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11/06/2024 | FRANCE | N°469497

France | France, Conseil d'État, 9ème chambre, 11 juin 2024, 469497


Vu la procédure suivante :



Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés le 7 décembre 2022 et le 11 octobre 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société DDER demande au Conseil d'Etat :



1°) d'annuler les décisions nos CL300922ANL507949105N0 et PR300922ANL507949105N0 du 14 octobre 2022 par lesquelles la ministre de la transition énergétique lui a infligé une sanction annulant, respectivement, des volumes de 1 738 650 kilowattheures cumulés actualisés (kWh cumac) " classiques " et de 15 879 67

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Vu la procédure suivante :

Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés le 7 décembre 2022 et le 11 octobre 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société DDER demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler les décisions nos CL300922ANL507949105N0 et PR300922ANL507949105N0 du 14 octobre 2022 par lesquelles la ministre de la transition énergétique lui a infligé une sanction annulant, respectivement, des volumes de 1 738 650 kilowattheures cumulés actualisés (kWh cumac) " classiques " et de 15 879 670 kWh cumac " précarité " de certificats d'économies d'énergie dont elle avait bénéficié ;

2°) d'enjoindre au ministre chargé de l'énergie de déclarer conformes les opérations nos 36159-044, 31621-028, 31621-029, 36159-040 et 36159-041 ;

3°) à titre subsidiaire, d'enjoindre au ministre chargé de l'énergie de procéder à un nouvel examen de ces opérations dans un délai de deux mois ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 6 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu :

- le code de l'énergie ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le décret n° 2005-850 du 27 juillet 2005 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Olivier Pau, auditeur,

- les conclusions de Mme Emilie Bokdam-Tognetti, rapporteure publique ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Le Guerer, Bouniol-Brochier, avocat de la société DDER ;

Considérant ce qui suit :

1. Il résulte de l'instruction qu'à l'issue d'une procédure de contrôle d'un échantillon de 34 opérations réalisées par la société DDER, spécialisée dans les services relatifs aux certificats d'économies d'énergie, et qui avaient donné lieu à la délivrance de tels certificats, la ministre de la transition énergétique a, par deux décisions du 14 octobre 2022, prononcé à l'encontre de cette société l'annulation de certificats d'économies d'énergie correspondant à un volume de 1 738 650 kilowattheures cumulés actualisés (kWh cumac) dits " classiques " et de 15 879 670 kWh cumac dits " précarité ". La société DDER demande au Conseil d'Etat l'annulation de cette sanction.

2. En premier lieu, aux termes de l'article 1er du décret du 27 juillet 2005 relatif aux délégations de signature des membres du Gouvernement : " A compter du jour suivant la publication au Journal officiel de la République française de l'acte les nommant dans leurs fonctions (...) peuvent signer, au nom du ministre (...) et par délégation, l'ensemble des actes, à l'exception des décrets, relatifs aux affaires des services placés sous leur autorité : / 1° (...), les directeurs d'administration centrale (...) que le décret d'organisation du ministère rattache directement au ministre (...) ". Les décisions du 14 octobre 2022 en litige ont été signées par M. B... A..., directeur général de l'énergie et du climat, pour la ministre de la transition énergétique et par délégation de celle-ci. Le directeur général de l'énergie et du climat est un directeur d'administration centrale, directement rattaché à la ministre de la transition énergétique. M. B... A... ayant été nommé par un décret du 19 décembre 2012 publié au Journal officiel de la République française le 21 décembre 2012, il avait, du fait de cette publication, qualité pour signer ces décisions. Le moyen tiré de ce que ces dernières auraient été prises par une autorité incompétente doit, par suite, être écarté.

3. En deuxième lieu, d'une part, aux termes de l'article L. 222-1 du code de l'énergie : " Dans les conditions définies aux articles suivants, le ministre chargé de l'énergie peut sanctionner les manquements aux dispositions du chapitre Ier du présent titre ou aux dispositions réglementaires prises pour leur application ". L'article L. 222-2 du même code dispose qu'en " cas de manquement à des obligations déclaratives, le ministre met l'intéressé en demeure de se conformer à ses obligations dans un délai déterminé. Il peut rendre publique cette mise en demeure. / Lorsque l'intéressé ne se conforme pas dans les délais fixés à cette mise en demeure ou lorsque des certificats d'économies d'énergie lui ont été indûment délivrés, le ministre chargé de l'énergie peut : / (...) / 3° Annuler des certificats d'économies d'énergie de l'intéressé, d'un volume égal à celui concerné par le manquement ; / 4° Suspendre ou rejeter les demandes de certificats d'économies d'énergie faites par l'intéressé (...) ". Ces sanctions sont, en application de l'article L. 222-3 de ce code, " prononcées après que l'intéressé a reçu notification des griefs et a été mis à même de consulter le dossier et de présenter ses observations, assisté, le cas échéant, par une personne de son choix ". Aux termes du premier alinéa de l'article L. 222-5 du même code : " L'instruction et la procédure devant le ministre sont contradictoires ". D'autre part, aux termes du premier alinéa de l'article L. 411-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Toute décision administrative peut faire l'objet, dans le délai imparti pour l'introduction d'un recours contentieux, d'un recours gracieux (...) ".

4. La société requérante soutient que les décisions qu'elle conteste ont été prises le 14 octobre 2022 sans lui notifier préalablement les manquements constatés ni la mettre en mesure de consulter le dossier et de présenter des observations, assistée de la personne de son choix. Toutefois, il résulte de l'instruction, notamment des pièces produites par la requérante comme, d'ailleurs, des termes mêmes de sa requête, que ces décisions ont été prises au vu du recours gracieux qu'elle a présenté, et auquel il a été fait droit en partie, contre les deux décisions du 19 juillet 2022 prononçant à son égard l'annulation de certificats d'économies d'énergie pour des manquements dont la constatation lui a été notifiée par un courrier du 10 janvier 2022, auquel était annexé le relevé des non-conformités constatées par l'administration, et qui l'informait de ce que la ministre de la transition énergétique envisageait de mettre en œuvre à son encontre les pouvoirs de sanction que lui conféraient les 3° et 4° de l'article L. 222-2 du code de l'énergie, ainsi que de la possibilité qui lui était offerte de contester les manquements reprochés dans un délai d'un mois, de consulter son dossier et de présenter des observations en se faisant assister par une personne de son choix, toutes facultés dont elle a, au demeurant, fait usage. Dans ces conditions, la société requérante n'est pas fondée à soutenir que les décisions de sanction en litige auraient été adoptées en violation des droits de la défense et du caractère contradictoire de la procédure.

5. En troisième et dernier lieu, aux termes de l'article R. 222-8 du code de l'énergie, relatif aux opérations de contrôle de la régularité de la délivrance des certificats d'économies d'énergie : " Pour chaque opération d'économies d'énergie de l'échantillon (...), le ministre chargé de l'énergie établit le volume de certificats d'économies d'énergie correspondant. Si le ministre ne constate aucun manquement dans les éléments nécessaires à l'établissement de ce volume et si le volume de certificats d'économies d'énergie qu'il établit n'est pas inférieur à celui qui a été attribué, le volume de certificats d'économies d'énergie délivrés pour l'opération est confirmé. Dans tous les autres cas, il est ramené à zéro. / (...) /La conformité de l'échantillon s'apprécie à partir de la somme des volumes de certificats d'économies d'énergie de chacune de ses opérations, établis conformément aux dispositions des deux premiers alinéas du présent article. L'échantillon est réputé conforme si le rapport entre la somme des volumes de certificats d'économies d'énergie établis pour les opérations de l'échantillon et la somme des volumes de certificats d'économies d'énergie délivrés pour les mêmes opérations est supérieur à 95 % ".

6. La société requérante soutient qu'en déclarant non conformes les opérations nos 36159-044, 31621-028, 31621-029, 36159-040 et 36159-041, la ministre de la transition énergétique a entaché ses décisions d'une erreur d'appréciation et se serait fondée sur des faits matériellement inexacts. Il résulte cependant de l'instruction, d'une part, que les volumes de kWh cumac relatifs aux opérations nos 31621-028, 31621-029, 36159-040 et 36159-041 n'ont pas été annulés par les décisions attaquées. D'autre part, si la société requérante fait valoir que l'écart entre le nombre de mètres linéaires isolés déclaré dans le cadre de l'opération

no 36159-044, relative à l'isolation d'un réseau hydraulique de chauffage ou d'eau chaude sanitaire, et celui mesuré à l'issue des contrôles ne serait pas de 27,8 %, comme le font apparaître les mesures prises par l'organisme mandaté par la ministre pour la réalisation des opérations de contrôle, mais inférieur à 15 %, selon les relevés de l'organisme mandaté par la société, ces relevés ont été établis postérieurement aux opérations de contrôle, à une date à laquelle la société DDER avait pu réaliser des travaux correctifs. La société requérante n'est par suite pas fondée à soutenir que le constat d'un manquement à ses obligations déclaratives reposerait sur une erreur de fait ou une erreur d'appréciation.

7. Il résulte de tout ce qui précède que la société DDER n'est pas fondée à demander l'annulation des décisions qu'elle attaque.

8. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : La requête de la société DDER est rejetée.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à la société DDER ainsi qu'au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique et au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.

Délibéré à l'issue de la séance du 2 mai 2024 où siégeaient : Mme Anne Egerszegi, présidente de chambre, présidant ; M. Nicolas Polge, conseiller d'Etat et M. Olivier Pau, auditeur-rapporteur.

Rendu le 11 juin 2024.

La présidente :

Signé : Mme Anne Egerszegi

Le rapporteur :

Signé : M. Olivier Pau

Le secrétaire :

Signé : M. Brian Bouquet

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

Pour la secrétaire du contentieux, par délégation :


Synthèse
Formation : 9ème chambre
Numéro d'arrêt : 469497
Date de la décision : 11/06/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 11 jui. 2024, n° 469497
Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Olivier Pau
Rapporteur public ?: Mme Emilie Bokdam-Tognetti
Avocat(s) : SCP LE GUERER, BOUNIOL-BROCHIER

Origine de la décision
Date de l'import : 13/06/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2024:469497.20240611
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