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05/06/2024 | FRANCE | N°474786

France | France, Conseil d'État, 4ème chambre, 05 juin 2024, 474786


Vu les procédures suivantes :



Le président de l'université de Montpellier a saisi la section disciplinaire du conseil académique de cette université de poursuites disciplinaires visant M. B... A.... Par une décision du 10 juillet 2018, la section disciplinaire a infligé à M. A... la sanction de l'interruption de fonctions dans l'établissement pendant une durée d'un an.



Par une décision du 8 juillet 2020, le Conseil national de l'enseignement supérieur et de la recherche, statuant en matière disciplinaire a infligé à celui

-ci la sanction du rappel à l'ordre.



Par une décision n°s 444667, 444...

Vu les procédures suivantes :

Le président de l'université de Montpellier a saisi la section disciplinaire du conseil académique de cette université de poursuites disciplinaires visant M. B... A.... Par une décision du 10 juillet 2018, la section disciplinaire a infligé à M. A... la sanction de l'interruption de fonctions dans l'établissement pendant une durée d'un an.

Par une décision du 8 juillet 2020, le Conseil national de l'enseignement supérieur et de la recherche, statuant en matière disciplinaire a infligé à celui-ci la sanction du rappel à l'ordre.

Par une décision n°s 444667, 444710 du 20 juillet 2022, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux a annulé cette décision et renvoyé l'affaire au Conseil national de l'enseignement supérieur et de la recherche, statuant en matière disciplinaire.

Par une décision du 15 mars 2023, le Conseil national de l'enseignement supérieur et de la recherche, statuant en matière disciplinaire, a donné acte de son désistement à M. A..., annulé la décision du 10 juillet 2018 de la section disciplinaire du conseil académique de l'université de Montpellier, et infligé à M. A... la sanction du rappel à l'ordre.

1° Sous le numéro 474786, par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 5 juin et 2 août 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, l'université de Montpellier demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cette décision ;

2°) réglant l'affaire au fond, de confirmer la sanction infligée à M. A... par la section disciplinaire du conseil académique de l'université de Montpellier.

L'université de Montpellier soutient que la décision du Conseil national de l'enseignement supérieur et de la recherche, statuant en matière disciplinaire qu'elle attaque, est entachée :

- d'erreur de droit en ce qu'elle méconnaît l'autorité de la chose jugée par le Conseil d'Etat juge de cassation ;

- d'inexacte qualification juridique des faits et de dénaturation des pièces du dossier en ce qu'elle retient qu'aucun élément tangible ne permet de prouver que l'intéressé a eu des gestes déplacés ou un comportement inapproprié à l'égard des quatre plaignantes.

Le pourvoi a été communiqué à M. A... qui n'a pas produit de mémoire.

2° Sous le numéro 474879, par un pourvoi, enregistré le 7 juin 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler les articles 3 et 4 de la décision du 15 mars 2023 du Conseil national de l'enseignement supérieur et de la recherche, statuant en matière disciplinaire ;

2°) réglant l'affaire au fond, de confirmer la sanction infligée à M. A... par la section disciplinaire du conseil académique de l'université de Montpellier.

La ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche soutient que la décision du Conseil national de l'enseignement supérieur et de la recherche, statuant en matière disciplinaire qu'elle attaque, est entachée :

- de méconnaissance par le Conseil national de l'enseignement supérieur et de la recherche, statuant en matière disciplinaire, de son office et d'erreur de droit, en ce qu'elle inflige à M. A... la sanction du rappel à l'ordre alors que le juge d'appel était tenu de statuer sur les seules conclusions de l'appel incident de l'université de Montpellier, et non sur l'appel de M. A... qui s'était désisté, et qu'il ne pouvait prononcer une sanction moins sévère que celle infligée en première instance par la section disciplinaire du conseil académique de l'université de Montpellier ;

- d'insuffisance de motivation, d'inexacte qualification juridique des faits et de dénaturation des pièces du dossier en ce que, d'une part, elle omet d'indiquer les raisons pour lesquelles elle estime qu'aucun élément tangible ne permet de prouver que M. A... a eu des gestes déplacés ou un comportement inapproprié dans le cadre de l'enseignement de sa discipline, et en ce que d'autre part, elle retient seulement l'existence de propos déplacés de nature à justifier la sanction du rappel à l'ordre.

Le pourvoi a été communiqué à M. A... qui n'a pas produit de mémoire.

....................................................................................

Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu :

- le code de l'éducation ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Edouard Solier, maître des requêtes,

- les conclusions de M. Raphaël Chambon, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SARL Meier-Bourdeau, Lecuyer et associés, avocat de l' université de Montpellier ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces des dossiers soumis aux juges du fond qu'à la suite d'un signalement de quatre étudiantes faisant état de gestes et de propos déplacés de M. B... A..., professeur agrégé de l'enseignement secondaire enseignant à l'unité de formation et de recherche en sciences et techniques des activités physiques et sportives de l'université de Montpellier, à leur encontre, la section disciplinaire du conseil académique de l'université de Montpellier, saisie par le président de cette université de poursuites disciplinaires visant l'intéressé, lui a infligé la sanction de l'interruption de ses fonctions dans l'établissement pendant une durée d'un an, par une décision du 10 juillet 2018. Par une décision du 8 juillet 2020, le Conseil national de l'enseignement supérieur et de la recherche (CNESER), statuant en matière disciplinaire, a, sur appel de M. A... et sur appel incident de l'université de Montpellier infligé à celui-ci la sanction du rappel à l'ordre. Par une décision du 20 juillet 2022, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux, a annulé cette décision et renvoyé l'affaire au CNESER, statuant en matière disciplinaire. L'université de Montpellier et la ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche se pourvoient en cassation contre la décision, en ce qu'elle leur fait grief, du 15 mars 2023 par laquelle le CNESER, statuant en matière disciplinaire, a, d'une part, donné acte du désistement de M. A..., d'autre part, infligé à celui-ci la sanction du rappel à l'ordre.

2. Les pourvois présentés par l'université de Montpellier et la ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche, qui tendent à l'annulation des articles 3 et 4 de la décision attaquée, présentent à juger les mêmes questions. Il y a lieu de les joindre pour y statuer par une seule décision.

3. Il ressort des énonciations de la décision attaquée que, pour réduire à un rappel à l'ordre la sanction prononcée à l'égard de M. A..., le CNESER, statuant en matière disciplinaire, s'est fondé sur ce qu'aucun élément tangible ne permettait de prouver que l'intéressé avait eu des gestes déplacés ou un comportement inapproprié dans le cadre de l'enseignement de sa discipline, en particulier lors de cours de baseball et de judo, à l'égard de quatre de ses étudiantes, dès lors que ces enseignements nécessitaient des démonstrations physiques afin que les étudiants appréhendent les techniques mises en œuvre. En statuant ainsi, sans indiquer les motifs pour lesquels il a estimé, contrairement à ce que soutenait l'université de Montpellier devant lui, que ces gestes ne présentaient pas, dans le cas d'espèce, un caractère déplacé, et alors qu'il ressortait des pièces du dossier soumis aux juges du fond, notamment du rapport d'instruction de la commission disciplinaire de cette université ainsi que des témoignages des quatre plaignantes, que les gestes reprochés à M. A..., dont la réalité n'était d'ailleurs pas contestée, étaient inappropriés au regard de ceux que des considérations pédagogiques auraient justifiés, le CNESER, statuant en matière disciplinaire, a dénaturé les pièces du dossier et par suite, inexactement qualifié les faits qui lui étaient soumis, tout en motivant insuffisamment sa décision.

4. Il résulte de ce qui précède que, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de leurs pourvois respectifs, l'université de Montpellier et la ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche sont fondées à demander l'annulation des articles 3 et 4 de la décision qu'elles attaquent.

5. Le CNESER, statuant en matière disciplinaire, ayant donné acte à M. A... du désistement de son appel, par l'article 1er de sa décision, qui est devenu irrévocable, et l'université de Montpellier s'étant bornée, dans le mémoire qu'elle a intitulé " appel incident ", enregistré au greffe du CNESER le 6 novembre 2018, à présenter des conclusions, réitérées par plusieurs mémoires postérieurs, en date des 25 février 2020, 5 décembre 2022 et 14 mars 2023, tendant à la seule confirmation de la sanction infligée en première instance, lesquelles, dès lors qu'elles ne tendent pas à la réformation de la décision de première instance, ne peuvent être analysées comme constituant un appel incident, il n'y a pas lieu, dans ces conditions, de régler l'affaire au fond en application du second alinéa de l'article L. 821-2 du code de justice administrative, malgré la cassation de la décision du CNESER prononcée au point précédent.

6. Enfin, il résulte de ce qui vient d'être dit au point précédent que l'article 2 de la décision du CNESER, statuant en matière disciplinaire, du 15 mars 2023, selon lequel " il est donné acte à Monsieur le Président de l'Université de Montpellier du maintien de l'appel incident qu'il a formé le 06/11/2018 " doit être déclaré nul et non avenu.

D E C I D E :

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Article 1er : Les articles 3 à 4 de la décision du 15 mars 2023 du Conseil national de l'enseignement supérieur et de la recherche, statuant en matière disciplinaire, sont annulés.

Article 2 : L'article 2 de la décision du 15 mars 2023 du Conseil national de l'enseignement supérieur et de la recherche, statuant en matière disciplinaire, est déclaré nul et non avenu.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à l'université de Montpellier, à la ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche et à M. B... A....


Synthèse
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 474786
Date de la décision : 05/06/2024
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 05 jui. 2024, n° 474786
Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Edouard Solier
Rapporteur public ?: M. Raphaël Chambon
Avocat(s) : SARL MEIER-BOURDEAU, LECUYER ET ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 09/06/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2024:474786.20240605
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