Le demandeur de certificats d'économies d'énergie doit, à l'appui de sa demande, justifier de son rôle actif et incitatif dans la réalisation de l'opération. Est considérée comme un rôle actif et incitatif toute contribution directe, quelle qu'en soit la nature, apportée, par le demandeur ou par l'intermédiaire d'une personne qui lui est liée contractuellement, à la personne bénéficiant de l'opération d'économies d'énergie et permettant la réalisation de cette dernière. Cette contribution intervient au plus tard à la date d'engagement de l'opération. (...) Le ministre chargé de l'énergie accuse réception de la demande. A compter de la date de réception d'un dossier complet, le ministre chargé de l'énergie délivre les certificats dans un délai de : / 1° Six mois pour les demandes relatives à des opérations spécifiques ; / 2° Deux mois pour les autres demandes ".

5. Aux termes de l'article 4 de l'arrêté ministériel du 4 septembre 2014 fixant la liste des éléments d'une demande de certificats d'économies d'énergie et les documents à archiver par le demandeur, dans sa rédaction applicable au litige : " Les pièces constitutives d'une demande de certificats d'économies d'énergie sont : / - lorsque la demande porte sur des opérations relevant des fiches d'opérations standardisées d'économies d'énergie, les pièces transmises à l'appui de la demande définies par l'annexe 2 et les pièces archivées par le demandeur définies par l'annexe 5 ; (...) Les pièces constitutives d'une demande de certificats d'économies d'énergie sont établies avant le dépôt de cette demande. / Les pièces archivées par le demandeur sont tenues à la disposition des fonctionnaires et des agents chargés des contrôles dès le dépôt de la demande de certificats d'économies d'énergie. ". L'annexe 2 de cet arrêté précise la composition d'une demande de certificats d'économie d'énergie. Son annexe 5, dans sa rédaction applicable au litige, énumère les pièces justificatives relatives aux opérations d'économies d'énergie : " - l'identification du bénéficiaire de l'opération ; / - la preuve de réalisation de l'opération ; / - la preuve du rôle actif et incitatif antérieur du demandeur ; (...) / - les attestations sur l'honneur ; (...) ". Aux termes du 1 de cette même annexe : " L'identification du bénéficiaire de l'opération est justifiée, selon le cas, par : / - une attestation sur l'honneur du bénéficiaire de l'opération indiquant qu'il est le seul propriétaire de l'équipement installé ; / - une attestation sur l'honneur du bénéficiaire de l'opération indiquant qu'il est le maître d'ouvrage de l'opération d'économies d'énergie et qu'il dispose de l'accord du propriétaire pour être désigné comme bénéficiaire au titre du dispositif des certificats d'économies d'énergie. Cette attestation est complétée par l'accord écrit du propriétaire pour désigner le maître d'ouvrage comme bénéficiaire de l'opération au titre du dispositif des certificats d'économies d'énergie ; (...) / Lorsque le bénéficiaire est une personne morale, la demande comporte son numéro SIREN. (...) ".

6. D'autre part, aux termes de l'article L. 242-1 du code des relations entre le public et l'administration : " L'administration ne peut abroger ou retirer une décision créatrice de droits de sa propre initiative ou sur la demande d'un tiers que si elle est illégale et si l'abrogation ou le retrait intervient dans le délai de quatre mois suivant la prise de cette décision ".

7. Les dispositions citées aux points 3 à 5 ne font pas obstacle à ce qu'avant de procéder à la délivrance des certificats d'économies d'énergie ou au retrait des certificats délivrés, le ministre chargé de l'énergie s'assure, dans les délais fixés respectivement à l'article R. 221-22 du code de l'énergie et à l'article L. 242-1 du code des relations entre le public et l'administration, de l'exactitude des éléments joints au dossier du demandeur ou de ceux qu'il tient à sa disposition, notamment aux fins de vérifier auprès du bénéficiaire déclaré, que l'opération d'économies d'énergie a bien été réalisée avec son accord, et de s'assurer du rôle actif et incitatif du demandeur dans sa réalisation.

8. En premier lieu, il ressort des énonciations des arrêts attaqués que le responsable de secteur de l'agence nord de la société Antin Résidences, bénéficiaire des opérations d'économies d'énergie au titre desquelles les certificats ont été demandés par la société Green Renov, a signé, en sa qualité de responsable de secteur, d'une part, une " convention d'incitation " sur laquelle il a apposé le seul cachet de l'agence nord et, d'autre part, des attestations sur l'honneur. Ces documents ont été fournis par la société Green Renov aux services compétents du ministre chargé de l'énergie, dans le cadre de l'examen de ses demandes de certificats d'économies d'énergie. Contrairement à ce qui est soutenu, la cour n'a pas jugé que le demandeur était tenu de justifier de la qualité de la personne ayant signé, au nom du bénéficiaire, les pièces produites à l'appui de sa demande mais a seulement recherché, pour déterminer si la société Green Renov justifiait de son rôle actif et incitatif dans la réalisation de l'opération, et en motivant suffisamment son arrêt sur ce point, si la société Green Renov avait pu légitimement croire que le signataire de ces documents était habilité à engager la société Antin Résidences. Ayant ensuite relevé qu'interrogée, la société Antin Résidences avait précisé que le responsable de secteur n'était pas compétent pour engager la société, sans validation de son supérieur, et que sa direction n'avait pas été informée des travaux, la cour a pu, sans commettre d'erreur de droit ni dénaturer les pièces des dossiers qui lui étaient soumis, déduire de ces circonstances que la société Antin Résidences n'avait pas été valablement engagée dans les opérations d'économies d'énergies en cause, que la société Green Renov ne pouvait l'ignorer et que, par suite, cette dernière ne pouvait prétendre à la délivrance des certificats d'économies d'énergie relatifs à ces opérations.

9. En second lieu, en validant le motif de rejet retenu par le ministre, et en jugeant qu'il avait pu légalement opposer ce motif, la cour, eu égard à l'argumentation dont elle était saisie, a suffisamment répondu au moyen tiré d'un détournement de pourvoi et d'un vice de procédure soulevé en première instance.

10. Il résulte de tout ce qui précède que les pourvois de la société Green Renov ne peuvent qu'être rejetés. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Les pourvois de la société Green Renov sont rejetés.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à la société Green Renov, au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique ainsi qu'au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.

Délibéré à l'issue de la séance du 6 mai 2024 où siégeaient : M. Pierre Collin, président adjoint de la section du contentieux, présidant ; M. Bertrand Dacosta, Mme Anne Egerszegi, présidents de chambre ; M. Olivier Yeznikian, Mme Rozen Noguellou, M. Nicolas Polge, M. Vincent Daumas, M. Didier Ribes, conseillers d'Etat, et M. Cyril Martin de Lagarde, maître des requêtes en service extraordinaire-rapporteur.

Rendu le 11 juin 2024.

Le président :

Signé : M. Pierre Collin

Le rapporteur :

Signé : M. Cyril Martin de Lagarde

La secrétaire :

Signé : Mme Fehmida Ghulam

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique et au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chacun en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

Pour la secrétaire du contentieux, par délégation :


Synthèse
Formation : 9ème - 10ème chambres réunies
Numéro d'arrêt : 472617
Date de la décision : 11/06/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

29-06 ENERGIE. - MARCHÉ DE L’ÉNERGIE. - OBLIGATIONS D’ÉCONOMIES D’ÉNERGIE APPLICABLES À CERTAINS FOURNISSEURS D’ÉNERGIE (ART. L. 221-1 S. DU CODE DE L’ÉNERGIE) – FACULTÉ POUR LE MINISTRE, AVANT DE DÉLIVRER OU DE RETIRER UN CEE, DE S’ASSURER DE L’EXACTITUDE DES ÉLÉMENTS JOINTS AU DOSSIER DU DEMANDEUR OU DE CEUX QU’IL TIENT À SA DISPOSITION – EXISTENCE.

29-06 Ni les articles L. 221-1-1 et R. 221-22 du code de l’énergie ni l’arrêté ministériel du 4 septembre 2014 fixant la liste des éléments d’une demande de certificats d’économies d’énergie et les documents à archiver par le demandeur ne font obstacle à ce qu’avant de procéder à la délivrance des certificats d’économies d’énergie (CEE) ou au retrait des certificats délivrés, le ministre chargé de l’énergie s’assure, dans les délais fixés respectivement à l’article R. 221-22 du code de l’énergie et à l’article L. 242-1 du code des relations entre le public et l'administration (CRPA), de l’exactitude des éléments joints au dossier du demandeur ou de ceux qu’il tient à sa disposition, notamment aux fins de vérifier auprès du bénéficiaire déclaré, que l’opération d’économies d’énergie a bien été réalisée avec son accord, et de s’assurer du rôle actif et incitatif du demandeur dans sa réalisation.


Publications
Proposition de citation : CE, 11 jui. 2024, n° 472617
Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Cyril Martin de Lagarde
Rapporteur public ?: Mme Céline Guibé
Avocat(s) : SCP CELICE, TEXIDOR, PERIER

Origine de la décision
Date de l'import : 14/06/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2024:472617.20240611
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