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30/05/2024 | FRANCE | N°470743

France | France, Conseil d'État, 6ème chambre, 30 mai 2024, 470743


Vu la procédure suivante :



M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler pour excès de pouvoir la décision du garde des sceaux, ministre de la justice, du 16 avril 2019 le plaçant à la retraite d'office pour invalidité et d'enjoindre au garde des sceaux de le réintégrer dans ses fonctions de surveillant principal au centre pénitentiaire de Paris La Santé.



Par un jugement n° 1915844/5-2 du 20 mai 2021, le tribunal administratif a rejeté cette demande.



Par un arrêt n° 21PA0

4256 du 22 novembre 2022, la cour administrative d'appel de Paris a rejeté l'appel formé par M. B....

Vu la procédure suivante :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler pour excès de pouvoir la décision du garde des sceaux, ministre de la justice, du 16 avril 2019 le plaçant à la retraite d'office pour invalidité et d'enjoindre au garde des sceaux de le réintégrer dans ses fonctions de surveillant principal au centre pénitentiaire de Paris La Santé.

Par un jugement n° 1915844/5-2 du 20 mai 2021, le tribunal administratif a rejeté cette demande.

Par un arrêt n° 21PA04256 du 22 novembre 2022, la cour administrative d'appel de Paris a rejeté l'appel formé par M. B... contre ce jugement.

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 23 janvier et 24 avril 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. B... demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le décret n° 86-442 du 14 mars 1986 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Cédric Fraisseix, maître des requêtes en service extraordinaire,

- les conclusions de M. Nicolas Agnoux, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Zribi et Texier, avocat de M. B... ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, saisie par l'administration pénitentiaire aux fins d'émettre un avis sur l'aptitude de M. B... à exercer ses fonctions de surveillant principal, la commission de réforme ministérielle a, par un avis du 4 février 2019, estimé que ce dernier présentait des troubles " incompatibles définitivement et totalement à l'exercice de toutes fonctions, sans possibilité de reclassement ". Par un courrier du 15 mars 2019, la directrice du centre pénitentiaire de Paris-La Santé a informé M. B... qu'elle avait décidé de suivre cet avis en engageant une procédure d'admission à la retraite pour invalidité, puis lui a adressé, par un second courrier du 16 avril 2019, le dossier à remplir pour pouvoir présenter sa demande à ce titre. Par un arrêt du 22 novembre 2022 contre lequel M. B... se pourvoit en cassation, la cour administrative d'appel de Paris a rejeté son appel formé contre le jugement du tribunal administratif de Paris du 20 mai 2021 rejetant sa demande d'annulation de la décision le plaçant à la retraite d'office révélée par ce courrier du 16 avril 2019.

2. Aux termes de l'article 19, alors en vigueur, du décret du 14 mars 1986 relatif à la désignation des médecins agréés, à l'organisation des comités médicaux et des commissions de réforme, aux conditions d'aptitude physique pour l'admission aux emplois publics et au régime de congés de maladie des fonctionnaires : " (...) La commission de réforme, si elle le juge utile, peut faire comparaître le fonctionnaire intéressé. Celui-ci peut se faire accompagner d'une personne de son choix ou demander qu'une personne de son choix soit entendue par la commission de réforme. / (...) Le secrétariat de la commission de réforme informe le fonctionnaire : / - de la date à laquelle la commission de réforme examinera son dossier ; / - de ses droits concernant la communication de son dossier et la possibilité de se faire entendre par la commission de réforme, de même que de faire entendre le médecin et la personne de son choix (...) ".

3. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la seule information dont M. B... a bénéficié sur ses droits avant la réunion de la commission de réforme ministérielle du 4 février 2019 est celle contenue dans la convocation qui lui a été adressée le 18 janvier 2019, dans laquelle il lui était notamment indiqué qu'il avait la possibilité, d'une part, de consulter son dossier administratif au centre pénitentiaire de Paris-La Santé et, d'autre part, de se faire entendre par la commission et " d'y être assisté ". En jugeant que cette information satisfaisait aux prescriptions, citées au point 2, de l'article 19 du décret du 14 mars 1986 alors qu'il n'avait pas été précisé à l'intéressé qu'il lui était loisible de faire entendre le médecin de son choix, la cour administrative d'appel a commis une erreur de droit.

4. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens du pourvoi, que M. B... est fondé à demander l'annulation de l'arrêt qu'il attaque.

5. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de régler l'affaire au fond en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative.

6. Il résulte de ce qui a été dit plus haut que la décision litigieuse, révélée par le courrier de la directrice du centre pénitentiaire de Paris-La Santé du 16 avril 2019, plaçant M. B... à la retraite d'office pour invalidité a été prise au terme d'une procédure irrégulière dès lors que l'intéressé a été privé de la garantie, prévue par l'article 19 du décret du 14 mars 1986, d'être informé de la possibilité de faire entendre le médecin de son choix par la commission de réforme. Dès lors, le requérant est fondé, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens qu'il invoque, à demander l'annulation du jugement attaqué et de cette décision.

7. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros à verser à M. B... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Paris du 22 novembre 2022 est annulé.

Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Paris du 20 mai 2021 et la décision du garde des sceaux, ministre de la justice, plaçant M. B... à la retraite d'office pour invalidité sont annulés.

Article 3 : L'Etat versera la somme de 4 000 euros à M. B... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à M. A... B... et au garde des sceaux, ministre de la justice.

Délibéré à l'issue de la séance du 2 mai 2024 où siégeaient : Mme Isabelle de Silva, présidente de chambre, présidant ; M. Cyril Roger-Lacan, conseiller d'Etat et M. Cédric Fraisseix, maître des requêtes en service extraordinaire-rapporteur.

Rendu le 30 mai 2024.

La présidente :

Signé : Mme Isabelle de Silva

Le rapporteur :

Signé : M. Cédric Fraisseix

La secrétaire :

Signé : Mme Angélique Rajaonarivelo


Synthèse
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 470743
Date de la décision : 30/05/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 30 mai. 2024, n° 470743
Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Cédric Fraisseix
Rapporteur public ?: M. Nicolas Agnoux
Avocat(s) : SCP ZRIBI, TEXIER

Origine de la décision
Date de l'import : 02/06/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2024:470743.20240530
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