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05/06/2024 | FRANCE | N°467107

France | France, Conseil d'État, 4ème chambre, 05 juin 2024, 467107


Vu la procédure suivante :



La société Sodi a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 2 mai 2018 par laquelle la ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social a, d'une part, retiré sa décision du 22 janvier 2018 par laquelle elle a implicitement rejeté le recours hiérarchique de Mme B... A... contre la décision du 20 juillet 2017 par laquelle l'inspecteur du travail de l'unité départementale de l'Isère a autorisé son licenciement économique par la société

OFP Maintenance, d'autre part, annulé cette décision, enfin, refusé d'autori...

Vu la procédure suivante :

La société Sodi a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 2 mai 2018 par laquelle la ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social a, d'une part, retiré sa décision du 22 janvier 2018 par laquelle elle a implicitement rejeté le recours hiérarchique de Mme B... A... contre la décision du 20 juillet 2017 par laquelle l'inspecteur du travail de l'unité départementale de l'Isère a autorisé son licenciement économique par la société OFP Maintenance, d'autre part, annulé cette décision, enfin, refusé d'autoriser son licenciement. Par un jugement n° 1804975 du 20 novembre 2020, le tribunal administratif a annulé la décision du 2 mai 2018 en tant qu'elle a refusé d'autoriser le licenciement de Mme A....

Par un arrêt n° 21LY00260 du 30 juin 2022, la cour administrative d'appel de Lyon a, sur appel de Mme A..., annulé ce jugement et rejeté la demande de la société Sodi tendant à l'annulation de la décision du 2 mai 2018.

Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire, et un nouveau mémoire, enregistrés les 30 août et 30 novembre 2022 et le 4 octobre 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société Sodi demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) réglant l'affaire au fond, de rejeter l'appel de Mme A... ;

3°) de mettre solidairement à la charge de l'Etat et de Mme A... la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

La société Sodi soutient que l'arrêt qu'elle attaque est entaché :

- d'erreur de droit en ce que, pour juger que l'activité de la société OFP Maintenance lui a été transférée, il ne caractérise ni l'existence d'une entité économique autonome, ni le transfert d'éléments corporels ou incorporels significatifs d'exploitation, ni le maintien de l'identité de cette entité économique autonome, et d'inexacte qualification juridique des faits en ce qu'il juge que l'activité de la société OFP Maintenance lui a été transférée ;

- de dénaturation des pièces du dossier en ce qu'il juge que les achats de matériel effectués concernent majoritairement des consommables ou des pièces sujettes à usure qui ne sont pas susceptibles d'avoir fait obstacle au transfert ;

- d'insuffisance de motivation en ce que, pour juger que l'activité de la société OFP Maintenance lui a été transférée, il omet de caractériser le maintien de l'identité de l'entité économique autonome, et de dénaturation des pièces du dossier en ce qu'il juge qu'il y a eu transfert alors que le marché détenu par la société OFP Maintenance a été scindé entre deux nouveaux prestataires et que le périmètre de ce marché n'a donné lieu qu'à des modifications marginales.

Par un mémoire en défense, enregistré le 29 août 2023, Mme A... conclut au rejet du pourvoi et ce que la somme de 3 500 euros soit mise à la charge de la société Sodi au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que les moyens soulevés ne sont pas fondés.

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Edouard Solier, maître des requêtes,

- les conclusions de M. Raphaël Chambon, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Célice, Texidor, Perier, avocat de la société Sodi et à la SARL Thouvenin, Coudray, Grevy, avocat de Mme A... ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, par une décision du 20 juillet 2017, l'inspecteur du travail de l'unité départementale de l'Isère a autorisé la société OFP Maintenance à licencier Mme B... A..., salariée protégée pour motif économique, la société mettant fin de manière totale et définitive à son activité. Par une décision du 2 mai 2018, la ministre du travail a, d'une part, retiré sa décision du 22 janvier 2018 par laquelle elle a implicitement rejeté le recours hiérarchique de Mme A... contre la décision du 20 juillet 2017, d'autre part, annulé cette décision, enfin, refusé d'autoriser son licenciement, au motif que son contrat de travail avait subsisté avec la société Sodi, nouvelle attributaire du marché de maintenance assuré jusqu'alors par la société OFP Maintenance. Par un jugement du 20 novembre 2020, le tribunal administratif de Grenoble a, sur demande de la société Sodi, annulé la décision du 2 mai 2018 en tant qu'elle a refusé d'autoriser le licenciement. La société Sodi se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 30 juin 2022 par lequel la cour administrative d'appel de Lyon a, sur appel de Mme A..., annulé ce jugement et rejeté la demande de la société Sodi.

2. D'une part, en vertu des dispositions du code du travail, le licenciement des salariés légalement investis de fonctions représentatives, qui bénéficient d'une protection exceptionnelle dans l'intérêt de l'ensemble des travailleurs qu'ils représentent, ne peut intervenir que sur autorisation de l'inspecteur du travail. Lorsque le licenciement d'un de ces salariés est envisagé, ce licenciement ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées ou l'appartenance syndicale de l'intéressé. Dans le cas où la demande d'autorisation de licenciement présentée par l'employeur est fondée sur un motif de caractère économique, il appartient à l'inspecteur du travail et, le cas échéant, au ministre, de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si la situation de l'entreprise justifie le licenciement du salarié.

3. A ce titre, lorsque la demande d'autorisation de licenciement pour motif économique est fondée sur la cessation d'activité de l'entreprise, il n'appartient pas à l'autorité administrative de contrôler si cette cessation d'activité est justifiée par l'existence de mutations technologiques, de difficultés économiques ou de menaces pesant sur la compétitivité de l'entreprise. Il lui incombe en revanche de contrôler que la cessation d'activité de l'entreprise est totale et définitive, en tenant compte, à cet effet, à la date à laquelle elle se prononce, de tous les éléments de droit ou de fait recueillis lors de son enquête qui sont susceptibles de remettre en cause le caractère total et définitif de la cessation d'activité. Lorsque l'entreprise appartient à un groupe, la circonstance qu'une autre entreprise du groupe ait poursuivi une activité de même nature ne fait pas, par elle-même, obstacle à ce que la cessation d'activité de l'entreprise soit regardée comme totale et définitive. En revanche, le licenciement ne saurait être autorisé s'il apparaît que le contrat de travail du salarié doit être regardé comme transféré à un nouvel employeur en application de l'article L. 1224-1 du code du travail.

4. D'autre part, aux termes de l'article L. 1224-1 du code du travail : " Lorsque survient une modification dans la situation juridique de l'employeur, notamment par succession, vente, fusion, transformation du fonds, mise en société de l'entreprise, tous les contrats de travail en cours au jour de la modification subsistent entre le nouvel employeur et le personnel de l'entreprise ".

5. Ces dispositions trouvent à s'appliquer en cas de transfert par un employeur à un autre employeur d'une entité économique autonome. Constitue une entité économique autonome un ensemble organisé de personnes et d'éléments corporels et incorporels permettant l'exercice d'une activité qui poursuit un objectif propre, conservant son identité, et dont l'activité est poursuivie par le nouvel employeur.

6. Il ressort des énonciations de l'arrêt attaqué que, pour juger que le transfert de l'activité d'exécution d'un marché de maintenance de la société OFP Maintenance à la société Sodi entrait dans le champ des transferts visés par les dispositions de l'article L. 1224-1 du code du travail, cité au point 4, la cour administrative d'appel de Lyon s'est bornée à relever, d'une part, que la plupart des personnels de la société OFP Maintenance affectés au marché avaient été réembauchés par la société Sodi et affectés aux mêmes tâches, sur le même site de Pont-de-Claix (Isère), d'autre part, que le marché n'avait donné lieu qu'à des modifications marginales, enfin, que les achats de matériels dont se prévalait la société Sodi concernaient majoritairement des consommables ou des pièces sujettes à usure. En statuant ainsi, sans se prononcer sur l'existence, au sein de la société OFP Maintenance, d'un ensemble organisé de personnes et d'éléments corporels et incorporels permettant l'exercice d'une activité poursuivant un objectif propre, ni caractériser la reprise par la société Sodi d'éléments corporels ou incorporels significatifs et nécessaires à l'exploitation de cette entité, la cour administrative d'appel a entaché son arrêt d'erreur de droit.

7. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de son pourvoi, que la société Sodi est fondée à demander l'annulation de l'arrêt du 30 juin 2022 de la cour administrative d'appel de Lyon qu'elle attaque.

8. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de Mme A... la somme que demande la société Sodi au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Ces dispositions font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de la société Sodi, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance.

D E C I D E :

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Article 1er : L'arrêt du 30 juin 2022 de la cour administrative d'appel de Lyon est annulé.

Article 2 : L'affaire est renvoyée à la cour administrative d'appel de Lyon.

Article 3 : Les conclusions présentées par la société Sodi et par Mme A... au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à la société Sodi et à Mme B... A....

Copie en sera adressée à la société OFP Maintenance et à la ministre du travail, de la santé et des solidarités.


Synthèse
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 467107
Date de la décision : 05/06/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 05 jui. 2024, n° 467107
Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Edouard Solier
Rapporteur public ?: M. Raphaël Chambon
Avocat(s) : SCP CELICE, TEXIDOR, PERIER ; SARL THOUVENIN, COUDRAY, GREVY

Origine de la décision
Date de l'import : 09/06/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2024:467107.20240605
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