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29/05/2024 | FRANCE | N°472307

France | France, Conseil d'État, 6ème - 5ème chambres réunies, 29 mai 2024, 472307


Vu la procédure suivante :



Par une requête sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 20 mars et 21 juin 2023 et le 25 mars 2024 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. C... B... demande au Conseil d'Etat :



1°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision implicite par laquelle la Première ministre a rejeté sa demande tendant à l'abrogation du troisième alinéa du III de l'article 5 du décret du 27 novembre 1991 organisant la profession d'avocat ;



2°) d'enjoindre à la Première ministre d'abroger ces dispositions dans un délai de trois mois à co...

Vu la procédure suivante :

Par une requête sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 20 mars et 21 juin 2023 et le 25 mars 2024 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. C... B... demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision implicite par laquelle la Première ministre a rejeté sa demande tendant à l'abrogation du troisième alinéa du III de l'article 5 du décret du 27 novembre 1991 organisant la profession d'avocat ;

2°) d'enjoindre à la Première ministre d'abroger ces dispositions dans un délai de trois mois à compter de la notification de la décision à intervenir ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la Constitution, notamment son Préambule ;

- la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Antoine Berger, auditeur,

- les conclusions de M. Frédéric Puigserver, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Gaschignard, Loiseau, Massignon, avocat de M. B... ;

Considérant ce qui suit :

1. Aux termes de l'article 15 de la loi du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques : " Les avocats font partie de barreaux qui sont établis auprès des tribunaux judiciaires, suivant les règles fixées par les décrets prévus à l'article 53. (...) / Chaque barreau est administré par un conseil de l'ordre élu pour trois ans, au scrutin secret binominal majoritaire à deux tours, par tous les avocats inscrits au tableau de ce barreau et par les avocats honoraires dudit barreau. Chaque binôme est composé de candidats de sexe différent. (...) / Le conseil de l'ordre est renouvelable par tiers chaque année. Il est présidé par un bâtonnier élu pour deux ans dans les mêmes conditions. Le bâtonnier peut être assisté par un vice-bâtonnier élu avec lui dans les mêmes conditions et pour la même durée ". Aux termes de l'article 53 de la même loi : " Dans le respect de l'indépendance de l'avocat, de l'autonomie des conseils de l'ordre et du caractère libéral de la profession, des décrets en Conseil d'Etat fixent les conditions d'application du présent titre. / Ils présentent notamment : (...) / 3° Les règles d'organisation professionnelle, notamment la composition des conseils de l'ordre et les modes d'élection, de fonctionnement, de financement et les attributions du Conseil national des barreaux ".

2. L'article 5 du décret du 27 novembre 1991 organisant la profession d'avocat, pris pour l'application de ces dispositions législatives, fixe les règles applicables aux élections aux conseils de l'ordre, en fonction du nombre des avocats inscrits au tableau et des avocats honoraires. Le III de cet article 5, dont M. B..., avocat au barreau de Versailles, a demandé l'abrogation à la Première ministre, définit les conditions d'éligibilité des candidats à ces élections, en disposant que : " Le règlement intérieur fixe les modalités de l'élection. / Les membres du conseil de l'ordre sont immédiatement rééligibles à l'expiration d'un premier mandat. / A l'expiration du deuxième de deux mandats successifs, les membres sortants, à l'exception des anciens bâtonniers, ne sont rééligibles qu'après un délai de deux ans. Ce délai est réduit à un an dans les barreaux de moins de seize avocats disposant du droit de vote ".

3. En premier lieu, il résulte des termes mêmes de l'article 53 de la loi du 31 décembre 1971 que le législateur a renvoyé au pouvoir réglementaire le soin de déterminer, par décret en Conseil d'Etat, les règles d'organisation de la profession d'avocat, en particulier celles qui sont relatives à la composition des conseils de l'ordre. Sur ce fondement, le Premier ministre avait compétence pour adopter les dispositions litigieuses, qui ont pour objet de définir les règles d'éligibilité des candidats aux élections au conseil de l'ordre.

4. En second lieu, en vertu de l'article 21 de la loi du 31 décembre 1971, le bâtonnier représente le barreau dans tous les actes de la vie civile, instruit toute réclamation formulée à l'encontre d'un avocat, prévient ou concilie les différends d'ordre professionnel entre les membres du barreau. Par ailleurs, le décret du 27 novembre 1991 le désigne comme interlocuteur du Conseil national des barreaux et lui confère des responsabilités propres, telles que la conduite d'enquêtes déontologiques, la saisine de la juridiction disciplinaire, la réception des demandes d'inscription au barreau ou le traitement des réclamations relatives au montant des honoraires.

5. Si les dispositions contestées permettent aux anciens bâtonniers, à la différence de ce qu'elles prévoient pour les autres membres sortants des conseils de l'ordre, de se porter immédiatement candidat à un nouveau mandat à l'issue de deux mandats successifs, elles ne méconnaissent pas pour autant le principe d'égalité, eu égard à la situation particulière des anciens bâtonniers et à l'expérience que leur a conférée l'exercice de telles fonctions. M. B... n'est ainsi pas fondé à soutenir que les dispositions dont il demande l'abrogation méconnaîtraient le principe d'égalité ou, en tout état de cause, le principe d'égal accès aux emplois publics, ni qu'elles porteraient une atteinte illégale à la liberté de l'électeur.

6. Il résulte de tout ce qui précède que la requête de M. B... doit être rejetée, y compris ses conclusions au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. C... B..., au Premier ministre et au garde des sceaux, ministre de la justice.

Délibéré à l'issue de la séance du 29 avril 2024 où siégeaient : M. Jacques-Henri Stahl, président adjoint de la section du contentieux, présidant ; Mme Isabelle de Silva, M. Jean-Philippe Mochon, présidents de chambre ; M. Alain Seban, Mme Fabienne Lambolez, M. Cyril Roger-Lacan, M. Laurent Cabrera, M. Stéphane Hoynck, conseillers d'Etat et M. Antoine Berger, auditeur-rapporteur.

Rendu le 29 mai 2024.

Le président :

Signé : M. Jacques-Henri Stahl

Le rapporteur :

Signé : M. Antoine Berger

La secrétaire :

Signé : Mme Marie-Adeline Allain


Synthèse
Formation : 6ème - 5ème chambres réunies
Numéro d'arrêt : 472307
Date de la décision : 29/05/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 29 mai. 2024, n° 472307
Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Antoine Berger
Rapporteur public ?: M. Frédéric Puigserver
Avocat(s) : SCP GASCHIGNARD, LOISEAU, MASSIGNON

Origine de la décision
Date de l'import : 09/06/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2024:472307.20240529
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